Où et quand ?
Fin janvier, par une journée ensoleillée mais passablement fraîche en périphérie de Madrid. L’essai se déroule sur un seul jour avec une demi-journée circuit (3 tours en fait) sur le tracé de Jarama et une boucle routière à l’Est de Madrid d’environ 150 km à effectuer à deux conducteurs.
Le pitch
Alpine souhaitait constituer une gamme claire d’A110, c’est désormais chose faite avec les A110, A110 S et maintenant A110 R qui proposent graduellement des performances de plus en plus affûtées. La R est donc le modèle le plus adapté à une utilisation circuit avec un travail porté sur la stabilité à haute vitesse, sur l’allègement et sur les réglages châssis privilégiant l’efficacité.
Premier regard
Cette A110 drapée dans son très beau Bleu Racing Mat emprunté à la F1 présente évidemment quelques éléments distinctifs. Il y a le carbone à profusion (toit, bas de caisse, splitter et diffuseur) et notamment le capot joliment ouvragé mais aussi la lunette arrière qui remplace le vitrage. L’aileron et ses mâts col de cygne en alu sont bien plus jolis que ceux de la S. Si de loin, les jantes semblent bêtement noires, en approchant vous remarquez qu’elles sont en carbone (fabriquée par Duqueine). Et ce n’est pas une option ! La suspension étant réglable, si vous vous trouvez devant un modèle à la garde au sol abaissée des 20mm maximum, elle fait plus ramassée.
Dans l’habitacle, c’est ambiance Racing avec de superbes baquets carbone Sabelt Track réglable sur deux voies pour le pilote (fixe pour le passager) et des harnais. Aucune ceinture à enrouleur n’étant présente (pour ne pas alourdir l’auto), il faudra dégrafer (puis remettre) le harnais au péage, aux entrées de parking, pour aller chercher son sac derrière, pour ramasser son téléphone tombé par terre, pour fermer la porte si vous ne l’avez pas fait avant de vous attacher … L’habitacle profite d’une finition intégrale microfibre exclusive (plus étendue que l’option microfibre proposée sur la S).
Les chiffres (et quelques lettres)
Ce n’est pas sous son capot que vous allez trouver la moindre trace de radicalité puisque le 4 cylindres 1,8 litre turbo développe toujours 300 ch et 340 Nm, comme sur la S. Non, c’est au niveau du châssis que les efforts se sont concentrés avec notamment « un abus de biens spéciaux » puisque l’on trouve de la fibre de carbone pour le capot (-2,9kg), les jantes (-12,5 kg), la lunette arrière désormais opaque, les jupes latérales et les sièges (-5 kg). L’allègement total atteint 34 kg, ce qui nous donne une A110 R de 1082 kg. La répartition des masses ne bouge que de façon anecdotique. Le rapport poids /puissance tombe ainsi à 3,6 kg/ch, ce qui lui permet d’abaisser le 0 à 100 km/h en 3’’9 tandis que les efforts sur l’aérodynamique (la traînée est réduite de 5%) ont autorisé les ingénieurs à relever la V-Max jusqu’à 285 km/h maxi. Notez toutefois que, bizarrement, selon les chiffres donnés, l’appui global ne progresse pas sur la R (il perd même un kilogramme à 140 kg contre 141 !) mais qu’il est déplacé vers l’arrière.
Le nouvel aileron en col de cygne travaille avec le fond plat et le diffuseur mais également les nouveaux réglages châssis. La hauteur de caisse a notamment été réduite de 10 mm supplémentaires. L’A110 R est dotée d’amortisseurs hydrauliques réglables Sachs (grâce à une bague de 20 clics) qui perdent leur butée hydraulique mais aussi de ressorts plus fermes de 10% et de barres antiroulis plus épaisses (+10% à l’avant et +25% à l’arrière) par rapport à la S. Globalement, le centrage antiroulis a été déplacé vers l’arrière, tout comme la balance aérodynamique avec pour objectif d’assoir la poupe dans le rapide et sur les remises de gaz.
On trouve également un nouvel échappement à double paroi permettant de juguler les hausses de température, les roues restent en 18’’ et chaussent des Michelin PS Cup 2 (215/40 R18 à l’avant et de 245/40 R18 à l’arrière). Le freinage reste celui de la S, en l’occurrence des disques bimatière de 320 mm pincés par des étriers Brembo. Toutefois, leur refroidissement (écopes, conduits) est spécifique et leur endurance a été améliorée de plus de 20%. Pour que le pilote soit plus en contact avec la mécanique, la vitre séparatrice du compartiment moteur est remplacée par une paroi en aluminium gaufré et l’isolant sonore a disparu. L’échappement a également perdu ses valves et crache donc la sono maxi en permanence.
Le truc en plus
Les jantes carbone arrière arborent des flasque fermées qui ont un petit côté rétro racing plutôt sympatique. Non ? En tous les cas, cela améliore l’aéro et ça ne fait pas chauffer les freins. Mais alors pourquoi pas à l’avant ? Parce que la hausse des performances combinée au fait que les disques sont identiques à la S engendrait des pics de température trop importants. Cela a donc obligé les ingénieurs à optimiser le refroidissement (et donc à choisir des jantes plus ouvertes) pour rester dans la zone de température idéale de fonctionnement. Mais pourquoi ne pas mettre des freins plus gros, me direz-vous ? Parce que ça fait augmenter le poids, pardi ! Et les ingénieurs de s’amuser du fait que sur les autos qui possèdent des disques carbone-céramique vantés pour leur légèreté, les étriers de frein sont en général beaucoup plus lourds. Mais on n’en parle moins évidemment…
Notez que les jantes fabriquées par Duqueine (oui, le même Gilles Duqueine qui possède une écurie de course) pèsent à peine plus de 6 kg chacune.
Le râleur, il dit quoi ?
Mais comment fait-on pour essayer une auto en trois tours de piste ? Hein, je vous le demande.
Sur la piste
L’essai a débuté par nos trois petits tours de piste du circuit de Jarama. C’est peu pour découvrir une auto en profondeur, vous en conviendrez.
Tout commence par l’harnachement à bord. Première surprise, les baquets ont beau être bruts et hyper légers, ils sont hyper accueillants. Au démarrage, on retrouve le son habituel du 4 cylindres avec un volume un peu plus présent. Premier virage, les Cup 2 sont froids, ça ne tourne pas. Sur une propulsion, contrairement à une traction, c’est l’avant qui ne chauffe pas assez vite. Le tour de reconnaissance est donc passé à mettre de grands coups de frein jusqu’à ce que ça ne déclenche plus l’ABS. Sur le premier tour lancé, la poupe continue encore un peu à pousser l’avant sur les sorties d’épingle mais ça s’améliore virage après virage. L’auto est clairement plus appuyée sur son séant, façon monoplace et, une fois tout à température, on a dans les mains un outil sacrément efficace. Vivement les mesures.
Même si elle est moins joviale en entrée, plus calée, elle engage parfaitement dans la courbe sur la fin du freinage. C’est très sécurisant et ça donne envie d’en mettre toujours plus. La légèreté de l’ensemble est palpable dans chaque changement de direction. On sent qu’il ne peut rien arriver de fâcheux même lorsqu’on dépasse les limites ou qu’il faut réajuster en pleine courbe rapide. Impossible de jauger l’aérodynamique sur un tracé comme Jarama mais il est évident que, par rapport à une S, les modifications des réglages ont cherché à coller la poupe au sol. Les longs drifts vécus au Paul Ricard dans la S semblent impossibles à réaliser ici. Toutefois, l’A110 R reste une voiture extrêmement vivante et donc terriblement attachante à mener à 110% sur un circuit.
La déception vient du moteur qui ne donne pas plus de watts que sur la S. Et avec un châssis plus affuté, il semble un peu étouffé par le grip. Sur un ensemble qui se veut aussi radical, ça manque de rage, de caractère même si la boîte double embrayage le seconde parfaitement. On peste toujours sur les palettes toujours trop courtes (vers le bas) qui fait qu’à chaque relance en sortie de courbe en deuxième, avec le volant braqué, vous vous retrouvez à devoir lâcher le volant pour aller la chercher. Et les rapports sont tellement courts qu’on tape vite dans le rupteur qui ne prend toujours pas plus de 6800 tr/mn. Par contre, il est probable que sur le chrono cela reste très efficace car la cohérence et l’équilibre entre toutes les parties de l’auto sont toujours son point fort. C’est juste qu’en termes de sensations (mais aussi pour ce tarif et par rapport à une S), on pouvait s’attendre à plus.
Sur ces trois petits tours, le freinage n’a évidemment pas été poussé dans ses retranchements, d’autant que les tests d’endurance ont été menés sur le circuit de Magny-Cours Grand Prix. Pour la petite histoire, tout est calibré pour tenir 10 tours sans bouger sur ce circuit exigeant ! Dans la même veine, après une journée circuit, vous serez toujours heureux de pouvoir rentrer chez vous avec des pneus encore en très bon état, contrairement à beaucoup de vos camarades de track-days qui auront pour la plupart fusillé leurs gommes dès la fin de matinée ! La légèreté est un don du seigneur.
Sur la route
Les superbes routes dans les Sierras à l’Est de Madrid sont faites pour l’A110 R. La première crainte était de se retrouver au volant d’une auto terriblement inconfortable sur la route, ce n’est toujours pas le cas. Certes, en ville à basse vitesse, ça remue un peu mais sinon, ça ne tape jamais (alors que la suspension Sachs a perdu ses butées hydrauliques). Le gabarit de l’auto, son grip fou, sa légèreté font que le rythme qu’il est possible de tenir sans se sentir en sursis à chaque virage est incroyable. C’est terriblement rapide, efficace, rassurant, on perçoit toujours le grip à disposition, on peut remettre la louche en sortie sans risquer grand chose et l’auto peut être aisément récupérée en cas de surprises. La train avant plonge à la corde avec avidité et la poupe suit avec fidélité, on se demande ce qui peut rouler plus vite qu’elle sur ces routes là ! On ressent un peu moins le manque de caractère du moteur sur route que sur circuit. La perte de jovialité se confirme aussi avec un train arrière qui ne décrochera qu’en mettant plein gaz en sortie de serré en seconde, et encore pas très longtemps.
Après le circuit, les baquets confirment être une réussite incroyable. C’est hyper confortable, les patchs de mousse que l’on trouvait léger à l’oeil font le job, le soutien est quasi parfait sans qu’on ait la sensation d’être encapsulé comme dans un baquet de McLaren. La navigation et l’interface numérique restent oubliables…
Pour donner plus de sensations aux occupants et les connecter un peu plus à la mécanique, l’insonorisant moteur a disparu, tout comme les valves à l’échappement. C’est sympa pour entendre le turbo souffler ou le 4 cylindres ronfler mais le problème est qu’il ne fait pas que ronfler. Du coup, on subit également les bruits moins engageants comme ce sifflement permanent qu’on finit par ne plus supporter. Non, clairement, ce moteur qui n’a pas évolué ici est le maillon faible du package (sur le plan des sensations) même si le staff s’est échiné à nous expliquer que la cohérence d’ensemble est plus importante qu’un moteur plus puissant qui oblige ensuite à redimensionner plusieurs autres éléments en cascade et qui au final, font augmenter largement le poids. Ce qui n’est évidemment pas l’ADN d’Alpine, ni l’objectif recherché en ces temps de malus CO2 tueur. Vous pouvez aussi choisir un flat-6 rageur mais il faut en payer le prix.
Le bienheureux, il dit quoi ?
Quand c’est léger, c’est le pied, c’est obligé. Qui n’a pas essayé, ne peut pas comprendre.
Contrat ou pas contrat ?
L’A110 R ne sera pas donnée puisqu’elle démarre à 105 000 euros. Une fois que l’on a avalé de travers à la lecture du prix, on se souvient que le malus n’est pas énorme (2370 euros en 2023) contrairement à toutes les autres rivales. L’A110 R est numérotée mais non limitée et sera donc produite jusqu’à extinction des feux (la fin de carrière de l’A110 prévue a priori pour 2025/2026).