La M3 incarne le guide suprê “M”. Un coupé devenu iconique, né en 1986 pour l’homologation en championnat FIA Groupe A (rallye et circuit). Il s’est cherché sur le plan mécanique : 4 cylindres, 6 en ligne, V8, suralimentation… Puis sur le plan marketing, en devenant une berline pour laisser place au coupé M4. Toutes les générations ont défendu corps et âme les fondamentaux BMW M : équilibre, propulsion, hauts régimes, feeling, joie de vivre, poids contenu. La nouvelle G80 a un tantinet la pression. Elle respecte le 6 en ligne, la propulsion et peut recevoir une boîte manuelle selon les pays (la France en est privée). Sauf qu’elle se dope à fond, à tous points de vue. Mécanique, en dépassant pour la première fois 500 ch en Competition.
Physique, en faisant de la gonflette au point d’être aussi baraquée qu’une M5 du début du millénaire (E39 V8). Avec une telle carrure et les renforts structurels nécessaires, la masse s’envole au-delà de 1 700 kg. BMW M bannit donc l’un de ses préceptes. Pour la forme, il propose des éléments en carbone : toit (de série), freins carbone/céramique, baquets, pack M Carbon ajoutant des entrées d’air, un diffuseur, des coques de rétros et un becquet. Il mise aussi sur le Pack M Performance Piste associant les coûteux freins aux baquets et à des jantes forgées allégées (habillées de semi-slicks) pour réduire la sentence de 25 kg. Anecdotique. À l’opposé, la marque impose la boîte à convertisseur en France. Pour la première fois dans l’histoire de la M3, elle propose même une transmission intégrale débrayable (+ 75 kg !) et bientôt une carrosserie break (4WD imposée). Tous ces bouleversements ont de quoi effrayer et l’éloigner de la piste.
Moteur/boîte
Premier point rassurant, le long capot abrite bien un 6 cylindres en ligne posé sur l’essieu avant et cerné de barres antirapprochement. Il faut dire que le bestiau de 3 litres délivre 510 ch en Competition (480 ch en standard). Il reçoit l’aide de deux assistances respiratoires, qui s’occupent chacune de trois cylindres et compriment l’air à hauteur de 0,7 bar maxi. Cette configuration n’est pas exclusive à l’icône et ce sont des SUV qui en ont eu les honneurs (X3 et X4M) ! BMW M innove en utilisant l’impression 3D pour une partie de la culasse, afin de l’alléger et de mieux intégrer les conduits de refroidissement. En parlant de refroidissement, il est juste ahurissant et comprend cinq radiateurs d’eau, deux d’huile (moteur et boîte), plus le condensateur pour la clim. Quant à l’échappement actif, il cache un énorme silencieux et un incontournable filtre à particules. Rassurez-vous, la sonorité est loin d’être étouffée ! Le caisson de basses claironne lorsque les vannes s’ouvrent (indépendamment des modes de conduite). Bonne nouvelle, l’échappement n’écrase pas la tonalité métallique typique, soignée mais pas aussi prenante qu’à bord d’une M2 CS. Ce six pattes ronfle fort et évite de lisser les montées en régime. Il assène une droite à 3 000 tr/mn et pète la forme jusqu’à 7 200 tr/mn. Il aurait mérité de grimper plus haut et d’exulter, pour perpétuer la tradition du haut régime.
Celle du précieux levier en prend aussi pour son grade en France, alors qu’il existe et est associé à la configuration 480 ch. Les clients de l’Hexagone doivent composer avec la boîte auto, seule transmission couplée à la Competition. Si cette ZF à 8 rapports n’a pas la niaque d’une double embrayage, elle s’en sort bien et se fait oublier. C’est l’essentiel. Elle fait preuve de douceur en normal, s’énerve un peu en Sport et devient plus rapide en Sport+, en ajoutant des à-coups. Elle se pilote depuis les palettes au volant (carbone en option) ou le levier (+ vers le bas). Étant donné le nombre de rapports, l’étagement des quatre premiers est relativement court. Ce qui devrait payer à l’accélération, comme nous allons le vérifier sur notre gigantesque ligne droite de Lurcy-Lévis.
Performances
Le cœur balance. D’un côté, cette génération rassure par sa fougue, qui a le mérite de ne pas partir en fumée et qui s’appuie ici sur des semi-slicks. De l’autre, elle refroidit par sa masse, annoncée à 145 kg de plus qu’une F80 Pack Competition DKG (450 ch) ! La balance de notre partenaire W-Autosport confirme ce surpoids : 1 733 kg, soit 16 kg de plus que la M4. Nicolas chauffe les gommes avec des reprises en Drive, décoiffantes : 5’’2 de 80 à 150 km/h et 6’’3 de 140 à 200 km/h. Des temps dignes d’une R8 RWD ! Tiens donc, est-ce qu’elle lui tient tête aussi à l’accélération ? Encore faut-il dénicher la procédure de lancement. Elle nécessite de désactiver le correcteur de trajectoire (DSC), de mettre la boîte en manuel 3, de freiner et d’accélérer. Le régime se cale à 2 500 tr/mn. Et surprise, le deuxième rapport s’enclenche automatiquement. Voilà son secret pour décoller sans débordement tout en évitant de toucher aux rapports de boîte et de pont. Économique et efficace. BMW M annonce un surréaliste 3’’9 de 0 à 100 km/h. Nous relevons 4’’0. Chapeau. C’est aussi bien que la R8 citée plus haut et une demi-seconde de mieux que l’ancienne M3 pack Competition. Ensuite, la berline franchit le 1 000 m à 254 km/h, au bout de 21’’2. La R8 la coiffe au poteau : 21’’0. La 992 Carrera S maintient la distance : 20’’7. La concurrente Giulia QV est larguée, alors qu’elle délivre la même puissance et pèserait un quintal de moins : 22’’0. La M3 F80, elle, se fait distancer d’une seconde, et la M4 GTS (500 ch) enrage en lui concédant 0’’3. La G80 remet les pendules à l’heure et marche aussi fort qu’une RS6 Avant. Moralité, elle risque de vexer beaucoup de monde aux péages.
Et sur les autobahns ? Idem, si elle opte pour le pack M Driver comprenant un stage de pilotage et une bride repoussée de 250 à 290 km/h. L’aînée s’arrêtait à 280 km/h, comme l’actuelle RS4 Avant. Une concurrente optimiste revendique toutefois “Mach 3” : la Giulia QV, annoncée à 307 km/h ! Bref, cette génération assure côté performances. Nous n’en doutions pas un instant. Espérons qu’elle n’en oublie pas pour autant sa fonction première de “daily” familial.
Sur la route
Autour de nos bases, les petites virées peuvent vite atteindre les contreforts du Morvan. La promenade débute à un rythme de sénateur, soulignant le confort de cette génération. Les bruits ambiants restent discrets, bien que ceux de roulement soient accentués par les pneus semi-slicks. Cette monte accroît le feeling de direction, variable selon les modes, mais aussi le guidonnage, cette tendance à épouser le relief. Il faut dire aussi que le carrossage du train avant McPherson (et triangles alu) est généreux. La berline s’avère proche du coupé en matière de filtrage de suspension. L’efficacité est probante et les amortisseurs pilotés électro-magnétiquement (de série) restent conciliants y compris en Sport+.
Cet effort est quelque peu entaché par la fermeté des baquets optionnels (4 550 €), comprenant des coques en carbone et une futile séparation à l’entrejambe. En augmentant le rythme, on n’a pas l’impression d’avoir 1,7 tonne entre les mains. Sans être éradiqués, les mouvements parasites sont bien gérés en Sport+. L’allusion aux modes de conduite revient souvent mais, désolé, ils sont nombreux et incontournables. Accrochez-vous, vous pouvez moduler les gestions moteur (3 cartographies), boîte (3 autos et 3 manuels), suspension (3 tarages), direction (2 densités), freins (2 assistances), échappement (clapets ouverts/fermés), correcteur de trajectoire DSC (3 niveaux) et antipatinage sur 10 positions (si DSC off). Heureusement, le conducteur/metteur au point peut configurer ses choix préférés (M1 et M2), commutables depuis le volant. Quoi qu’il en soit, il prend vite la mesure de l’efficacité de cette GT déguisée en familiale, dotée d’un solide train avant et d’un arrière qui accompagne gentiment… À moins d’abuser de lui à l’aide des gaz. Ça y est, ça dérape… Il est grand temps d’aller à Magny-Cours.
Sur la piste
Les conditions sont idéales : 15 °C, faible vent, semi-slicks et plaquettes de freins à peine rodés. Précisons que notre modèle d’essai conserve le dispositif acier de série, qui a résisté à notre batterie de tests en prenant soin de le refroidir… Pas sûr qu’il tienne toute une journée de trackday. Contrairement à la M4 testée dans le numéro précédent (avec option carbone/céramique), le répondant à la pédale devient percutant en Sport (assistance réglable). Au placement, le train avant s’accroche sacrément, limite trop pour jouer avec l’équilibre de propulsion. Il faut en rajouter et le saturer pour que l’arrière se remue… à l’aide des gaz ! Il reste insensible au freinage dégressif. Cela permet de rentrer fort, puis il faut doser les gaz ou ajuster l’antipatinage (si DSC off), bien ficelé. Le surcroît de grip attendu de la part des Cup 2 n’est pas frappant. L’étagement court de la boîte 8 oblige la plupart du temps à évoluer sur le rapport supérieur en courbe.
Même si cette génération fait son maximum pour camoufler ses rondeurs, elle le paye dans nos longs pièges : double droit et rayon constant. Du coup, sa capacité à surpasser l’illustre M4 CS chaussée de Cup 2 devient douteuse. D’autant que les gommes chauffent vite et obligent à revoir les pressions. Nicolas rentre aux stands, en sueur après deux sessions musclées : « C’est une vraie M, on se bat au volant ! Dans le rayon constant, elle embarque et sous-vire en raison de son poids. On perd des dixièmes par rapport à une M4 CS. Il n’y a pas une grosse attaque au niveau des freins. En revanche, je reconnaîtrais le feeling d’une M3 même les yeux fermés ! ». Tous ces efforts se soldent par un tour bouclé en 1’21’’63 ! Elle se situe ainsi à mi-chemin entre les aînées M4 CS (1’20’’72 en Cup 2) et M3 pack Competition (1’22’’90). Dans notre classement, elle côtoie des pointures comme la 991 Carrera 4 GTS ou la Shelby GT350R ! Le souci est que cela ne dure pas longtemps. Les gommes sont martyrisées et l’efficacité chute après une dizaine de tours. Imaginez sans les semi-slicks ? Avec l’expérience de la M4 CS et de nombreux autres modèles, le gain est estimé à 2’’0 au tour. Ce qui relègue la petite nouvelle derrière son aînée !
L’autre problème vient de la capacité du réservoir (59 l), limitant l’autonomie en usage circuit. Bref, on ne devrait pas beaucoup voir cette génération sur des trackdays. Pour achever les gommes, nous ne pouvions nous empêcher de tester l’analyseur de drift (de série) indiquant la durée, l’angle et la distance des glisses. Malgré les gommes fatiguées, il faut y mettre du panache. Cette lourde propu’ nécessite de la vitesse, de surbraquer et de transformer aux gaz l’amorce de sous-virage en survirage. Puis il ne faut pas hésiter à garder un bel angle de dérive. Malgré le nuage de fumée et la banane au volant, le jackpot des cinq étoiles n’est pas décroché… Vexant. L’envie de persévérer démange, quitte à finir sur les jantes, mais il reste 270 km à cette drifteuse avant de regagner ses pénates. Ce jeu, pardon cet outil, n’est pas à mettre entre toutes les mains !