Cette C 63 d’un nouveau genre fait couler beaucoup d’encre. Les fans de grosse cylindrée la méprisent, crient au scandale et vont se réfugier chez les Youngtimers. Les optimistes, eux, saluent l’innovation et remercient AMG de ne pas avoir totalement électrifié cette icône des familiales. Choisissez votre camp ! Évidemment, nous pleurons le V8, la pure propulsion et le côté bad boy des anciennes générations. Mais il faut se rendre à l’évidence, AMG anticipe l’électrification de la gamme prévue pour 2030 (sauf contre ordre !) et fait office de précurseur. Les ennemies BMW M et Audi Quattro suivront cette voie de l’hybride rechargeable dès les prochaines générations.
Que vous aimiez ou non, ce concentré de technologies mérite d’être salué et a nécessité cinq ans de prise de tête… Voire une année de plus, suite à l’accueil mitigé de la presse internationale lors des premiers essais organisés fin 2022. Accrochez-vous, cette Classe C élargie et renforcée cache un quatre cylindres longitudinal sous son long capot. Mais pas n’importe lequel : un champion du monde de la catégorie 2 litres inauguré par l’A45 S (en transversal). Non seulement il conserve la bi-injection, mais il est dopé par un énorme turbo Garrett comprimant jusqu’à 2,5 bars ( !) et cachant un petit électromoteur pour supprimer le temps de réponse. À lui seul, il délivre 476 ch et atomise le rendement des A/CLA/GLA : 238 ch/l ! Impressionnant, mais insuffisant face à la M3 qui culmine à 510 ch, voire 550 ch avec les séries limitées. Affalterbach opte donc pour une hybridation, portant la puissance à 680 ch et réduisant paradoxalement le malus écologique : 11 781 € (2024) en tenant compte du malus au poids (>1 800 kg, autonomie électrique inférieure à 50 km) contre 60 000 € pour les RS4 et M3. Cette centrale atomique ajoute au niveau du train arrière un ensemble nommé « P3 Hybrid » composé d’un électromoteur de 204 ch (300 Nm), d’un différentiel piloté et d’une boîte à 2 rapports dont le passage de la seconde est synchronisé avec le changement 3e/4e de la boîte principale (auto à 9 rapports). Vous suivez toujours ? La petite batterie de 6,1 kWh limite l’autonomie électrique à 13 km, se recharge en roulant, pèse 89 kg et réduit le volume du coffre : 324 l ! Gênant de la part d’un break.
Maintenant que vous avez une idée des dessous high tech de ce break, il est temps de profiter de votre nouveau jouet… Enfin, à condition de comprendre toutes les subtilités électroniques offertes. Respirez à fond. Il existe 8 modes de conduite agissant sur le moteur, la boîte, la direction, les amortisseurs et la sonorité : EL 100 % électrique jusqu’à 125 km/h, Comfort, Battery Hold pour maintenir le niveau de charge, Sport, Sport +, Race, Chaussée Glissante et Individual pour jouer les metteurs au point. Précisons que, même en Race, la puissance électrique disponible se limite à 80 %. Il faut faire appel au kick-down ou au launch control pour obtenir le couple et la puissance maxi… Pendant 10’’ ! Vous comprendrez l’importance de ce détail plus tard. Ce n’est pas terminé. Pour saisir toutes les subtilités, il faut se pencher sur les réglages AMG Dynamics modulant l’intervention du correcteur de trajectoire, la répartition du couple entre les essieux et le blocage de différentiel selon quatre niveaux : Basic, Advanced, Pro et Master. Une fois la boîte d’Aspirine avalée, vous voilà prêt à attaquer !
Sur la route
Cette AMG sait être polyvalente et choyer les occupants, mais suggère son pedigree en faisant ressentir les compressions, sans excès, y compris en mode Comfort. À l’inverse, le Race se focalise sur la raideur et mieux vaut le réserver à un revêtement parfait. Via l’amortissement piloté de série, le constructeur aurait pu davantage étendre les réglages et accentuer le moelleux en Comfort. Malgré la masse effrayante, il parvient à maîtriser les mouvements parasites et facilite les placements grâce aux roues arrière directrices (maxi 2,5°). Lors du premier essai, nous nous étions plaints de l’insonorisation excessive pour une AMG. Ce point s’améliore, mais la sensation de vitesse reste gommée et la direction à démultiplication variable avare en retours d’informations. Bon, ce côté GT a un avantage : vous pouvez hausser le ton sans trop éveiller les soupçons des occupants. Ces derniers seront à l’aise à l’arrière s’ils mesurent maxi 1,80 m et devront limiter leurs bagages étant donné le volume de coffre. Ils seront épatés par la multitude d’écrans, de fonctions comme la télémétrie embarquée, le GPS à réalité augmentée lorsque l’on arrive à une bifurcation, la projection de signaux au sol ou les phares Digital Light (matriciels) permettant de rouler aussi fort de nuit comme de jour. Nous ne vous en parlons pas assez, mais les progrès réalisés dans le domaine de l’éclairage sont bluffants et représentent une réelle avancée sur le plan sécuritaire. Cela équivaut à rouler en pleins phares sans gêner personne ! Une ombre se déplace et évite l’aveuglement des usagers croisés. Incroyable. On ne peut en dire autant de la qualité de l’ensemble des matériaux, qui se contente d’être basique sur tout le bas de la planche de bord. Choquant à ce tarif.
Moteur/boîte
C’est évidemment là que le bât blesse. Le downsizing thermique ne fait pas dans la dentelle. AMG a divisé par deux le nombre de cylindres et par la même occasion la cylindrée qui passe de 4 à 2 litres. Les sensations mécaniques n’ont donc plus rien à voir et il devient futile de tendre l’oreille dans les tunnels. Il ne faut pas s’attendre, non plus, à retrouver la volubilité de la maxi GTi A 45S. Cela dit, par rapport aux premiers modèles essayés en 2022, AMG semble avoir augmenté les décibels à bord et à l’extérieur, peut-être en réduisant les insonorisants et/ou en revoyant le mix dans les haut-parleurs. Eh oui, le 2 litres ne se contente pas de clapets actifs pour libérer l’échappement, il l’amplifie via les haut-parleurs intérieurs… Et extérieurs à basse vitesse ! Il s’appuie pour cela sur le dispositif de sécurité obligatoire en Europe signalant un véhicule électrique, composé de deux enceintes à l’arrière et d’une barre de son à l’avant. Même si le rendu est loin d’être désagréable de la part d’un quatre cylindres, il a du mal à émouvoir. La poussée, en revanche, a de quoi secouer le système limbique et saisit dès les bas régimes jusqu’au rupteur, situé à 7 000 tr/mn. L’apport de l’électricité lisse les montées en régime qui, par conséquent, assomment en permanence. Par rapport à 2022, nous n’avons plus relevé de légère latence se produisant parfois vers 3 000 tr/mn. En traversant les cités, la capacité de la batterie suffit à évoluer en silence, sans se traîner. Les transitions électriques/thermiques s’opèrent en toute transparence. À charge constante, on évolue en pure propulsion. En phase d’accélération, le système 4Matic+ composé d’un embrayage multidisques piloté peut envoyer jusqu’à 50 % du couple sur l’avant, voire 100 % si le niveau d’adhérence est nul à l’arrière. Il se greffe à la boîte auto, elle-même accolée au 2 litres positionné sur l’essieu avant. Cette Speedshift MCT à 9 rapports se compose, elle aussi, d’un embrayage multidisques qui remplace le traditionnel convertisseur et qui s’exécute en 140 ms. En Manuel, elle se pilote uniquement depuis les palettes et obéit aux injonctions, sans avoir la hargne d’une double embrayage (non compatible avec les quatre cylindres longitudinaux). Sauf que la démultiplication courte perturbe et oblige souvent à faire appel au rapport supérieur. Au final, mieux vaut rester en Drive Race et se concentrer sur le pilotage.
Performances
Avec une telle usine à gaz, on ne manque jamais de ressources. AMG précise toutefois que la puissance continue électrique s’établit à 70 kW (95 ch) et qu’elle pointe à 150 kW (204 ch) pendant 10’’ maxi. Ce « boost » permet ainsi d’accéder aux 1 020 Nm et 680 ch, via le kick-down ou le launch control. C’est ce que nous allons expérimenter à Lurcy-Lévis. La procédure de départ se déclenche en Race, en repoussant ou en coupant l’ESP, puis en freinant et en accélérant en même temps. Le régime se cale autour de 4 000 tr/mn et le break bondit sans temps mort ni laisser de trace. Avec la décharge électrique, le décollage est du genre brutal, mais pas aussi violent que celui d’une Taycan Turbo S. Notre appareil de mesures affiche 3’’5 de 0 à 100 km/h, contre 3’’4 revendiqué par AMG et 3’’4 vérifié pour la M3 Touring (xDrive). La RS4, elle, est déjà hors course : 3’’9. « Tout ça pour ça » direz-vous, malgré la puissance astronomique ! Vous omettez l’essentiel : la différence de poids. Elle atteint ici 365 kg face à la M3 Touring. Monumental. La bonne surprise vient toutefois de la répartition de ces 2 202 kg entre les essieux : 48/52 %. En poursuivant le sprint, on se rend compte que la C 63 décroche progressivement puis l’écart entre les ennemies jurées se dédouble entre 160 et 180 km/h, au moment où l’AMG passe le cap des 10’’0. Au bout d’un kilomètre, la M3 reste loin devant : une pleine seconde d’écart ! Mais l’Étoile sauve les apparences en terminant devant son aînée (510 ch, 22’’1). Les pouvoirs de la fée électricité diminuent donc rapidement. Cela suffit toutefois à briller en reprises via l’utilisation du kick-down, puisque les paliers mesurés nécessitent moins de 10’’. La centrale atomique se venge ainsi de la M3 : – 0’’1 de 80 à 150 km/h et -0’’8 de 140 à 200 km/h. Quant au jeu de la vitesse maxi, il est stoppé net par la bride en vigueur en Allemagne (250 km/h), mais il est possible de la repousser en fouillant dans la liste des options. Le break C63 s’en tient à 270 km/h, contre 280 km/h pour la berline et 290 km/h pour les ennemies. AMG se positionne logiquement en retrait étant donné la masse du gros bébé hybride. Il serait intéressant de mesurer la benjamine C 43 (79 650 €), propulsée par un 2 litres de 408 ch et une micro-hybridation (+14 ch). Pourquoi ? Parce qu’elle est annoncée à 1 735 kg, soit 380 kg de moins !
Sur la piste
À l’opposé de ses ennemies testées l’été 2023, l’AMG a droit à des conditions glaciales, mais à un revêtement parfaitement sec. Elle part toutefois avec un handicap de taille : l’absence de semi-slicks (pas encore disponibles). Nicolas chauffe rapidement les Michelin Pilot Sport 4S, puis signe en quelques tours 1’23’’32, à mi-chemin entre la M3 Touring et la RS4 : « c’est dix fois trop lourd ! J’ai largement préféré l’AMG GT 4 portes hybride, plus sportive et sympa. Là, on subit le poids dès qu’on cherche le chrono, qu’on rentre fort sur les freins ». Il lui trouve tout de même des qualités : « la transmission est vraiment bien. Aux placements, on n’arrive pas à la faire pivoter, mais elle glisse en sortie. Le châssis est costaud, ça se ressent dans le chrono. Ce serait bien de la mesurer en semi-slicks ! » Ce break pourrait ainsi gagner 1’’0 au tour et revenir dans le parechoc de la M3. Précisons qu’il chausse tout de même d’excellentes gommes sur mesure et qu’il se positionne loin devant l’aînée testée en 2015 (1’25’’40), juste derrière une E 63 S ou un Urus et au niveau d’une A 45 S. Flatteur… Pour la compacte ! En comparant les vitesses de passage, vous remarquerez qu’il devance la concurrence en bout de ligne droite. Il profite ici du boost électrique intervenant en sortie d’épingle, qui lui permet de pointer à 204 km/h.
Quoi qu’il en soit, la C 63 S n’a pas la pugnacité d’une M3 ni l’agilité d’une RS4, qui paraît frêle face à ses concurrentes. Au ressenti, elle évoque davantage une RS6 à qui l’on aurait greffé une transmission plus fine et plus ludique. C’est certain, on ressent sa masse élevée dans le lent, ce qui oblige à être patient aux placements. Même si la répartition des masses épate, le train avant doit tout de même supporter 1 056 kg. Suite aux premiers essais à Ascari, nous nous attendions toutefois à bien pire. Nous avions vu que l’arrière survirait parfois à l’aide des freins, comme ici au pif-paf en dévers ou en fin de rayon constant (après la butte), mais surtout à la réaccélération. AMG semble tout de même avoir peaufiné les trains roulants et la transmission car la familiale sous-vire moins. Le système 4Matic+ s’accorde finement au train avant costaud, aux roues arrière directrices, au grip des Michelin et à l’équilibre. Pour se défouler, il existe un mode Drift en coupant les aides et en tirant sur les deux palettes à la fois. Il semble plus abouti que lors des premiers essais et laisse totalement libre de flamber les pneus. Ah, ça fait un bien fou ! Soyons clairs, ce break hybride n’a rien à faire sur un circuit : masse élevée, consommables broyés… À ce propos, comment s’en sortent les freins ? Nous avions un doute sur la résistance du dispositif acier en Espagne. Cette fois, il n’a pas fléchi, mais la pédale a tendance à ramollir au bout de trois tours. En réalisant un tour de refroidissement, tout rentre dans l’ordre. AMG prône aussi les bienfaits du freinage régénératif ajustable, mais nous n’avons jamais senti d’apport dans ces conditions. Il signale aussi que des freins carbone/céramique existent en option. Certes, mais nous ne les avons jamais testés, comme les hypothétiques semi-slicks qui pourraient réduire la sensation de masse, accroître le mordant et permettre à ce break innovant de rester dans le parechoc de la M3 Touring sur le Club.