Où et quand ?
Volkswagen France a décidé d’organiser les essais des versions Elégance de 381 ch et R de 462 ch sur de sublimes cols savoyards entre le 5 et le 8 décembre. La neige étant tombée en masse, il a opté pour d’excellents pneus hiver, histoire que ces lourds 4×4 ne se transforment pas en luge incontrôlable. Au total, le parcours menant de Genève aux Houches comprenait près de 400 km dans un décor somptueux.
Le pitch
Si vous l’ignoriez, Volkswagen proposait encore cette année toute une gamme R, y compris en France. Le fer de lance Golf, restylé en 2024, est accompagné de ce Touareg. En raison du malus écologique, l’Arteon R et le T-Roc R disparaissent du catalogue français l’année prochaine. Le best-seller vendu à 1 130 000 exemplaires depuis son lancement en 2002 en est à sa troisième génération et partage ses dessous avec les mastodontes du groupe Volkswagen : Cayenne, Bentayga, Urus, Q7/Q8. En France, il écarte les versions essence TSI de 340 ch et diesel pour se concentrer sur l’hybride. La version R va représenter 70 % des ventes, réalisées en écrasante majorité auprès de sociétés attirées par la discrétion de cette version sportive… Et l’absence de malus grâce à l’hybridation ! Mais aussi puissant soit-il, ce SUV peut-il être qualifié de sportif ?
Premier regard
Difficile d’imaginer qu’il s’agit d’une version sportive ! La clientèle recherche la discrétion. Volkswagen n’a donc pas révolutionné cette troisième génération et opère un restylage classique : boucliers, jantes et optiques. Ces dernières ajoutent un bandeau lumineux à l’arrière surmonté d’un logo rétroéclairé (en rouge), ainsi que des phares Matrix LED (de série) manquant de réactivité sur les routes de montagne. Avec cette couleur sombre affinant la ligne, le Touareg paraît moins costaud qu’escompté. Détrompez-vous, il mesure 4,90 m de long, 1,71 m de haut et 2 m de large… Le tout pour 2 474 kg annoncés ! Le cousin Cayenne E-hybrid de 470 ch possède la même carrure et pèserait 50 kg de moins.
Cette stature imposante profite évidemment à l’habitabilité et les occupants seront comblés, voire massés à l’avant. Eu égard au gabarit, le coffre n’a rien d’exceptionnel (610 l) et son volume est réduit en raison de la batterie alimentant l’électromoteur de 136 ch situé entre le moteur et la boîte auto. L’équipement de série se révèle ultra-complet et le conducteur prend rapidement ses aises, sans avoir l’impression d’être perché sur un promontoire. Face à lui, les larges écrans au style remanié s’avèrent guère intuitifs : accès à la consommation (autour des 12 l/100 km sur parcours montagneux) ou aux réglages du mode Individual. Bon, il existe déjà de nombreux paramètres via les molettes placées au bas du tunnel. Celle de droite ajuste la hauteur d’assiette grâce à la suspension pneumatique. Celle de gauche modifie les réglages de trains roulants, de direction, de boîte, de climatisation, des phares et des aides à la conduite selon sept lois : Eco, Comfort, Normal, Sport, Individual, Offroad et Snow. Si cela ne vous suffit pas, l’Individual permet de dissocier ces paramètres pour un réglage sur mesure. Très vite, les occupants sont frappés par le confort… Espérons qu’il en sera de même vis-à-vis du dynamisme !
Le râleur, il dit quoi ?
Mais où est passé l’esprit sportif R qui nous avait même surpris à bord d’un T-Roc ?
Les chiffres (et quelques lettres)
Nous vous avons déjà parlé de son gabarit et de sa masse, qui échappe pour le moment au malus au poids grâce à l’hybridation. Nous allons nous concentrer ici sur la mécanique et les performances. Le R cache sous son énorme capot un V6 turbo 3 litres de 340 ch et 450 Nm, associé à un électromoteur de 136 ch. Soit exactement la même combinaison que celle de l’entrée de gamme française baptisée « Elegance », équipée d’une petite batterie Lithium-ion identique (14,3 kWh) et bridée à 381 ch. Le R grimpe à 462 ch, alors que le cousin Cayenne E-Hybrid culmine à 470 ch et dispose d’une plus grosse batterie. Surtout, il peut opter pour un échappement Sport plus loquace. Le V6 semble s’excuser d’exister à bord du Touareg et se contente de murmures. Dommage car une certaine rondeur métallique typique se dégage depuis l’extérieur. La douceur et le silence de fonctionnement prévalent, portés par la fée électricité. Le couple cumulé atteint 700 Nm, contre 600 Nm sur la finition Elegance et 650 Nm sur le Cayenne. La bascule électrique/thermique s’opère en toute transparence et il est possible de rouler en 100 % électrique jusqu’à 140 km/h et pendant maxi 52 km. Mais quand il s’agit d’attaquer en mode Sport, le V6 reste timide, ne dispose d’aucun artifice vocal (clapets actifs ou haut-parleurs) et il s’essouffle au-dessus de 6 000 tr/mn. Bref, le 3 litres refuse de sonner la charge et préfère la force tranquille. Enfin, pas si tranquille au regard de la poussée générée dès les bas régimes et des performances annoncées : 0 à 100 km/h en 5’’1, contre 5’’9 pour l’Elegance et 4’’9 chez Porsche. La vitesse maxi est quant à elle bridée à 250 km/h, mais le Cayenne ne gagne que 4 km/h… Pour la forme. Dans tous les cas, ces chiffres paraissent cohérents et méritent le respect en ayant conscience de la masse à mouvoir.
Le truc en plus
Sans hésiter, il s’agit du confort ! En optant pour des ressorts pneumatiques à deux chambres (en option sur l’Elegance et le Cayenne) associés à des amortisseurs pilotés, le Touareg R bluffe par son filtrage de suspension, quel que soit la vitesse et les pièges rencontrés. Il est complété par une insonorisation très poussée (trop pour une R), ici accentuée en option (520 €), qui vous fera adorer les longs trajets en profitant des sièges massants (1240 €).
Le bienheureux, il dit quoi ?
Il profite du silence ambiant, du confort et des sièges massants… Euh, on parle bien d’une R ?
Sur la route
Allons droit au but, ce Touareg ne mérite pas le blason R tel qu’on l’aime : sensations fortes, feeling sportif, dynamisme surprenant. Comme si l’entité sportive nous préparait au futur 100 % électrique (d’ici 2030), voici comment elle décrit désormais ses fondamentaux : qualité, aptitude à un usage quotidien, design, technologies et performances. Elle ne cite aucunement la sportivité mais précise que les futurs modèles continueront d’être développés sur circuit. En attendant, le fleuron de la gamme a tendance à couper du monde (insonorisation, feedback) et à se focaliser sur le confort. La palette de réglages de suspension a été étendue pour offrir plus de tendresse et de dynamisme à la fois par rapport à l’aînée R. C’est réussi en matière d’absorption.
Pour le côté dynamique, c’est moins évident. Ce Touareg n’a rien d’incisif, de joueur mais a le mérite d’amoindrir la perception de la masse malgré l’absence de barres antiroulis actives et de roues arrière directrices. Il réclame d’aborder les courbes en douceur pour en ressortir efficacement grâce au différentiel central Torsen et à une excellente monte pneumatique (ici Michelin Alpin 5). Le grip est difficile à prendre en défaut et les freins (acier) assurent dans ces conditions. La boîte auto ZF, elle, suit la tendance générale en privilégiant la douceur à la hargne. Elle dispose d’un mode manuel, mais les rapports montent seuls en Sport et redescendent tardivement. En clair, il ne faut pas maltraiter ce colosse et en trouvant le juste dosage, il parvient à soutenir un bon rythme dans les cols glissants. Il atténue les méfaits de la masse (2,2 tonnes au ressenti) et pourrait aller plus loin, en proposant simplement les options du cousin Cayenne E-Hybrid : barres antiroulis actives, roues arrière directrices et direction à démultiplication variable. D’après notre confrère Cédric Pinatel qui a testé cette configuration de Porsche pour Motorsport, cela change totalement la donne.
Sur la piste
De ski ? Sans aller jusque-là, nous avons profité des chutes de neige pour voir comment la bête swingue. S’il y a la moindre once de grip, le Touareg se contente d’être rassurant, bien élevé et neutre. En évoluant sur très faible adhérence (épaisse couche de neige), l’arrière devient plus entreprenant. En coupant les aides, le mode Snow passe son temps à chercher la motricité et à le remettre dans le droit chemiin. En Sport, l’arrière glisse davantage mais le correcteur de trajectoire ne semble pas totalement déconnectable. Inutile d’insister, l’inertie est telle que le jeu pourrait mal se terminer.
Les tarifs, la concurrence
Le Touareg R hybride démarre à 103 700 €, contre 87 900 € pour la version Elegance de 381 ch et 109 709 € pour le cousin Cayenne E-Hybrid. Attention, ces deux derniers relèguent la suspension pneumatique au rang des options et pour obtenir des sensations dignes d’une Porsche, le Cayenne réclame un antiroulis actif (3300 €), un échappement sport (2868 €), des roues arrière directrices (1716 €) assorties à la direction à démultiplication variable (288 €). Devinez lequel on préfère, quitte à rallonger la note ? En face, un BMW X5 xDrive 50e de 489 ch démarre à 99 900 € et un GLE AMG 53 4Matic+ de 455 ch à 104 550 €. Donc ce SUV qui se contente d’un léger restylage n’est pas donné mais a l’avantage d’être bien équipé. En attendant la loi de finances 2024, il n’écope d’aucun malus, que ce soit vis-à-vis des émissions (maxi 55 g CO2/km annoncé) ou du poids, exonérant pour le moment les hybrides rechargeables capables de couvrir 51 km en électrique en cycle urbain.