Essai

UN ESSAI SIGNÉ MOTORSPORT

Ferrari SF90 XX Stradale : est-ce bien déraisonnable ?

Ferrari (Cliquez sur la photo pour une meilleure résolution)
le
La première XX de route déboule par surprise avec le premier aileron fixe depuis la F50. De quoi se faire de sales idées quant à l’extrémisme présumé de ce monstre de 1 030 ch. À moins que...
SOMMAIRE

Après la Stradale en 2020 et l’Assetto Fiorano en 2021, j’estimais avoir eu ma dose de SF90. Non pas que prendre des g au volant d’une Ferrari de 1 000 ch sur la piste d’essai légendaire soit une expérience dont on puisse raisonnablement se lasser. C’est juste que je n’espérais, ne songeais même pas à une version encore plus extrême. Et vous savez quoi : Ferrari non plus… au départ. La voiture qui me vaut le sixième voyage de ma carrière à Fiorano (je tiens évidemment les comptes) ne faisait pas partie du plan produit. À croire Matteo Turconi (chef de projet), il s’agirait d’un caprice d’ingénieurs partis tardivement en croisade convaincre leur direction d’exploiter tout le potentiel de la SF90 avant de lui dire adieu. Emballez cette noble intention dans un brillant discours marketing, ficelez le tout avec un jackpot assuré (plus de 1,2 milliard de chiffre d’affaires minimum !) et vous obtenez la Ferrari de route la plus puissante, la plus efficace et la plus performante de l’histoire.

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Signes extérieurs de vitesse

C’est également la première, depuis la F50 (1995) à arborer un aileron arrière fixe. Pour ceux qui s’intéressent de près au cheval cabré, voici un détail qui n’en est pas un. C’est une révolution ! Le constructeur se vante depuis des décennies de produire autant, voire plus d’appuis que la concurrence sans tomber dans la facilité. Seulement la dynamique des fluides a ses limites et lorsqu’il s’agit d’obtenir non pas 390 kg (SF90 Assetto Fiorano), mais 530 de déportance à 250 km/h, les hommes en rouge finissent eux aussi par monter une étagère. Le format de cette dernière reste modeste comparé à celle qui trône sur la croupe dodue d’une GT3 RS. Le résultat aussi. La Porsche peut s’alourdir, elle, de 830 kg à 285 km/h et rappelons que la McLaren Senna en faisait déjà à peu près autant (800 kg) à 250 km/h. L’extrémisme affiché par l’Italienne ne cache donc pas de pouvoirs aérodynamiques surnaturels (la Laferrari faisait presque aussi bien sans aileron) mais la rapproche visuellement de l’hyper exclusive lignée des XX. Voici donc celle qui est présentée comme “la première XX de route”. Rien n’indique, soit dit en passant, qu’il y en aura d’autres. L’intérêt du fameux programme reposant précisément depuis 2005 sur l’idée de s’affranchir des contraintes d’une voiture de route, la logique de ce rapprochement peut poser question. Le fait de nous cantonner à un essai piste aussi, mais passons. Speciale, Pista, Competizione, XX…, après tout qu’importe le nom du flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
De ce point de vue, l’interminable présentation Powerpoint qui défile sous nos yeux se veut aussi pointue que rassurante. La communication de Ferrari a la réputation d’être généreuses en détails techniques, mais pas au point d’utiliser 68 slides pour décrire la greffe d’un aileron. La SF90 XX est bien le fruit d’une débauche d’énergie et de matière grise dans tous, entendez bien, tous les domaines pouvant servir à grappiller le moindre cheval, kilowatt, gramme et, pour finir, le moindre dixième.

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Le groupe motopropulseur gagne 30 ch. Le chiffre vous paraît bien futile au regard des 1 000 ch d’origine ? Attendez de savoir comment il est obtenu. Il y a le geste et il y a, comme dans la cuisine du Montana, la beauté du geste ! Le V8 4 litres biturbo de « base » développe déjà 780 ch à lui seul et ce n’est pas rien (du tout). Dès lors, repousser les limites d’un rendement hors norme nécessitait un peu plus qu’une nouvelle carto. Des pistons dédiés ainsi qu’un réusinage de la chambre d’admission permettent d’augmenter très légèrement le taux de compression (9,50 à 9,54 :1), tandis que les conduits bénéficient d’un polissage encore plus soigné avec à la clé un bonus thermique de 17 ch.
Les 13 restants proviennent du dispositif électrique composé, rappelons-le, d’un moteur à l’arrière glissé entre le vilebrequin et la boîte, et de deux autres à l’avant (un par roue). Le gain est ici uniquement à mettre au crédit d’un refroidissement amélioré d’environ 5 %. Le radiateur frontal, notamment, est repositionné de manière à être traversé par le flux d’air créé entre le soubassement et les deux extracteurs visibles sur le capot en carbone creusé. L’adoption de ce fameux “S-duct” a comme autre atout majeur de produire, en association avec le splitter élargi et le fond plat redessiné, 20 % d’appui supplémentaire sur le train avant.

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Mais revenons à la mirobolante puissance de 1 030 ch. Celle-ci n’est en réalité disponible intégralement que sur le mode de conduite le plus extrême (Qualifying) et seulement trente fois deux secondes. Trente, c’est le nombre de « jetons » (visibles au tableau de bord) dont on dispose pour activer l’inédit “extra-boost” électrique de 13 ch. En creusant le sujet avec le chef de projet, j’apprends que les 1 000 ch de la version de base sont disponibles moins longtemps et moins souvent que les 1 030 de la XX. « Dans les faits, on estime avoir gagné en moyenne plutôt 50 à 60 ch » confie l’ingénieur italien. Qu’elle soit de 3 ou 6 %, l’augmentation de puissance demeure trop modeste pour espérer voir la balistique SF90 transfigurée, d’autant que l’allégement de 10 kg se révèle encore plus symbolique. Ce n’est pas faute d’avoir développé de nouveaux et somptueux baquets en carbone (-1,3 kg chacun), supprimé le système d’admission d’air secondaire (-3,5 kg) et fait un usage plus large de carbone pour la carrosserie et l’habitacle. Le gain serait, nous dit-on, d’environ 50 kg si l’attirail aérodynamique (l’aileron pèse 15 kg à lui seul) et divers éléments spécifiques ne ramenaient presque la voiture à son poids (lourd) initial. Lorsqu’on sait qu’une 488 Pista affiche 90 kg de moins qu’une GTB, n’était-il pas légitime d’espérer mieux d’une XX ? À moins qu’il y ait erreur sur la marchandise, que la prétendue bête de course immatriculée ne soit pas aussi radicale que son look veuille bien laisser croire…

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Pourvu qu’elle soit dure

Lorsqu’on aborde le sujet, Raffaele de Simone n’y va pas par quatre chemins : « Cela reste avant tout une voiture de route. Elle doit être utilisable et exploitable par nos clients qui ne sont majoritairement pas des pilotes professionnels ». Le boss de la mise au point fait preuve dans ce domaine d’une constance parfaite et c’est ainsi que les Ferrari contemporaines sont toutes, de la Roma à la Monza SP3, d’un abord simple, doux et amical.
Soit, mais là franchement : une XX homologuée pour la route, la première Ferrari avec un gros aileron depuis 28 ans, est-il possible qu’elle soit autre chose qu’intimidante, sauvage et terrifiante ? Je laisse la parole à Romain Monti qui me précède au volant : « Je m’attendais à une bête déchaînée, je l’ai trouvée plutôt docile et facilement apprivoisable. Une XX homologuée me faisait rêver mais cette voiture n’a pas la radicalité d’une voiture de course… ». Invité pour la première fois à Fiorano en sa qualité d’auteur des chronos pour Motorsport sur la piste GP de Magny-Cours, notre pilote ajoute : « Elle n’effraie pas, elle est presque trop safe à la limite avec du sous virage quand on essaie de la placer dans les virages rapides, mais ça reste stupéfiant d’efficacité ». Vous n’avez pas l’image mais rassurez-vous, on lit plus de joie béate que de déception sur le visage rougi de notre youtubeur préféré.
Il ne connaissait ni la piste ni la SF90, je connais bien les deux. Lui a des références de (vrai) pilote, pas moi. Je garde donc espoir de prendre la gifle que je suis venu chercher, plus violente encore que celle reçue deux ans plus tôt ici même, au volant de l’Assetto Fiorano. C’est parti pour quatre tours, pas un de plus, avec la voiture d’un Raffaele toujours plein de panache en ligne de mire. Le tandem harnais (3 700 €) et nouveaux baquets assure un maintien parfait. La XX se démarque par quelques détails, à l’image des contreportes bicolores, mais le cockpit reste familier. Difficile, durant le tour de chauffe, de la différencier d’une SF90 ordinaire. La direction reste légère et la suspension étonnamment souple. Alors que le pack Assetto Fiorano imposait l’amortissement passif dérivé de la course signé Multimatic, il est possible sur la XX d’opter pour le plus « classique » dispositif piloté magnétique. Étonnant. Les ingénieurs ne sont pas très bavards quant aux retouches apportées au châssis. Outre un carrossage négatif adapté à l’appui aéro et à la philosophie de l’auto, il est question d’une raideur et d’une résistance au roulis accrues d’environ 10 % chacune. Rien d’extravagant.

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Premier passage devant les stands. Les Michelin Cup 2 R (option à 2 640 €) sont chauds, Raffaele aussi. Le pilote allume tardivement le bandeau rouge qui traverse la poupe de la XX avant le premier virage serré puis reprend tôt les gaz. Je n’ai guère le temps d’admirer les détails de la poupe qui n’a presque plus rien de commun avec celle de la SF90. Mon lièvre prend déjà le large pendant que j’hésite encore (désolé) à lâcher la bride aux 1 030 ch avec les roues braquées. Ferrari annonce un 0 à 100 km/h amélioré de 2 dixièmes, soit 2”3, quand une Bugatti Chiron est donnée pour 2”4. Si la poussée de la XX ne paraît pas plus phénoménale que phénoménale, elle se veut plus orchestrale. La nouvelle calibration moteur rend les passages de rapport beaucoup plus détonants. Le plénum d’admission redessiné et placé tout près de l’habitacle transmet quant à lui mieux les pulsations du V8 qui s’enrage à plus de 8 000 tr/mn. La bande-son ne vaut pas celle du V12 atmo’ de la 812 Competizione, mais quel pétard ! De la gestion sans égale du différentiel piloté à l’équilibre du châssis en passant par l’apport des roues avant motrice en sortie de virage, on retrouve toutes les qualités surnaturelles de la SF90 qui permettent d’exploiter une puissance à quatre chiffres sans se poser d’autre question que « comment est-ce possible ? ».

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SF90 ++

À cela, la XX ajoute de gros disques de freins à l’arrière (390 contre 360 mm) et l’ABS EVO inauguré sur la 296 GTB. Celui-ci joue un rôle majeur selon Raffaele lorsqu’il s’agit de rentrer tard et fort sur les freins. Le metteur au point parle d’un gain de deux dixièmes au tour, juste là-dessus. L’aileron arrière, dont je peine sincèrement à sentir l’effet, permettrait quant à lui d’économiser 8 dixièmes avec une augmentation des accélérations latérales de 9 %. Quant aux extra-boost de 13 ch (7 jetons par tour à Fiorano), ils seraient responsables d’une amélioration du chrono de 0”25. Tout cela combiné donne un temps de 1’17”309, nouveau record de la piste pour la première fois filmé et réalisé sous nos yeux par Raffaele de Simone. Impressionnant, mais on constate que la XX n’est pas plus éloignée d’une SF90 Assetto Fiorano (1’18”70) qu’une 488 Pista (1’21”5) ne l’est d’une GTB (1’23). J’ajouterais que la différence est encore moins nette en termes de sensations. Quatre tours et pas un kilomètre sur route, c’est peu pour livrer une analyse pointue d’un engin pareil, mais assez pour vous dire que cette Ferrari n’offre ni le feeling pointu ni le corps à corps vibrant promis par son nom et son aileron. Une GT3 RS se montre en comparaison plus radicale et jusqu’au-boutiste dans son approche, une McLaren Senna bien plus sensuelle et étourdissante dans l’exploitation du grip. Certes, Ferrari prouve une fois de plus sa supériorité, sa capacité unique à concevoir une supercar aussi rapide qu’efficace, fun et facile à emmener. Certes, vous ne trouverez pas une voiture de route (AMG One et Valkyrie mises à part, peut-être) capable de rivaliser sur un circuit. Suis-je pour autant reparti de Maranello avec plus d’étoiles dans les yeux que lors de l’essai de la SF90 Assetto Fiorano vendue 300 000 € moins chère ? La réponse est non.

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En conclusion

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On attendait le grand, l’ultime frisson, au volant d’une bête de course de 1 030 ch lâchée sur
la route. Nous avons certes assisté à Fiorano à une nouvelle et sensationnelle démonstration de force, mais Ferrari refuse obstinément de verser dans la radicalité, la vraie. La marque aurait pu aller encore plus loin, façon McLaren 620R mais en mieux, en proposant par exemple un set-up slicks et le jeu de jantes qui va avec. Elle préfère s’en tenir, de fort belle manière, à proposer la supercar à la fois la plus terrifiante et la plus docile de la planète.

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LE VERDICT
Perfs ahurissantes
Facilité d'approche
Equilibre du châssis
Freinage hors norme
Tarif étourdissant
Trop consensuelle pour une XX
Poids élevé
NOTRE AVIS
5/5
SPORTIVES
D’OCCASION
254 900 €
ferrari 488 spider 1
Ferrari 488 Spider
Mise en circulation : mai 2017
234 900 €
ferrari portofino occasion 2
Ferrari Portofino
Mise en circulation : octobre 2018
189 900 €
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Ferrari 458 Spider
Mise en circulation : juillet 2012
539 900 €
ferrari 812 gts occasion 2
Ferrari 812 GTS
Mise en circulation : mars 2023
259 900 €
ferrari roma occasion 3
Ferrari Roma
Mise en circulation : juillet 2021
364 900 €
ferrari 296 gtb occasion 3
Ferrari 296 GTB
Mise en circulation : février 2023
449 900 €
ferrari 488 pista occasion 2
Ferrari 488 Pista
Mise en circulation : février 2019
339 900 €
ferrari 296 gtb verte 2
Ferrari 296 GTB
Mise en circulation : avril 2023
1 690 000 €
ferrari 599 sa aperta 1
Ferrari 599 SA Aperta
Mise en circulation : juin 2011
378 000 €
ferrari f8 tributo spider occasion 1
Ferrari F8 Spider
Mise en circulation : août 2020
379 900 €
ferrari 812 superfast occasion 1
Ferrari 812 Superfast
Mise en circulation : avril 2018
 FICHE
TECHNIQUE
Moteur
V8 à 90°
Disposition
central-arriere
longitudinale
Cylindrée (cm³)
3990
Suralimentation
Biturbo
Hybridation
3 moteurs électriques
Puissance maxi (ch à tr/mn)
1030 à 8000
Couple maxi (Nm à tr/mn)
1100 à 6000
Régime maxi (tr/mn)
8300
Vitesse maximum (km/h)
320
0-100 km/h annoncé
02”3

0-200 km/h annoncé

06”5
1000m DA annoncé
-
-
CO2 (g/km)
Non communiqué

Prix

758000
Puissance fiscale
NC
motorsport blanc
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