En 1995, Lamborghini lance le projet de remplacement de la Diablo sous le nom de code L147. L’objectif était d’adapter le châssis de son porte-drapeau au V12 le plus puissant possible.
Le designer Marcello Gandini, habitué de la maison, est arrivé avec une maquette échelle 1 bancale (Acosta) qui a poussé la direction à préférer le projet de la Carrozzeria Zagato aux dessins toujours aussi étranges. Cela d’une part parce que la proposition de Gandini était vraiment désespérément moche et, d’autre part, parce que Zagato était alors la seule firme italienne à maîtriser les nouvelles technologies de CAO.
L’engin que la fraiseuse à commande numérique avait sculpté possédait un style pour le moins frappant, principalement parce qu’il arborait des entrées d’air d’une ampleur telle que l’on pouvait penser que l’auto fonctionnait avec des réacteurs d’avion. Les tunnels gigantesques qui prenaient naissance sur le haut des ailes arrière permettaient de résoudre un problème technique qui s’était posé dès le départ : sachant que, faute de budget, il était impossible de déplacer les radiateurs de refroidissement de la Diablo, le seul moyen de refroidir un V12 beaucoup plus puissant était de le bombarder d’air frais.
Zagato avait transformé le problème en un élément de style que Lamborghini appréciait visiblement puisque la firme valida le design et demanda à Zagato de s’atteler à la construction de plusieurs prototypes.
Dans le courant de 1997, ces derniers furent surpris en pleine séance de tests sur l’ovale de Nardò et dans les rues de Sant’Agata. Les premières images étaient accompagnées de légendes mentionnant que cette Super Diablo allait s’appeler Canto. Tout semblait progresser correctement, jusqu’à ce qu’Audi achète Lamborghini l’année suivante et demande immédiatement à revoir le projet. Les nouveaux patrons réclamèrent plus de puissance et les entrées d’air qui frisaient déjà le comique ne suffirent plus.
Mais peu importe, grâce aux moyens bien supérieurs d’Audi, Lamborghini accéléra le développement de la Canto. Ils étaient si confiants de sa sortie imminente que la firme annonça dans un communiqué officiel la présentation de cette nouvelle voiture au Salon de Genève 1999. Ce fut une terrible erreur.
Il n’y eut pas de Canto à Genève et, pour tout dire, il n’y eut pas de Canto du tout. En fait, Ferdinand Piëch, patron du Groupe VW, détestait l’auto depuis le début. Il estimait qu’elle manquait d’intensité mécanique et de présence esthétique, ce que confirmeront plusieurs présentations-tests auprès de clients potentiels. Même avec les modifications demandées, la Canto ne convint pas. Les ingénieurs Lamborghini ne faisaient que fouetter le flanc d’un cheval apathique au cœur malade… et aux énormes narines. Quelques semaines seulement avant sa présentation publique, Piëch ne mit pas de gants pour la dégager.
Piëch détestait la Canto, il ne vit donc aucun inconvénient à la dégager illico
À sa place, un nouveau projet prit corps, tenant compte des ultimes problèmes apparus durant le développement de la Canto. La solution fut d’associer le V12 6,2 litres retravaillé de 580 ch avec un tout nouveau design signé Luc Donckerwolke qui sut capter et retranscrire l’essence, la folie et l’intensité des Lamborghini historiques. Mieux encore, pour éviter que ce V12 se mette à bouillir tout en préservant la pureté du dessin, l’auto gagna deux de ses éléments les plus spectaculaires et les plus iconiques : des entrées d’air arrière s’érigeant élégamment (et électriquement) des flancs élancés lorsque les radiateurs avaient besoin d’un surplus d’air. C’est ainsi que l’on aboutit à la fameuse Murciélago.
Quant à la Canto, son V12 6,0 litres fut utilisé sur la Diablo VT, son agencement intérieur fut adapté à la Murciélago et, bien qu’Audi ordonnât que les 12 prototypes soient détruits, deux survécurent et existent encore aujourd’hui. L’un se trouve chez Zagato et le second appartient à un collectionneur européen.