Où et quand ?
Fin avril, Lotus a convié quelques journalistes européens dans son fief de Hethel pour découvrir la 2 litres sur les routes du comté de Norfolk et sur le circuit de développement maison. Étant donné la météo capricieuse, le constructeur n’a pas pris de risque et a écarté les semi-slicks, qui vont normalement de pair avec le châssis Sport optionnel équipant tous les modèles essayés : ressorts raffermis et vitesse d’exécution des amortisseurs augmentée.
Le pitch
Depuis son lancement en 2022, l’Emira promet une déclinaison quatre cylindres. La V6 n’est pas morte et continue d’être produite au sein de l’usine récente Chapman, comme nous avons pu le constater. Toutefois, la majorité des 130 Emira sortant des chaînes chaque semaine possède quatre cylindres en ce moment en raison du lancement. Lotus a dû revoir le berceau en aluminium (allégé de 12 kg) et la suspension arrière pour accueillir le 2 litres « A139 » en position transversale à l’arrière.
Premier regard
Du pareil au même ! Impossible de dissocier visuellement la version quatre cylindres de la V6, y compris au niveau des sorties d’échappement. L’allure râblée et les proportions de cette petite Evija tapent toujours dans l’œil. Les lignes géométriques se mêlent aux rondeurs tout en gardant une simplicité qui lui fera traverser les années sans encombre. Le capot ajouré ne cache pas de coffre à l’avant et cette partie reste réservée au refroidissement. Il faut se contenter du petit coffre arrière (151 l), ainsi que de l’espace derrière les sièges pouvant accueillir jusqu’à 208 l selon Lotus. C’est en se penchant sur la partie arrière que l’on peut deviner la motorisation. Alors que le V6 exhibe son couvre-culasses, le 2 litres turbo se cache sous un gros plastique noir, sans doute pour renforcer l’isolation thermique. Lotus propose 13 couleurs extérieures et 7 intérieures.
À bord, nous retrouvons le même habitacle que celui de la grande sœur V6 misant sur la simplicité des formes et deux écrans en guise de compteur et de système multimédia. La qualité des matériaux reste supérieure à celle d’une A110, mais s’incline devant celle d’une 718 Cayman dotée du cuir étendu. Les commandes tombent sous la main mais le volant à double méplat n’est pas idéal dans les manœuvres et il aurait mérité moins de boutons. Très épais, les sièges préfèrent quant à eux le confort au maintien latéral. En jetant un œil dans le rétro, on se rend compte que l’original actionneur de papillon de gaz a disparu. Sur la console, la goupille protégeant le bouton de démarrage évoque l’univers Lamborghni, alors que le bonhomme casqué figurant sur la ventilation renvoie à McLaren. Cette dernière reste analogique, comme la bascule des modes de conduite (Tour, Sport et Track) agissant sur la pression de turbo, la réponse à l’accélérateur, les aides (déconnectables depuis l’écran), la sonorité et les changements de rapport. Eh oui, comme chez AMG, le 2 litres est associé d’office à une boîte 8 à double embrayage. Le levier traditionnel laisse ainsi place à une commande séquentielle peu intuitive dans les manœuvres et à des palettes au temps de réponse décevant. La grille située sous le levier disparaît au passage et laisse place à un rangement.
Le râleur, il dit quoi ?
Il aurait aimé que l’écart de prix avec la V6 soit plus conséquent, qu’il existe un différentiel piloté et que le caractère du 2 litres soit plus affirmé.
Des chiffres (et quelques lettres)
Dans ce domaine, Lotus a toujours été pointilleux avec en point d’orgue le poids qui obsédait son créateur Colin Chapman. Au lancement de l’Emira, il évoquait une masse d’environ 1 400 kg, qui correspondait à la « i4 » qui se nomme pour l’instant « First Edition » alors que la V6 se nomme « V6 First Edition ». Bon, pour faciliter la compréhension, nous prenons la liberté d’ajouter « 2.0 ». Au final, cette version quatre cylindres revendique 1 446 kg, soit une cinquantaine de kilos de moins que la V6. Elle reste donc éloignée de l’aînée Evora V6 qui oscillait autour de 1 300 kg. Elle repose pourtant sur un châssis alu collé/riveté et s’habille d’une robe en matériau composite. Mais le gabarit et les équipements de confort grimpent en flèche. Le 2 litres bi-injection réduit certes la cylindrée, mais réclame une haute dose d’oxygène et de refroidissement avec un turbo à double entrée soufflant jusqu’à 2,1 bars ! Pour respecter la hiérarchie vis-à-vis du V6 de 405 ch et sans doute pour anticiper l’évolution de gamme, il s’en tient pour le moment à 365 ch en disposant d’une admission, d’un échappement et d’une cartographie spécifiques. Le rendement reste record (183 ch/l) et le couple maxi supérieur à celui du 3,5 litres : 430 contre 420 Nm. On ne retrouve pas le côté pétaradant et rageur de la version 421 ch équipant les A/CLA/GLA 45 S AMG. Cette configuration masse vigoureusement à 3 000 tr/mn puis lisse les montées en régime jusqu’au limiteur positionné à 7 200 tr/mn. Les modes sportifs libèrent l’échappement actif, sans conviction. La bande-son surprend surtout par les bruits de suralimentation mis en avant côté conducteur en réduisant l’insonorisation. Résultat, ça siffle et ça chuinte sans que cela ne devienne envahissant en Tour. En Sport et Track, la sonorité devient plus artificielle à bord en remixant et en amplifiant l’admission et l’échappement via les haut-parleurs. Le package AMG comprend également la boîte à double embrayage, très rapide et douce en Drive. En attaquant, la gestion déçoit toutefois par son manque de hargne lors des rétrogradages, y compris en manuel. Cette DCT à 8 rapports se manie depuis les palettes ou le levier en l’agitant latéralement ! La gestion perfectible recèlerait toutefois un launch control qui la propulserait de 0 à 100 km/h en 4’’4. Nous n’avons pas réussi à le déclencher, mais les mises en vitesse sont déjà appétissantes et proches de celles de la V6 (4’’6). Les deux versions s’éloignent davantage en vitesse maxi, avec 275 contre 290 km/h.
Le truc en plus
Le feeling ! Par rapport à un 718 Cayman ou à une A110, l’Emira établit une connexion pure avec la chaussée, au point suivre tous ses défauts. Sur ce point, elle s’éloigne d’une GT et garde son ADN de puriste.
Le bienheureux, il dit quoi ?
Il profite d’un feeling de conduite pur et de bruits de suralimentation qui tranchent avec le reste de la production.
Sur la route
Les fans de la marque seront ravis de retrouver une connexion très pure propre aux Lotus thermiques. L’Emira quatre cylindres change pourtant de direction, dont l’assistance est toujours hydraulique (ouf !) mais équipée d’une pompe à débit variable pour diminuer la consommation. En échange, il faut accepter de lire les défauts de la chaussée et d’être sur le qui-vive sur le bosselé. Cette tendance au guidonnage est d’ailleurs davantage marquée par rapport aux V6 testées (y compris en Cup 2). Cela est sans doute dû au calibrage de la suspension Sport, semblant plus raide par rapport à celle de la V6. Les mouvements de caisse continuent d’être présents pour soigner la progressivité, mais le filtrage se révèle ferme et pas uniquement à basse vitesse. Rien de choquant toutefois de la part d’un coupé sportif capable de se défouler sur piste. Rappelons que cette suspension Sport est optionnelle. Nous aurions aimé tester le châssis classique sur route, mais ce n’était pas au programme de ces premiers essais. Sur les routes bucoliques du comté de Norfolk, l’Emira se révèle plaisante, relativement neutre et légèrement survireuse en sortie en insistant sur les gaz. Le gabarit n’a rien à voir avec celui d’une A110 et il faut avoir conscience de sa carrure de GT sur les « single roads » britanniques. Le grip général est difficile à prendre en défaut et les Goodyear font un excellent travail sur le mouillé. Cela donne évidemment envie d’aller plus loin et de la pousser dans ses retranchements sur piste.
Sur circuit
Cela n’est pas au goût du moniteur imposé sur le tracé de Hethel. La piste est quasi sèche, mais il n’autorise à basculer en Track que lors des deux derniers tours. Or c’est avec ce mode que la pression maxi des turbos est atteinte et que les aides sont repoussées. Surtout, restez zen. Les animaux n’ont même plus peur des productions locales, même si elle libère leur échappement comme cette GT4 nous honorant d’un baptême et chaussant des slicks. Précisons qu’elle conserve le V6 (jusqu’à 400 ch) et que cette pistarde taillée pour le FIA GT4 avoisine les 1300 kg. À bord de la 2.0, dès le premier enchaînement, la direction surprend par son répondant et sa sensibilité accentuée par rapport à la V6 qui explique aussi la hausse du louvoiement. Puis lors des placements académiques (visant à satisfaire mon voisin), cette Emira confirme son équilibre très neutre (encore plus que la V6), y compris en recourant au freinage dégressif. Cela facilite la prise en mains, d’autant plus que le pilote n’a plus à jouer du levier. Il doit toutefois composer avec une gestion de boîte rétrogradant tardivement et manquant de hargne. En tutoyant les limites d’adhérence (sans l’accord du voisin borné), l’avant s’égare peu et l’arrière a plus de mal à pivoter par rapport à la V6, sans doute en raison de l’absence d’autobloquant (ersatz électronique ici). Ce coupé à moteur central n’aime pas la glisse et consent en Track à se dandiner à l’aide des gaz. Quant aux freins, ils tiennent le choc sans problème et séduisent par leur mordant constant. Sur ce terrain de jeu jouxtant l’usine, la V6 garderait une courte longueur d’avance sur la quatre cylindres (-0’’2), au prix d’une bataille au volant plus intense. Nous avons hâte de mettre les choses au clair avec Motorsport à Magny-Cours.
Les tarifs
À son lancement en 2022, l’Emira V6 First Edition réclamait 95 995 €. Aujourd’hui, elle a grimpé à 99 470 €. La version quatre cylindres, proposée uniquement en First Edition très bien équipée, s’en éloigne peu et exige 96 815 €, auquel il faut ajouter les 60 000 € de supermalus français bien qu’elle n’émettent que 208 g CO2/km (258 pour la V6). À ce prix, Porsche rétorque avec un 718 Cayman GTS de 400 ch en fin de vie (93 070 € + 60 000 € de malus) et Alpine fait saliver avec une A110 S à 77 500 € faiblement malussée (3 552 €). Vivement la suite et l’apparition des modèles « classiques » de la gamme. Lotus le réaffirme, il continuera à produire l’Emira thermique tant que la législation le permettra.