Entre des publications sur Instagram nous montrant tantôt une balade avec la sainte trinité des Ferrari 250 (GTO, California et Châssis Court) tantôt l’une de ses trois (oui trois !) McLaren F1 en drift, François Perrodo alias “fanchracing” affirmait il y a peu de temps que l’A110 S reste « la meilleure voiture de sport que l’on puisse acheter de nos jours ». Outre le fait que le milliardaire français de 45 ans ait quelques sérieux points de comparaison dans son garage d’une autre galaxie, c’est à en croire ses écrits un puriste, un authentique passionné et accessoirement un champion du monde en titre en WEC dans la catégorie LMGTE Am. Un type plutôt détestable, donc, avec qui j’ai malheureusement très peu de points communs excepté le même avis tranché sur la berlinette des temps de modernes.
Recette magique
Il est amusant de constater que plus les années passent depuis la renaissance d’Alpine en 2017, plus la pertinence du concept saute aux yeux. On a pu, sans doute à raison, pointer du doigt quelques menus défauts, un relatif manque de noblesse mécanique ou encore la timidité des évolutions proposées depuis cinq ans, mais prendre le volant en 2022 de l’A110 S remastérisée et posée sur quatre semi-slicks procure la plus douce des gifles. Le bonheur est simple comme un coupé light d’à peine plus de 4 m de long bien suspendu, virevoltant dans la campagne nivernaise entre deux séances chrono.
Tout sonne comme une évidence, à commencer par le rapport franc mais jamais trop viril, juste parfaitement naturel qui s’instaure avec l’auto au premier contact. Sa joie de vivre contagieuse donne simplement envie de rouler, de jouer, de s’évader en douce à la recherche d’un chapelet de virages menant, si l’on est gourmand, au sommet d’un col. Point de cime alpine cochée cette fois-ci sur notre parcours mais ce qu’il faut de verts paysages non rectilignes pour s’en donner à cœur joie. Cet essai a moins pour objectif de se fabriquer une nouvelle tranche de vie en berlinette que de jauger objectivement la mise à jour mécanique et les équipements sportifs inédits dont bénéficie l’A110 S Phase 2.
Evolutions 2022
Commençons par le plus visible, à savoir le Kit Aéro comprenant une lame à l’avant et un aileron de taille respectable à l’arrière, le tout en carbone. L’option facturée 5 400 € fait sauter le limiteur à 260 km/h et permet d’atteindre 275, vitesse à laquelle 141 kg d’appuis supplémentaires (60 devant, 81 derrière) sont générés. Rien de transcendant sur le papier, mais les pistards salueront l’effort et apprécieront encore davantage les Michelin Pilot Sport Cup 2 enfin disponibles au catalogue moyennant une rallonge de 740 €.
On peut s’étonner de voir les semi-slicks arriver si tard alors que les A110 pullulent depuis belle lurette sur les trackdays et que, de l’aveu des metteurs au point, le châssis de la S a été pensé dès le départ (en 2019 donc) pour en être équipé. Précisons que les trains roulants sont vierges de toute modification. Nous retrouvons ainsi les barres antiroulis et les ressorts affermis respectivement de 100 et 50 % ainsi qu’une garde au sol abaissée de 4 mm par rapport au modèle de “base”.
Les joies de la légèreté
Le 1,8 litre turbo a quant à lui été (subtilement) revu. Il gagne 8 ch pour atteindre la barre symbolique des 300, tandis que le couple maxi disponible 400 tours plus haut progresse de 6 %. En fonction des options cochées, le poids annoncé par Alpine oscille entre 1 102 et 1 140 kg. Bien que notre voiture d’essai bénéficie du toit en carbone (2 450 €), elle pèse 1 132 kg, soit 15 kg de plus que l’A110 S essayée en 2020. Avec la disparition des Lotus légères et la prise de gras de la concurrence, la berlinette fait plus que jamais figure de super poids plume. Songez qu’une Toyota Supra, une Corvette C8 et le Cayman GT4 RS pèsent respectivement 1 530, 1 684 et 1 488 kg ! Les mauvaises langues diront que c’est facile d’être mince avec deux, voire quatre cylindres en moins. Les honnêtes puristes, eux, se contenteront d’applaudir respectueusement.
Sa joie de vivre contagieuse donne juste envie de rouler, de jouer, de s’évader
Tout ou presque ce qui fait de la berlinette une sportive d’exception tient dans sa légèreté. À commencer par des performances de haut vol pour une auto de seulement 300 ch. Le 0 à 100 km/h mesuré à Lurcy-Lévis fond littéralement, de 4”6 à 4”2, soit un dixième de mieux qu’un 718 Cayman S. Alpine prétend que le grip des Cup 2 par rapport à celui des Pilot Sport 4 n’est pour rien dans ce progrès. Permettez-nous de penser le contraire. Ainsi chaussée et forte d’un moteur plus puissant et rageur dans les tours, la nouvelle A110 S progresse de quatre dixièmes sur le mille mètres départ arrêté abattu désormais en 22”5. C’est précisément le temps réclamé par une M2 Competition de 410 ch !
Le quatre cylindres turbo ne dresse toujours pas les poils des avant-bras mais son caractère plus que jamais festif fait écho à celui du châssis. On le sait, les réglages de la S ont calmé le jeu par rapport à l’A110 originelle. Nous aurions ainsi pu craindre que les Michelin Cup 2 ne finissent de brider une auto que l’on aime avant tout pour son swing. Dans les faits, la berlinette est bel et bien collée au bitume comme jamais, sans pour autant devenir ennuyeuse, loin de là.
Le meilleur des mondes
Ce que le grip accru des pneumatiques ôte en frissons aux accros du contre-braquage, il le rend en mordant, en précision, en (bonnes) remontées dans le volant et, bien sûr, en efficacité. Même si l’on n’achète pas, sauf cas exceptionnel (voir encadré ci-contre) une Alpine pour atomiser tout ce qui roule sur circuit, on peut savourer l’apport des semi-slicks dans ce domaine. En partant du principe qu’il ne reste pas grand-chose des 141 kg d’appuis promis à 275 km/h lorsqu’on prend un virage à 100, et compte tenu de la vitesse identique relevée en bout de ligne droite, on peut attribuer les progrès de l’A110 S sur notre piste de référence uniquement ou presque à ses pneumatiques.
La Phase 2 passe ainsi 3 à 4 km/h plus vite dans les courbes rapides et tourne en 1’21”75 contre 1’22”96 pour la Phase 1. L’écart est significatif mais pas énorme. Logique si l’on se rappelle la motricité et le grip latéral déjà remarquables avec les Michelin Pilot Sport 4. La nouvelle berlinette de pointe s’intercale ainsi entre un 718 Cayman S (1’21”70) et une Mercedes-AMG GTS (1’21”79). Elle égale au passage la Nissan GT-R de 2008…
Les semi-slicks neufs dont nous disposions ici bannissent toute forme de drift contrairement à ceux, bien usés, de la présentation au Paul Ricard. L’agilité, elle, est bien là, diabolique, pour ne pas dire unique. Composer du bout des doigts et des orteils avec l’équilibre exceptionnel du châssis tout alu procure encore et toujours un plaisir incommensurable. Des réglages spécifiques permettraient sans doute de tirer pleinement parti de l’adhérence des Cup 2, mais on chipote car en l’état, l’A110 S a tout, comme le dit François, de la voiture de sport idéale.