Notre mission, si vous l’acceptez, est d’essayer de vous détourner de la redoutable A110 qui a tout de la sportive idéale. Pour cela, cinq agents relèvent le défi en proposant leurs services à un tarif équivalent : la radicale Super Seven, le puriste Boxster Spyder, la sublime V8 Vantage, l’exotique Corvette Stingray et la référence 991.1 Carrera S. Alors, mission impossible ?
SOMMAIRE
Depuis sa sortie fin 2017, la presse spécialisée glorifie la petite A110. Non pas parce qu’elle est française, mais parce qu’elle sort du lot par sa légèreté, son côté ludique et son efficacité quel que soit le terrain de jeu. Il se trouve que sa masse et son quatre cylindres turbo plaident en sa faveur sur le marché français sclérosé par les taxes : 4 026 € de malus à ajouter aux 65 000 € réclamés pour une A110 de base (252 ch). Nous allons donc nous servir de ce coupé comme étalon et tenter de trouver mieux sur le marché. En neuf, ses ennemies désignées ne font pas le poids (M240i, Supra 2.0, CLE 300) et le 718 Cayman n’existe plus. En clair, au prix de l’Alpine malussée, le marché du neuf oblige à lorgner du côté des quelques GTi survivantes ou à opter pour la radicalité. La légèreté a du bon et épargne par exemple deux joyaux de la Couronne : la Super Seven et la Super3. Nous allons évoquer ces anglaises, mais surtout nous tourner vers les Youngtimers pour dénicher quatre pépites avoisinant les 70 000 € qui ont marqué notre carrière et les esprits de tous les passionnés.
Caterham Super Seven 170 R (2021-) : jouet pour adulte consentent
L’A110 se classe déjà parmi les plumes en oscillant autour de 1 100 kg… Alors comment qualifier la plus légère des Seven revisitée par Caterham et revendiquant moins de 500 kg ? Un grain de folie, entretenu grâce à une bande d’irréductibles Anglais et d’investisseurs japonais (VT Holdings). Sorti en 2021, ce ticket d’entrée appartient d’ailleurs à la catégorie des Kei Cars au Japon et met en avant ses faibles rejets de CO2 (109 g/km) qui la dispense de malus en France. Il contient déjà tout ce que l’on adore : quatre roues, un minuscule volant et une efficacité à déprimer bon nombre de sportives ! Notre modèle d’essai, en vente chez West Motors, fait l’effort de protéger les occupants à l’aide d’un pare-brise, voire de portes et d’une capote au besoin. Et pourquoi pas le chauffage tant qu’à faire ? Il existe et évite juste de finir congelé en plein hiver. Le châssis étroit réclame quelques sacrifices, comme conduire avec les coudes relevés et des bottines ou tenir un régime alimentaire strict sous peine de ne plus atteindre le baquet. Ce dernier, en composite (série sur la R), n’a pas besoin de maintiens latéraux. Le tunnel et la contre-porte s’en chargent ! Cela fait partie du charme de la Seven, aux saveurs proches d’une moto et aux sensations décuplées par l’évolution au ras du sol. Pour les non-initiés, l’absence d’assistances ou d’éléments de confort sera rédhibitoire. Pour les autres, cette simplicité va les faire fondre et ils remercieront Caterham de produire encore cet ovni. N’ayez crainte, l’absence de direction assistée s’oublie avec une si faible masse et les freins ne se bloquent pas facilement.
Quelle que soit la motorisation, la Cat’ réclame de revoir ses repères et son engagement au volant pour en tirer la quintessence. La finition R ajoute des harnais quatre points, un autobloquant, une suspension Sport et un indicateur de changement de rapport. Génialissime, le joystick se manie avec poigne et instinctivement. L’expression faire corps avec la machine et les éléments prend tout son sens, surtout avec la suspension Sport de la R : ressorts rigidifiés et barres antiroulis arrière. Elle fait le grand écart entre une double triangulation avant (avec combinés Bilstein/Eibach) et un pont DeDion arrière qui ménage peu les occupants. Qu’importe, cet insecte pousse à retarder au maximum les freinages et à aborder les courbes de plus en plus fort jusqu’à ce que du survirage apparaisse. Ici, le grip est limité par les pneus Avon (de série), ce qui renforce le côté fun. En fait, il n’y a que le moteur qui laisse sur sa faim. Le minuscule trois cylindres Suzuki 660 cm3 de 84 ch s’en sort bien au regard du poids (6’’9 de 0 à 100 km/h), mais peine à émouvoir par sa sonorité ou par son caractère. Il prend vie à 2 500 tr/mn et manque de peps dans les tours, au point que l’on passe naturellement les rapports à 6 000 tr/mn. La bonne nouvelle ? Au prix d’une A110 neuve, vous pouvez vous offrir le 2 litres Ford de 170 ch et une belle 340 R tout en écopant d’un malus limité à 2 726 €. Évidemment, la polyvalence d’utilisation n’a rien à voir avec la Française. Mais les saveurs brutes distillées, dignes de la monoplace, sont uniques sur le marché… Et homologuées sur la route ! Une aubaine, dont l’essai devrait être imposé à tout acheteur de SUV pour les remettre dans le droit chemin.
Caterham Super Seven 170R
Moteur >> 3 en ligne turbo, 660 cm3,86 ch à 6500 tr/mn, 116 Nm de 4 000 à 4 500 tr/mn
Transmission >> propulsion, BVM5
Poids annoncé >> 440 kg
Perfs annoncées >> 0 à 100 km/h en 6’’9, 168 km/h
Prix de base>> 42 954 € (pas de malus)
Porsche Boxster Spyder type 987(2010-2011) : esprit GT3
L’A110 a toujours eu pour pire ennemi un certain Cayman. Nous aurions pu opter pour un rare Cayman R (même cote que le Spyder), mais nous souhaitions mettre en avant le premier Boxster à recevoir un traitement clubsport (type 987) et à hériter de l’appellation Spyder remontant au mythique 550 de 1953. À sa sortie, la presse était dithyrambique et je garde un souvenir ému d’une séance de mesures réalisée sur l’anneau de Mortefontaine, sans capote puisqu’elle est conseillée jusqu’à 200 km/h. Les retrouvailles replongent d’ailleurs dans le bricolage de cette toile de secours. La première partie au-dessus de la tête s’enlève facilement. Puis la seconde arrière reposant sur des tringles en carbone réclame de la circonspection. Le tout se dissimule sous le double bossage évoquant la Carrera GT. Bon, cette génération de Boxster à la sauce GT3 vaut bien quelques sacrifices sur l’autel de la légèreté ! Le régime annoncé de 80 kg s’obtient en recourant à cette capote, en minimisant les équipements de confort (clim’, GPS ou hi-fi en option) et en utilisant l’aluminium pour les portières, en plus des capots avant/arrière. Résultat : 1 275 kg annoncés ! Cette légèreté se ressent tout de suite au volant, surtout avec le recul et le « poids des ans ». Le toucher de route rappelle celui d’une GT3 ou d’authentiques Lotus. Le conducteur se sent en osmose, plutôt épargné par les remous (saute vent en verre amovible) et par la suspension passive (assiette abaissée de 20 mm, carrossage accentué, ressorts courts et amortisseurs raffermis), dont le filtrage s’améliore avec la vitesse. Sa hargne et sa vivacité donnent rapidement le sourire sur les sublimes routes traversant le beaujolais. Le train avant, léger, apprécie d’être placé aux freins tandis que l’arrière gigote volontiers… Rien à voir avec les générations suivantes.
Pourtant, l’essieu arrière est loin d’être débordé par la puissance du flat-6 et pourrait encaisser 50 ch de plus, au lieu d’emprunter cette configuration au Cayman S. D’ores et déjà, ce roadster marche fort, comme en témoignent nos mesures avec une boîte manuelle : 0 à 100 km/h en 5’’5 et 1 000 m en 24’’2 ! L’A110 d’entrée de gamme reste devant… Le 3,4 litres conserve un côté attachant et part à l’assaut des 7 500 tr/mn avec un timbre métallique sublimé par l’échappement Sport optionnel. Il est couplé ici à la PDK, qui a pris un coup de vieux par sa gestion et le lissage des sensations. Rendez-nous le bon vieux levier ! À bord, la console fait sourire par son graphisme suranné et la quantité de boutons. Heureusement que le cuir étendu (optionnel) et le pack Sport Chrono rehaussent le niveau. Au final, les occupants n’ont plus envie de quitter ces baquets en carbone ! Le feeling pur et la légèreté d’ensemble font l’effet d’une thérapie. Il ne manque que la boîte manuelle pour parfaire le tableau. C’est avec ce levier exquis que Nicolas a tourné en 1’24’’55 sur le Club. Tiens donc, il s’agit du temps d’une A110 Première édition (1’24’’60) ! Vendu environ 65 000 € à sa sortie, ce Spyder type 987 s’échange désormais autour de 70 000 € et mérite de grimper tant ses saveurs fleurent bon l’authenticité. En plus, il s’agit d’un collector puisqu’il n’a été produit qu’à environ 2 000 exemplaires en deux ans.
Porsche Boxster Spyder (987)
Moteur >> flat-6, 3 436 cm3,320 ch à 7 200 tr/mn, 370 Nm à 4 750 tr/mn
Transmission >> propulsion, BVM 6 (PDK en option)
Poids annoncé >> 1 275 kg
Perfs mesurées (BVM6) >> 0 à 100/200 km/h en 5’’5/17’’6, 400/1000 m D.R. en 13’’6/24’’2, 267 km/h
Prix >> 64 741 € en 2010
Production >> environ 2 000 exemplaires
Cote 2024>> 75 000 €
Aston Martin V8 Vantage 4.7 (2008 à 2011) : déesse de l’équilibre
Aussi incroyable que cela puisse paraître, vous pouvez vous offrir cette sculpture sur roues à 60 000 €. Chez un revendeur Aston qui plus est, dont le label Timeless passe au crible 140 points de contrôle (avec changement de pièce si l’usure dépasse 50 %). En l’occurrence, il s’agit d’un coupé de 2009 totalisant 85 000 km et vendu dès le soir de notre shooting. La belle a du succès, y compris les versions 4,3 litres sorties en 2005 et démarrant à 50 000 €. Grosso modo, le coup de crayon génialissime de Henri Fisker est désormais soldé à – 50 %. Le rêve ? Oui et il ne se résume pas à ces galbes sensuels épargnés par le temps. Si nous avons convié cette Vantage, c’est parce qu’elle déborde de charisme mécanique et qu’elle bénéficie d’un excellent équilibre. Comment ? Grâce au V8 reculé au maximum vers l’habitacle et à une boîte rejetée à l’arrière. Il en résulte une manière de se dandiner instinctive et progressive, incitant à jouer avec les limites d’adhérence… Ce qui n’était pas le cas avec son aînée 4,3 litres ! Entre les deux, Aston a profondément revu les trains roulants (épures de suspension, direction, combinés) pour gagner en efficacité et se rapprocher des ennemies 911 (997.2) et R8 V8. Peine perdue, la masse élevée se ressent toujours. Le constructeur n’a jamais réussi à gommer cette surcharge pondérale allant jusqu’à 200 kg par rapport à la 911, malgré une plateforme VH (issue de la DB9, empattement raccourci de 14 cm) et certains éléments en aluminium (capot et toit). Pas de quoi bouder son plaisir !
Cette Vantage demeure une excellente GT, marquante par sa polyvalence et profitant d’une suspension passive bien calibrée. Les deux occupants (pas de place arrière) sont choyés et profitent d’un habitacle fleurant bon le cuir. Le GPS amovible fait sourire (option), alors que le compte-tours à l’envers ou l’insertion de la clé en verre (1 500 € en cas de remplacement !) en guise de démarreur produit toujours son effet. Le V8 se réveille de mauvais poil. Un régal, qui téléporte de l’autre côté de l’Atlantique. Avant de s’élancer, il faut toujours se méfier du dernier cran vicieux du frein à main, à actionner par à-coups du côté gauche. Étant donné l’écart de prix avec la 4,3 litres, il serait dommage de se passer du regain de souplesse et d’allonge du 4,7 litres. Ce V8 séduit par sa rondeur à bas régime, sa discrétion. Puis il change de ton à 4 000 tr/mn à l’ouverture des valves d’échappement et va chercher de manière progressive les 7 300 tr/mn. Un pur bonheur atmosphérique que vient gâcher la Sport Shift 2 par sa lenteur et ses à-coups en Sport. Rappelez-vous, il s’agissait d’une boîte à simple embrayage heureusement optionnelle et facturée 4 500 €. Le levier était quant à lui viril, mais plus précis et agréable que celui de la 4,3 litres. Bref, sans aller jusqu’à la Vantage S (436 ch) sortie en 2012, cette 4,7 litres vous tend les bras et ne prend jamais en traître grâce à son grip (autobloquant de série) et à sa suspension prévenante. Il ne vous reste plus qu’à partir en quête de l’un des 7 418 coupés ou 3 211 roadsters (plus recherchés) produits sur un total de 21 803 première génération de Vantage. Quelle précision. Le département Heritage tient bien ses comptes.
Aston Martin V8 Vantage 4.7
Moteur >> V8, 4 735 cm3,420 ch à 7 000 tr/mn, 470 Nm à 5 750 tr/mn
Transmission >> propulsion, BVM 6 (BVR6 en option)
Poids annoncé >> 1 630 kg
Perfs annoncées >> 0 à 100 km/h en 4’’8 (4’’9), 290 km/h
Prix >> 114 850 € en 2008
Production >> 10 629 exemplaires (coupés et roadsters)
Cote 2024 >> 70 000 € (75 000 € en roadster)
Chevrolet Corvette C7 Stingray (2013 à 2019) : le trublion
Nicolas Gourdol a raison de défendre bec et ongles cette GT sous-estimée en Europe et cantonnée au rôle d’alternative exotique. Naturellement, la rédaction jette son dévolu sur la perle atmosphérique C6 Z06. Mais une nouvelle fois, elle a voulu vous surprendre en montrant qu’il est possible de s’offrir une C7 Stingray au prix d’une A110 252 ch avec malus. Vous pouvez rétorquer qu’il ne s’agit guère d’un exploit, puisqu’elle coûtait 70 000 € à sa sortie en 2013. La cote avait même chuté à 60 000 € avant Covid et équivaut aujourd’hui au prix d’achat, ce qui reste remarquable compte tenu de l’inflation et des prestations. Ce cabriolet déniché grâce à la réactivité du Club Corvette Family est affiché au même prix que le coupé en occasion et nous permet au passage de faire connaissance avec le cabriolet C7. Régis, son propriétaire, n’en est pas à sa première Vette. Il a démarré cette histoire d’amour en 2018 avec une C5 Cabriolet : « ma femme m’a autorisé à acheter une sportive à condition que ce soit un cabriolet ! Ça m’a beaucoup plu. » La rupture s’est faite dans la douleur. Non pas avec sa femme, mais avec la C5 dont la boîte anéantie a eu du mal à être remplacée. Au même moment, un souci de santé lui fait prendre conscience que la vie est trop courte. Il craque alors en 2022 pour cette batmobile, à l’intérieur en cuir marron très élégant, affichant seulement 35 000 km. Depuis ce temps, il vit le parfait amour avec sa C7 et a seulement réalisé une vidange en 18 000 km. Il l’utilise tous les week-ends en famille et partage sa passion avec son fils, pour l’instant fan de Japonaise… Cabriolet comme en témoigne sa 350Z très volubile ! Le 7e opus qui reprend l’appellation Stingray marque une rupture stylistique et fait un bond en termes de finition. Il vise le gratin européen et s’en donne les moyens avec son châssis alu, sa carrosserie composite, sa suspension pilotée et son gros V8… Qui calme tout de suite les ardeurs de la V8 Vantage. Le boss, c’est lui !
L’échappement actif à quatre sorties explose les tympans passés 4 000 tr/mn. Archaïque le « small block » LT1 culbuté ? Jugez plutôt : injection directe, distribution variable et même désactivation de la moitié des cylindres à faible charge. Le 6,2 litres cogne fort dès les bas régimes et étonne par sa rage dans les tours. Nul doute, les 466 ch répondent présents et nous avons mesuré la targa en 22’’7 au 1 000 m, malgré la lenteur et la démultiplication de la boîte à 7 rapports (dotée d’un talon pointe automatisé). La conduite virile tranche avec la direction un brin légère mais s’accorde avec la suspension qui ne filtre pas aussi tendrement que dans nos souvenirs. Logique, cette C7 fait l’impasse sur l’amortissement Magnetic Ride, mais pas sur le pack Z51 standard en Europe : carter sec, gros freins, rapports raccourcis ( !), différentiel piloté, jantes élargies habillées de gommes Michelin Super Sport dédiées. Sur les tronçons bosselés, on sent également que le châssis manque de rigidité, alors que Chevrolet qualifiait de superflu le recours à des renforts. Cela ne suffit pas à gâcher l’instant, marqué par un excellent équilibre et une motricité inédite de la part d’une Corvette à moteur avant. De prime abord, le léger flottement de suspension lui procure un petit côté nonchalant. Il suffit de lui rentrer dedans pour découvrir son vrai visage, efficace et peu survireur. Bref, la C7 marque au fer rouge et est capable d’excellents chronos sur circuit : 1’21’’72 pour la targa sur le Club. On comprend aisément pourquoi Régis y est attaché. Ne lui parlez surtout pas de la C8 : « c’est une super voiture, mais ce n’est pas une Corvette. » C’est sans doute pour cette raison que la cote de la C7 remonte, d’autant qu’elle se fait rare de ce côté de l’Atlantique. Sa philosophie et son swing se situent à des années-lumière de ceux de l’A110, mais la Française a tout de même fait de l’œil à Régis, avant que son cœur balance pour la 911 : « cette 991 me fait réfléchir. J’ai déjà faillicraquer par le passé. Et celle-là est pile dans la configuration recherchée. » Nous avons peut-être assisté à la naissance d’une nouvelle idylle.
Chevrolet Corvette C7 Stingray
Moteur >> V8, 6 162 cm3, 466 ch à 6 000 tr/mn, 630 Nm à 4 600 tr/mn
Transmission >> propulsion, BVM 7
Poids annoncé >> 1 539 kg (1 589 kg Cabriolet)
Perfs mesurées (targa) >> 0 à 100/200 km/h en 4’’7/14’’5, 400/1000 m DA en 12’’8/22’’7, 292 km/h (282 km/h cabriolet)
Prix>> 69 990 € en 2014 (72 990 € cabriolet)
Production>> 94 529 targas et 25 805 roadsters
Cote 2024 >> 70 000 € (targa ou cabriolet)
Porsche 911 Carrera S 991 (2012-2016) : la valeur sûre
Tout passionné qui se respecte a déjà songé à acquérir cette icône. Il en existe pour toutes les bourses et tous les types d’utilisation. Face à une A110, notre choix s’est porté sur un grand classique qui rend dingue ses ennemies depuis des décennies : la Carrera S. Ça tombe bien, elle inonde le marché de l’occasion et il est possible de trouver une 991 phase 1 en respectant le budget de 70 000 €, à condition d’accepter un fort kilométrage. Sinon, elle exige une rallonge d’au moins 10 000 €. Oui, elle maintient une cote élevée, sans doute car il s’agit de la dernière Carrera non dopée.Sous des airs subtilement revus, cette génération annonçait une petite révolution avec 90 % de nouvelles pièces, un châssis inédit combinant alu et acier, un empattement rallongé de 10 cm, une voie avant élargie de 5 cm ou l’arrivée d’une assistance de direction électrique, d’une boîte manuelle à 7 rapports, d’un antiroulis actif en option… Comparée à une 992 musclée, la 991 paraît timide et ingénue avec ses yeux globuleux. L’intérieur, lui, a bien vieilli, comme en témoigne cette configuration beige au cuir étendu (optionnel). Les compteurs sont encore en grande partie analogiques et la console est victime de « boutonnite » aiguë, à l’inverse des productions actuelles. Comme la plupart des modèles vendus, notre modèle d’essai craque pour la boîte à double embrayage, dont le levier se manie à l’envers : + vers le haut. Pire, le volant hérite de commandes Tiptronic (+ en poussant) ! Nous avions oublié ce fâcheux détail car il existait un volant Sport en option incluant des palettes (comme le Boxster).
Cette véloce PDK 7 orchestre un flat-6 atmo’ à injection directe cubant 3,8 litres et délivrant 400 ch. La Carrera S franchit ce cap symbolique en retravaillant les hauts régimes (admission, actionneurs d’arbres à cames) et sa voix via un résonateur ou/et un échappement Sport optionnel. Résultat, cette mécanique régale par sa souplesse, ses râles puis elle change de ton à mi-régimes et exulte jusqu’à 7 800 tr/mn.Même avec le recul, elle marche toujours aussi fort. Avec une telle motricité, un poids contenu à 1,4 tonne et un launch control magique, cette propulsion a été mesurée par nos soins en 3’’9 de 0 à 100 km/h et en 21’’7 au 1 000 m ! Dire qu’on parle d’une simple Carrera S discrète, bien élevée et ultra-polyvalente. La suspension pilotée fait des merveilles, en préservant un haut niveau de confort tout en maîtrisant les mouvements de caisse. Vous désirez enrouler les courbes efficacement ? Cette 911 s’exécute sagement. Vous voulez jouer avec les limites d’adhérence ? Il va falloir trouver une route bien dégagée tant elle montre les crocs, profite de son architecture singulière et détale furtivement.À l’époque, Nicolas avait été épaté par sa précision, sa stabilité et son grip en signant 1’22’’98 sur le Club ! Un temps qui la place actuellement au niveau d’une A110 S chaussée de pneus classiques. C’est certain, cette 991.1 fait cogiter l’ensemble de l’équipe. Elle brille dans tous les domaines (même le feeling de direction) et on ne peut pas lui reprocher de manquer de relief mécanique ni dynamique. La Française a du pain sur la planche pour arriver à détourner d’elle.
Porsche 911 Carrera S 991.1
Moteur >> flat-6, 3 800 cm3, 400 ch à 7 400 tr/mn, 440 Nm à 5 600 tr/mn,
Transmission >> propulsion, BVM 7 (PDK 7 en option)
Poids annoncé >> 1 395 kg (1 415 kg)
Perfs mesurées (PDK) >> 0 à 100/200 km/h en 3’’9/13’’3, 400/1000 m DA en 11’’9/21’’7, 302 km/h
Prix>> 103 970 en 2012
Production>> NC
Cote 2024>> 80 000 €
Alpine A110 (2017-) : la plume ensorcelante
Au milieu de ce panier de crabes venus pour la plupart du passé, comment s’en sort la petite Française qui pullule sur les trackdays ? Déjà, elle n’est pas intimidée et attire autant regards que les têtes d’affiche… Voire plus car elle possède un réel capital sympathie dans l’Hexagone. Elle aussi joue la carte de la nostalgie en réinterprétant les galbes de la berlinette originelle. À l’occasion du remaniement de la gamme en 2022, Alpine n’a pas osé toucher aux traits néorétros et s’est contenté de quelques évolutions électroniques (multimédia, modes de conduite) sur la version d’entrée de gamme. Les autres ont vu la puissance du 1,8 litre turbo réajustée de 292 à 300 ch. C’est à cette époque que Julien, le propriétaire de cet exemplaire, a craqué : « dans la gamme, je ne voulais pas de GT parce que je tenais à ces baquets et je voulais la suspension la plus souple parce que je ne voulais pas faire de circuit. » Il l’utilise le week-end et fait environ 4 000 km par an. Il se retrouve aujourd’hui au cœur de notre débat et reste intrigué par les autres participantes. Le Lyonnais a pu, comme toute l’équipe, conduire l’ensemble du plateau et écarte d’emblée les GT trop lourdes à son goût : V8 Vantage et Corvette. Ensuite, ça se complique. Il adore le jouet 170 R, mais cela réclamerait de l’acheter en plus de l’Alpine étant donné son usage limité. Il reste donc les deux Porsche et le choix s’annonce cornélien… Suspens.
Nous le laissons cogiter et nous en profitons pour lui piquer son A110, qui a perdu l’appellation Pure et revendique fièrement ses 252 ch. Cette cavalerie suffit largement à se faire plaisir avec une telle masse. Elle mise sur un bel effet turbo à 2 500 tr/mn, avant d’aller tutoyer les 7 000 tr/mn de manière linéaire. C’est sûr, ce quatre cylindres à injection directe partagé avec Renault ne peut lutter contre le charisme et la voix des 6 et 8 cylindres voisins. Il entretient tout de même l’illusion en grognant généreusement grâce à un résonateur à l’admission et à un échappement actif (Sport optionnel).Ne vous moquez pas, avec seulement 1,1 tonne à propulser, le petit bloc fait de l’œil au chrono et l’A110 se paie même le luxe d’accélérer plus fort qu’un Boxster Spyder (à boîte manuelle). La Française fait malheureusement l’impasse sur le levier, qui lui siérait à ravir, et impose une double embrayage rapide et obéissante, qui a progressé depuis le restylage et ne génère plus de ratés dans les manœuvres. Bon, Porsche garde une belle longueur d’avance en se basant sur la PDK actuelle, mais pas sur celle de l’époque des Boxster type 987 et 991.1. En matière de ressenti, le débat tourne court puisque l’assistance de direction
électrique de l’A110 n’a jamais été un modèle de naturel et de clairvoyance. La Française peut en revanche être fière de sa suspension passive, qui parvient à être plus conciliante que celle du Boxster au prix de mouvements de caisse plus amples favorisant la progressivité. L’exemplaire de Julien confirme notre ressenti sur cette phase 2 : les réglages n’ont plus rien à voir avec ceux de la Première Edition et tendent davantage vers ceux de la S. Auparavant, l’A110 survirait rien qu’en ajoutant du volant ou en léchant les freins au placement. Désormais, il faut avoir plus d’autorité au volant et entrer fort sur les freins pour que l’arrière pivote. Les amateurs de glisse seront déçus et les autres ravis de pouvoir jouer sur les deux tableaux. Du coup, notre A110 s’avère moins survireuse que le Boxster et moins mordante au placement. Au final, les vitesses de passages en courbes semblent voisines. C’est ce que confirment nos chronos sur le Club, où ces ennemies tournent aussi fort : 1’24’’60 pour l’A110 contre 1’24’’55 pour le Spyder.
Après toutes ces émotions, Julien hésite longuement et rend son verdict. S’il changeait de monture, il opterait non pas pour le Boxster, plus radical et moins polyvalent que son A110… Mais pour la 911 Carrera S ! Excellent choix, elle coche elle aussi de nombreuses cases : efficacité à toutes épreuves, motricité, déhanché survireur sur demande. Elle ajoute un excellent feeling, une polyvalence à toutes épreuves (coffre, places arrière), des performances ahurissantes et un flat-6 atmo’ très en forme. « Comme tout passionné de voitures de sport, j’ai envie d’avoir une 911. Mais ce n’est pas tout à fait le même budget ! » À l’achat comme en entretien… L’Alpine multiplie les atouts l’élevant au rang de sportive idéale : légèreté, simplicité, dynamisme et tarif disons justifié. Elle s’éloigne progressivement de l’objectif de départ (50 000 €), mais n’a pas d’équivalent aujourd’hui sur le marché du neuf. Notre réunion, qui prend des allures de garage idéal, met en avant quelques points manquants à son imposant tableau de chasse : une mécanique prestigieuse, une boîte manuelle, une version cabriolet. Plus les années passent et plus son statut d’icône prend de l’ampleur. Rassurez-vous, elle reste au
catalogue jusque fin 2025 mais elle est soumise à des quotas de production à cause de l’entrée en vigueur des normes de sécurité GSR2 depuis juillet 2024. Le respect de ces dernières aurait impliquer de nombreux dispositifs électroniques supplémentaires et un gros investissement de la part du constructeur, alors que la remplaçante électrique est prévue dès 2026/2027. Pourvu qu’un miracle se produise !
Alpine A110
Moteur >> 4 en ligne turbo, 1 798 cm3,252 ch à 6 000 tr/mn, 320 Nm à 2 000 tr/mn,
Transmission >> propulsion, BVR 7
Poids mesuré >> 1 120 kg
Perfs mesurées >> 0 à 100/200 km/h en 4’’8/16’’9, 400/1000 m DA en 12’’9/23’’6, 250 km/h