Le projet est dévoilé en 2003 au Salon de Détroit. Il ne s’agit alors que d’un concept car surnommé affectueusement “Baby Aston”. La prestigieuse enseigne, propriété de Ford depuis 1987, entend se démocratiser et en finir avec une production confidentielle. Dans le sillage de la DB9 qui a ouvert la voie de la modernité, la petite V8 produite en série dès 2005 va tout bonnement révolutionner l’image de la marque britannique. Marcher sur les plates-bandes de la reine 911 est un pari pour le moins osé. La Vantage (appellation qui remonte à 1951) peut néanmoins compter sur un atout décisif : son physique ! N’ayons pas peur des mots, la ligne de cette GT dessinée par Henrik Fisker (le papa de la DB9) est un véritable chef-d’oeuvre.
Il en émane à la fois une classe folle et une sportivité exacerbée sans le moindre artifice à la mode ni aucune vulgarité. Râblée et sculpturale, la bombe anatomique d’Aston accueille deux occupants dans un cockpit moderne et cosy, fait d’un mélange exquis de cuir tendu surpiqué (en option) et d’aluminium. La position de conduite est remarquable, les commandes tombent naturellement sous la main. La mise à feu est un poème à elle seule. Un tour de clé de contact, le bouton Engine Start au milieu de la console centrale devient rouge, puis vert lorsqu’on débraye. Une simple pression et le V8 sort de sa torpeur dans un grognement qui tranche avec le raffinement de la monture. Le regard est troublé par l’aiguille du compte-tours qui grimpe à contresens, tandis que la mécanique s’exprime d’une voix gutturale emballée dans une belle nonchalance. A 4 000 tours, une valve intégrée à l’échappement s’ouvre et décuple le volume sonore, mais rien n’y fait, les 385 ch manquent de fougue à haut régime.
Lointain cousin d’un bloc Jaguar, le V8 4,3 litres à carter sec de l’Aston ne se départit pas d’une certaine rugosité qui l’empêche de surclasser le flat-six de la Carrera S ou encore le V8 de la Maserati GranSport en termes d’agrément. Ce défaut est mis en exergue par une commande de boîte très ferme et un peu lente. Les performances de la Vantage n’en restent pas moins honorables.
Charme fou
L’Anglaise surclasse la plupart de ses concurrentes en accélération, mais pas la 911, plus rapide d’une demi-seconde au mille mètres départ arrêté. En cause, un embonpoint de 150 kg comparé à ladite Porsche, et ce malgré de gros efforts d’allégement. L’aluminium est en effet utilisé pour la capot et le toit mais surtout la plateforme baptisée VH, composée d’éléments extrudés collés et rivetés. Faute de faire des miracles sur la balance, ce châssis emprunté à la DB9 avec un empattement raccourci de 14 cm donne toute satisfaction sur la route.
La V8 procure l’impression de faire corps avec sa machine comme peu de voitures dans le segment. Elle réagit aux injonctions du pilote avec précision et panache, tout en faisant montre d’un magnifique équilibre. Pour ce faire, le moteur a été reculé au maximum (position centrale avant) et l’ensemble boîte pont renvoyé à l’arrière selon le schéma transaxle. Munie en prime d’un autobloquant mécanique et d’une direction irréprochable, l’Anglaise est un régal à la limite. Il lui manque toutefois un amortissement plus efficace et un poids décent pour tutoyer les sommets de la catégorie en efficacité pure. Difficile, néanmoins, de ne pas succomber au charme fou de cette ensorceleuse.