Printemps 2022, Magny-Cours. L’Audi RS3 Sportback réussit son coup d’état au sommet des compactes sportives. Elle domine sa pire ennemie Mercedes-AMG A45 S, forte de 421 ch et renverse la table. À condition de chausser les gommes magiques Pirelli Trofeo R qu’elle emmène sur ces essais (dans le coffre !). La compacte d’Ingolstadt y retrouve sa cousine Volkswagen Golf R 20 ans. Ce modèle spécifique, disponible au catalogue entre fin 2022 et fin 2023 pour fêter les deux décennies du blason repose évidemment sur la version R apparue fin 2021. Chaussée alors de pneumatiques Bridgestone S005 peu adaptés à l’exercice, cette dernière n’a pas spécialement convaincu à l’époque sur la piste Club, avec un chrono de 1’27’’13 décevant pour un modèle de 320 ch. Notre version anniversaire intègre en série l’imposant aileron arrière et les jantes Estoril 19 pouces, autrefois en option. Elle y ajoute aussi des monogrammes sur les caches moyeux de roues restant toujours fixes. De quoi faire sourire notre photographe Yannick Parot, toujours amoureux des petits détails qui tuent. Il est en revanche moins sensible au logo 20e anniversaire niché sur le montant de porte. Plus encore que ses colifichets, c’est d’abord par l’intermédiaire du 2 litres porté à 333 ch que notre R 20 ans revient se le devant de la scène. D’autant plus qu’elle débarque avec des Michelin Pilot Sport Cup 2 optionnels, autrement plus adaptés à l’exercice pour sauver son honneur.
Du souffle et des temps !
Ces cousines ennemies profitent de leurs mécaniques pour se positionner différemment. La RS3 joue les mini GT à coup de cinq cylindres turbo de 400 ch quand la Golf boxe chez les quatre pattes suralimentés. Les boîtes à double embrayage à sept rapports sont également propres à chacune : modèle DQ 381 chez VW et DQ500 chez Audi à cause du couple supérieur. Cela ne les empêche pas d’utiliser pleinement les synergies techniques d’un groupe particulièrement présent chez les sportives compactes, en partageant leur plate-forme MQB et leur transmission intégrale étonnante. Un différentiel arrière magique module la force entre les essieux et les roues arrière de manière vectorielle. C’est-à-dire qu’il est capable d’accélérer la roue extérieure, au moyen d’un embrayage situé de chaque côté du pont. Ce procédé également utilisé par l’A 45 S fait pivoter la poupe. L’itinéraire qui mène à Lurcy-Lévis permet de se rendre compte qu’il est difficile de dessiner des virgules en sortie de virage. Lors d’une réaccélération précoce, le système soulage certes le train avant et l’arrière enroule volontiers en insistant, mais l’énorme grip procuré par les gommes de course empêche d’aller chercher les limites sur route ouverte. La faculté de nos deux cousines à imprimer un rythme indécent en toute décontraction démontre la rigueur de leur châssis. Les deux ne plongent peut-être pas à la corde avec l’entrain de la plus radicale des GTi, mais leur facilité à avaler les obstacles impressionne.
Leurs bottes de sept lieues améliorent le feeling au volant, même si le ressenti manque encore de saveur par rapport aux compactes les plus affûtées. Malgré une direction plus légère et un moteur plus lourd sur le train avant, la RS3 se montre plus communicative et engage davantage son conducteur par rapport à une Golf plus conciliante. L’amortissement piloté (facturé 1 200 € chez Audi) utilise la même technologie et encaisse le relief sans broncher tout en réservant un confort ferme mais correct. Celui de la Golf qui propose une quinzaine (!) de réglages offre un spectre plus large entre souplesse et raideur. Coté moteur, le cinq cylindres Audi se montre évidemment plus démonstratif et explosif à l’approche des 7 000 tr/mn. À condition de constamment rester au-delà de 2 500 tr/mn. Ce creux à bas régimes apparaît plus marqué en utilisation quotidienne que celui du quatre cylindres de la cousine qui fonctionne pourtant sur la même plage d’utilisation. Le timbre atypique flatte toujours l’oreille, mais la sonorité apparaît plus étouffée qu’à bord de son aînée. Le quatre pattes de la Golf chante d’une manière plus classique et timide, mais la ligne Akrapovic facturée 4 025 € ajoute une note sourde.
Arrivée sur la piste de Lurcy, la Golf R 20 ans s’extrait des starting-blocks avec vigueur. Elle colle deux dixièmes à la R classique sur le 0 à 100 km/h (4’’4 contre 4’’6) et une seconde pleine sur le 0 à 200 km/h. Elle franchit la borne du 400 m trois dixièmes plus tôt (12’’5 contre 12’’8) et grappille encore deux dixièmes sur celle du kilomètre : 23’’ contre 23’’5. Même motif, même punition en reprises sur les exercices du 80 à 150 km/h (6’’0 contre 6’’2) et du 140 à 200 km/h (9’’4 contre 9’’9) en Drive. Autant dire que les 13 ch supplémentaires sont particulièrement vigoureux. Au point de lui permettre de signer les meilleurs chronos chez les compactes avoisinant 300 ch. La RS3, elle, évolue sur une autre planète : 0 à 100 km/h en 3’’7, 0 à 200 km/h en 13’’4, 400 m et 1 000 m départ arrêté en respectivement 11’’8 et 21’’7. Ne cherchez pas, la RS3 anéantit ses rivales compactes sans la moindre pitié !
Hiérarchie respectée
Retour sur la piste Magny-Cours Club où la Golf passe son examen de passage. Nicolas Gourdol, éditeur de NG Presse et auteur des chronos sur le Club, reconnaît que le 2.0 TSI galope plus fort que précédemment, mais c’est surtout l’apport des fameux Cup 2 qui lui permet de signer un joli chrono : 1’24’’65. En gagnant 2’’5 par rapport à la version classique autrement moins bien chaussée, la R 20 ans retrouve son honneur en exploitant un châssis rigoureux et équilibré. « En voilà une Volkswagen intéressante, qui ne déçoit pas en chrono. Le problème est que la concurrence fait mieux ! » s’exclame Sébastien Loeuillet, grand fan de Mégane R.S. radicalisées. Rentrer dans les épingles en marche arrière et se mettre à l’équerre au moindre lever de pied ne fait évidemment toujours pas partie de la culture des metteurs au point maison, mais cette génération n’a rien d’ennuyeuse.
Loïc Chaboud reste toutefois nostalgique de sa Golf 7R à boîte manuelle : « La 8 R donne l’impression d’une auto plus technologique, avec moins de feeling, plus digitale. Je déplore le tableau de bord tout tactile et l’absence de boîte manuelle. La sonorité pourrait être aussi plus intense.» Son train avant se montre plus précis à l’inscription et sa transmission intégrale permet d’enrouler à la réaccélération en gommant une grosse partie de ses défauts de traction. C’est sérieux, propre, efficace et agréable. Dommage que le dessin du siège soit peu sportif et que l’instrumentation personnalisable sur écran guère lisible. Sur ces deux points, la RS3, ne fait pas beaucoup mieux. Il faut dire que son adhérence incroyable a vite fait de mettre à mal le maintien des sièges ! Les retrouvailles sur la piste Club rappellent l’étendue de ses superpouvoirs. Le train avant mordant, l’énorme grip offert par les Trofeo R optionnels et le cinq cylindres qui raccourcit les lignes droites mettent la concurrence à l’amende et permettent de signer un temps exceptionnel de 1’21’’83. Malgré certaines similitudes techniques avec la Golf, l’Audi boxe clairement dans la catégorie supérieure.
Complément d’enquête sur le tracé Magny-Cours GP, autre juge de paix. La mine épatée de notre pilote Romain Monti, après trois tours chronos de la RS3 met fin au suspense : « Je ne m’attendais pas à ce que le châssis soit si bon et si rigide. Le grand gauche en descente qui mène au virage du Lycée est en général un juge de paix. Avec la RS3, il se prend à fond sans aucun problème. » Le chrono de 1’57’’59 en dit long sur le potentiel de la bête : « il faut déjà une sacrée sportive pour descendre sous la barre des 2’0. » ajoute-t-il. Il est également impressionné par son agilité : « Dans les lents, elle commence à se vautrer sur le train avant et ensuite, l’arrière se débloque et pivote à la remise des gaz. On ressent vraiment la présence d’un système qui l’aide à tourner. » Le coupable, c’est le fameux différentiel qui génère beaucoup de lacet à la remise des gaz. Quitte même à en faire un peu trop dans le mode Drift qui accélère encore la vitesse de la roue arrière extérieure. Le survirage qui se déclenche à la remise des gaz peut surprendre et la glisse manque de naturel. Comme souvent sur une intégrale, elle s’entretient davantage avec les roues droites qu’en contrebraquant.
Pas de quoi émoustiller Sébastien Ullmann, possédant l’ancien modèle : « Le mode Drift est inutile sur ce genre d’auto ! Ce n’est pas vraiment une pistarde et elle reste vraiment parfaite en daily, mais faut pas lui en demander plus. » Sur le mode Dynamic, le système permet à la poupe d’enrouler généreusement sur les gaz sans verser dans la caricature. Le sous-virage totalement effacé en sortie permet de remettre les roues droites le plus rapidement possible. La RS3 se montre ludique, gratifiante et ultra-efficace. Elle avale les gros appuis avec un incroyable aplomb et l’excellente stabilité permet de retarder les freinages.
Romain s’élance ensuite avec la Golf. Il retrouve un ressenti général comparable, avec un tempérament amoindri. Le châssis conserve le même sérieux et verrouille les mouvements de caisse dans le réglage d’amortissement le plus radical, mais perd une bonne once d’efficacité et gratifie moins son pilote : train avant moins tranchant à l’inscription, transmission intégrale moins ludique et sous-virage plus présent en sortie d’Estoril ou du 180°. La boîte se montre également moins réactive au rétrogradage et les freins déclarent forfait après deux tours chrono sur ce tracé rapide. En comparaison, l’option disques avant en carbone/céramique de la RS3 justifie les 5 850 € demandés par leur endurance. Tout à fait correct dans l’absolu, le chrono de 2’02’’28 reste en toute logique loin de celui de sa cousine germaine.
Le moteur, la boîte et le grip supérieur des Trofeo R par rapport aux Cup 2 n’expliquent pas tout. Malgré leur base commune, l’Audi profite de réglages châssis plus sportifs et d’un pilotage électronique plus radical… Histoire de conserver une hiérarchie au sein du groupe par rapport à la cousine Golf.