Essai

UN ESSAI SIGNÉ EVO

Essai Audi RS Q e-tron Dakar : Haut les coeurs !

Aston Parrott
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Alors que le Dakar vient de s'élancer, revenons sur ce monstre du désert conçu par Audi qui combine des moteurs électriques de Formula E avec un moteur essence de DTM dans un même ensemble hors du commun. Accrochez-vous, on le pousse jusqu’au décollage.
SOMMAIRE

Ce devait être quelque part à la fin des années 80. “La chevauchée des Valkyries” résonnait sur le poste de télévision dans un coin du salon de la maison de mes parents. J’étais hypnotisé par les images montrant des voitures qui semblaient survoler le sable du désert, des motos glissant élégamment dans les ascensions et un énorme camion de course qui décollait au sommet d’une dune colossale, ses pneus lâchant des cascades de sable, le tout filmé au ralenti. Le jeune Jethro aux yeux exorbités que j’étais voyait son monde basculer : mais comment cette beauté sidérante pouvait-elle exister ? La séquence était en fait une publicité diffusée sur la chaîne Eurosport pour le prochain Paris-Dakar. Je me souviens que c’était gracieux, exotique et profondément captivant. Les semaines qui suivirent, je devins totalement obsédé par l’épreuve. Je dévorais les résumés quotidiens de course, j’étais abasourdi d’apprendre qu’elle se déroulait sur 10 000 km et je tombais sous le charme de ces immenses camions d’assistance faisant la course au milieu des voitures à des vitesses hallucinantes. Il y eut des accidents laissant des centaines de mètres de débris au sol, des destins tragiques, des histoires de bandits, on voyait des pilotes autos et motos totalement anéantis, brisés, hébétés, heureux ou pour la plupart complètement hallucinés. Le Paris-Dakar était un conte que même les plus grands aventuriers rêvaient de faire. Même le nom sonnait comme une fable à mes oreilles.

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Mon histoire d’amour avec le concept du Dakar n’a jamais cessé mais étrangement, je ne l’ai jamais plus suivi d’aussi près ensuite. J’ai préféré conserver en moi l’idée que j’en avais : celle d’un mythe un brin mystérieux et d’une course épique d’un autre monde. Même aujourd’hui, alors qu’il est beaucoup plus facile de suivre les évolutions des concurrents, je regarde ça de loin. Comme si cela faisait partie d’un autre univers. Inaccessible.

Attention danger

C’est un matin particulièrement froid dans les collines de Sardaigne que mon univers a rencontré celui du Dakar. Et cela n’avait rien d’attrayant. Vraiment pas. Et ce, malgré la belle spéciale de rallye poussiéreuse et bosselée ainsi que l’équipe d’ingénieurs et de mécaniciens s’affairant autour de l’énorme Audi RS Q e-tron que je dois conduire dans quelques minutes. Cela devrait être un rêve. Et ça l’était, jusqu’à ce qu’un Allemand à l’air très sérieux commence son briefing.

Sa teneur était en grande partie habituelle : « Soyez prudents au début, allez-y progressivement, ne cassez rien ». Toutefois, cet RS Q e-tron nécessite d’autres recommandations. « S’il y a un problème sur l’auto et qu’elle s’arrête au milieu de la spéciale, restez dans le véhicule. Même si la lumière est verte. Nous viendrons et vous donnerons les instructions à suivre. » Car l’e-tron est une électrique, ou presque, qui possède un système lumineux qui, en cas d’accident ou de panne, indique à l’équipage et à ceux qui interviennent de l’extérieur s’il est dangereux ou non de toucher la voiture. Le briefing continue sur un ton plus dramatique encore : « Sauf s’il y a le feu. Dans ce cas, sortez immédiatement. Respirer la fumée d’un feu de batteries engendrera des problèmes de santé pour le reste de votre vie ». Un rire nerveux a émergé de l’assemblée de journalistes mais l’Allemand, lui, ne rigolait pas du tout. Pas même un sourire.

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J’avoue que ce briefing a légèrement douché mon enthousiasme. Mais je dois dire que depuis le début, ce voyage et ce véhicule ont quelque chose d’un peu surréaliste. Le RS Q e-tron n’a pas remporté le Dakar. Il ne s’agit donc pas d’un tour d’honneur du vainqueur dans les médias. Le trio de pilotes stars composé de Carlos Sainz (trois victoires), Stéphane Peterhansel (six victoires à moto et huit en auto) et du rookie Mattias Ekstrom (double champion en DTM et champion de Rallycross) a remporté 4 étapes du Dakar 2022 qui se déroule désormais en Arabie saoudite. Toutefois, malgré de réelles capacités, Ekstrom a terminé 9e, Sainz 12e et Perthansel 59e. Ce n’est pas un résultat auquel Audi est habitué. Car Audi gagne. Toujours.

Comment est-ce possible ?

Que s’est-il donc passé ? Le souci se comprend dès que l’on prononce le nom e-tron. Car il faut comprendre à quel point il est difficile d’un point de vue technique de terminer un Dakar avec une voiture électrique. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison qu’Audi nous a conviés en Sardaigne pour nous confier un de leurs précieux RS Q e-tron pour une petite partie de plaisir dans un immense bac à sable. Alors que je quitte l’aire technique pour me rendre vers la zone de course, les battements de mon cœur sont couverts par le bruit strident des moteurs électriques, un sur chaque essieu. La direction est étonnamment légère et ne renvoie aucune information sur ce qu’il se passe sous les énormes pneus. Mais ça n’est pas grave, j’écrase tout de même l’accélérateur. À mi-course, le moteur thermique démarre derrière moi pour se caler à 6 000 tr/mn, un régime sans aucun lien avec la position de mon pied sur la pédale de droite.

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Voilà un curieux Audi e-tron qui fonctionne avec un 4 cylindres 2,0 l turbo provenant d’un ancien programme de DTM. Ce RS Q est un véhicule éminemment complexe développé en partenariat avec Q Motorsport (une version évoluée E2 a été développée pour le Dakar 2023), une firme fondée par Sven Quandt, spécialiste des rallyes-raids qui fait aussi rouler les Mini avec une autre société, X-Raid. Eh oui, il fait bien partie de la famille Quandt qui détient des parts majoritaires chez BMW. Quand je vous dis que tout est curieux dans cette histoire…

Imaginez un Porsche Cayenne Cup … ou plutôt un Q8 WRC

Pour résumer, ce moteur de DTM sert de générateur et de prolongateur d’autonomie. Sa puissance a été réduite de 660 à environ 270 ch, il alimente un moteur électrique qui a pour mission de charger le pack de 52 kWh de batteries, pack qui nourrit ensuite les deux moteurs électriques de l’auto. Ces derniers proviennent des monoplaces engagées par Audi en Formula E. Le fait que le moteur thermique n’ait aucune connexion physique avec les roues explique pourquoi il tourne à un régime stabilisé. La batterie pourrait fournir plus de 680 ch mais la réglementation impose de la réduire à 288 kW soit 392 ch tandis que la vitesse maximale est aussi limitée par le règlement à 180 km/h. On ne trouve pas de différentiel central mais un ersatz électronique qui répartit le couple sur les deux essieux en fonction des conditions mais aussi des préférences des pilotes (Sainz préfère un typage plus propulsion que Peterhansel par exemple). Le RS Q embarque 300 litres de carburant ainsi que 370 kg de batteries.

Rencontre du troisième type

À bord, une fois que vous vous êtes frayé un chemin à travers l’arceau, vous avez droit à une étrange combinaison entre intérieur de voiture de course moderne et position de conduite surélevée façon SUV. Un Porsche Cayenne Cup en somme. Mais les sièges, la sensation de claustrophobie, les panneaux de contrôle, les tubes entrecroisés, tout cela appartient bien à l’univers des voitures de course. Cependant, on trouve également des écrans supplémentaires pour le copilote et si le volant comporte bien plusieurs boutons et molettes, sa taille et le fait qu’il soit bêtement rond font qu’il semble à des années-lumière des volants de voitures de course modernes. Oh, et on trouve aussi un frein à main hydraulique juste là où il faut. Peut-être qu’un Q8 WRC serait une meilleure description en fait.

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Le châssis est tubulaire, il est renforcé par des panneaux de fibres de carbone et du Zylon très résistant par endroits. Les batteries se trouvent sous les sièges et sous le plancher, elles sont habillées d’une cellule de protection capable de résister aux sauts, aux intrusions de rochers et tout ce que le Dakar peut réserver. Le soubassement, par exemple, est enveloppé dans une structure de 54 mm d’épaisseur composée d’une couche de fibres de carbone pour la protection contre les intrusions, d’une mousse d’absorption pour dissiper l’énergie d’un impact et enfin d’une plaque d’aluminium qui diffuse les premiers chocs. L’ensemble est interchangeable au bivouac si nécessaire mais sur tout le Dakar, aucune des trois autos n’a eu recours à cette maintenance. Le parcours technique assez lent d’aujourd’hui ne présente que très peu de risques, c’est peut-être pour cela qu’Édouard Boulanger, le copilote de Stéphane Peterhansel, a l’air heureux d’être dans le siège passager. « Vous allez vite comprendre la voiture, elle est vraiment très simple à conduire », me lance-t-il dans la radio.

Facile

Il a raison. Ce RS Q e-tron ne demande que peu d’efforts physiques pour être rudoyé, il absorbe étonnamment le terrain défoncé et malgré un poids supérieur à deux tonnes, vous n’avez jamais l’impression qu’il peut vous échapper. Vous avez la réelle sensation d’être libre de faire ce que vous voulez et il se plaît à faire voler en éclats toutes mes croyances sur le sujet. Cette machine du Dakar a fait le choix de ne pas vous connecter à la surface sur laquelle vous roulez pour que vous ne vous concentriez que sur vos trajectoires, que vous ne ratiez pas vos points de freinage et pour que vous repreniez aussitôt que possible l’accélérateur. Le différentiel intelligent et les étonnants amortisseurs à réservoir séparé Reiger font le reste. De l’extérieur, ça laboure le terrain et soulève des nuages de poussière, ça prend des angles de dérive extrêmes et un roulis de dingue. Ça paraît épique mais c’est étrangement calme. Le Dakar est une histoire de constance et d’endurance. La vitesse est également un facteur important mais le rythme dont est capable le RS Q e-tron est directement lié à sa facilité d’utilisation.

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Peterhansel m’a expliqué à quel point l’auto était facile mais c’est vraiment génial de se sentir à l’aise aussi rapidement. « La façon qu’ont les moteurs électriques de délivrer leur puissance est transparente et prévisible, cela fait grimper la confiance, et permet une grande précision. On n’a pas à se soucier des rapports, pas de temps de réponse, il n’y a qu’à se concentrer sur l’endroit où on veut aller et les trajectoires à adopter. Certes, l’auto est trop lourde mais elle est fantastique à piloter. » Le poids minimum pour cette catégorie est de 2 000 kg mais l’e-tron émarge à 2 250 kg sans personne à bord. On ressent son poids dans le roulis important mais aussi au freinage lorsque son nez plonge violemment vers l’avant et à l’accélération quand elle s’accroupit sur sa poupe. Même si les effets de sa masse sont tangibles, on a malgré tout la sensation que tout est sous contrôle. Tout est parfaitement calibré et réagit idéalement. Quoi que vous demandiez, vous obtenez une réponse immédiate. C’est étrangement précis et merveilleusement fluide.

L’essai fut court et la plupart du temps alloué a été consacré à tenter de maîtriser le frein à main hydraulique et l’arrivée de la puissance dans les virages serrés du parcours. L’équilibre est plus proche de celui d’une Impreza que de celui d’une GT-R. Essayez de le piloter sans utiliser le frein à main hydraulique et il a tendance à d’abord partir en sous-virage puis, en survirage lorsque vous reprenez l’accélérateur. Le mieux est de faire pointer le nez le plus tôt possible vers la corde (grâce au frein à main hydraulique) et d’écraser ensuite l’accélérateur pour la ligne droite qui suit. Je n’ai peut-être réussi parfaitement que deux virages durant mon run mais je m’en souviendrai toute ma vie.

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Fiche technique

Groupe motopropulseur 3 moteurs électriques + 4 cyl. 2,0 l turbo servant de générateur + 52 kWh de batterie
Puissance 392 ch ou 288 kW (règlement Dakar)
Poids 2 250 kg (5,74 kg/ch)
0-100 km/h <4’’5
V-Max 180 km/h (limitée)

En conclusion

Contre toute attente, à aucun moment je n’ai pesté contre la motorisation et cette hybridation étrange. Le bruit dominant est celui des moteurs électriques, cela couvre même en partie celui du moteur thermique que l’on entend en arrière-plan. Mon cynisme naturel me fait dire que l’appellation e-tron est quand même trompeuse et purement marketing avant d’être technologiquement avérée. Par contre, cela n’enlève rien au travail colossal effectué par les ingénieurs pour faire fonctionner ensemble des moteurs de Formula E et un moteur de DTM dans des conditions totalement inhospitalières, pour économiser du carburant sur la durée d’une telle course. Le RS Q e-tron est un monstre bourré de qualités, profondément intrigant et un peu absurde dans le cadre des rallyes-raids. Mais cette course folle, bizarre, dramatique et hypnotique ne mérite pas autre chose. 

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LE VERDICT

Facile à piloter
Technologie extrêmement poussée
On sent le poids énorme
Appellation e-tron trompeuse
NOTRE AVIS
4/5

SPORTIVES
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Mise en circulation : décembre 2019
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