Gordon Murray est l’un des ingénieurs les plus brillants et les plus atypiques de sa génération. Après avoir marqué la F1 de son empreinte durant deux décennies, cet épicurien passionné de musique et de moto s’est vu accorder par Ron Dennis, le patron de McLaren, la possibilité de concevoir la sportive de ses rêves, à la fin des années 80. En fin connaisseur, Murray a observé tout ce qui se faisait chez les spécialistes et beaucoup discuté avec les gens de chez Honda, partenaires moteur de McLaren en Formule 1. Amateur de superbikes, l’ingénieur sud-africain aurait bien transposé le concept sur quatre roues avec le concours des Japonais. Mais c’est BMW qui a répondu à l’appel pour motoriser celle qui devait être la plus légère, la plus compacte et la plus raffinée des autos. Une supersportive plus réfléchie que radicale et qui a pour nom “F1”. Comme d’autres avant et après lui, Murray a visé les 1 000 kg.
Il est arrivé sous la barre des 1 150 kg, et BMW a fait le reste pour maintenir le rapport/poids puissance sous les 2 kg/ch. Inspiré de la compétition, le V12 allemand dépasse allégrement les 600 ch. C’est sa cylindrée généreuse qui le rend souple et coupleux. 38,7 de ses 66,2 mkg sont disponibles dès 1 500 tr/mn. Le cahier des charges avait écarté la suralimentation. Montée en position transversale, la boîte à six rapports “courts” illustre la recherche qui a guidé toute la conception : architecture optimisée, fonctionnalité, choix des meilleurs matériaux, à l’instar du magnésium utilisé pour le carter, l’aluminium pour le volant moteur et le carbone pour l’embrayage. Souvent galvaudés, les termes d’orfèvrerie et d’horlogerie s’appliquent à une auto dont l’isolation thermique du compartiment moteur est porteuse d’une fine pellicule d’or, comme un satellite de la NASA. Il va sans dire que la coque et la carrosserie sont en carbone, McLaren étant la première marque sérieuse à avoir appliqué cette technique à une routière homologuée.
Signé Peter Stevens, le design de la F1 n’est pas spectaculaire. Il s’efface derrière la technique, à commencer par l’aérodynamique. Le poste de pilotage central, flanqué de deux places passagers, exige un peu de gymnastique pour s’installer aux commandes.
Accélérations démentielles
Déconcertante au premier abord, cette position offre une excellente vision sur l’avant et simplifie les trajectoires. Comme l’Elise à ses débuts, la McLaren ne dispose d’aucune assistance pour les freins et la direction. L’antipatinage et l’ABS sont absents. Les commandes sont fermes, à l’image de la suspension, mais la relation conducteur/mécanique est directe, intense, précise… comme sur une moto. L’équilibre naturel du châssis et le train avant efficace, naturellement sous-vireur, ne compensent pas les fautes d’inattention ou de jugement. Les accélérations sont démentielles et il suffit de mettre 2 500 tr/mn pour brûler les gommes au départ, tandis que la puissance du freinage acier doit être dosée. La “F1” est “explosive”.
106 exemplaires ont été produits dont seulement 64 pour la route. Cette rareté conjuguée aux performances hors norme et la singularité de cette McLaren font désormais exploser les enchères. En août 2021, une F1 a été adjugée plus de 20 millions de dollars, un records absolu chez les supercars.