Y a-t-il eu Ferrari plus belle que la Dino ? Chacun a ses préférées, mais en termes de dessin, je peine à en trouver une qui la surpasse.
Ce qui n’était pas vraiment le cas car, comme on le sait, la petite Ferrari n’a pas été vendue comme une Ferrari mais comme le premier produit de la « sous-marque » Dino et à un prix considérablement plus bas que celui des berlinetta au traditionnel moteur V12. Son objectif assumé était de marcher sur les plates-bandes de la Porsche 911.
Son évolution
L’ensemble, sublimé par les magnifiques lignes Pininfarina, était absolument parfait
En 1969, la 206 a été remplacée par la 246 avec une carrosserie en acier un peu plus lourde (pour abaisser les coûts) et un moteur 2,4 litres considérablement plus coupleux. Les chiffres de 195 ch et 225 Nm n’ont rien de fulgurant aujourd’hui, mais ils donnaient des performances décentes à la Dino (0 à 100 km/h en 7”3 et 235 km/h) et, surtout, des capacités en courbe et de freinage à l’unisson. L’ensemble, sublimé par les magnifiques lignes Pininfarina, était absolument parfait.

Les clients en ont pensé autant. Entre 1969 et 1974, le coupé 246 GT s’est vendu à 2 487 exemplaires. La GTS (S pour Spider), avec son panneau de toit targa amovible, est arrivée en 1972 et il s’en est vendu 1 274 exemplaires de plus. À l’époque, la Dino était de loin la Ferrari la plus produite. Elle a également planté la graine de toute une lignée de petites Ferrari qui s’étend sur plus de cinq décennies, jusqu’à la 296 GTB actuelle. Si elle n’a jamais été badgée Ferrari à l’époque, elle a depuis longtemps été acceptée comme étant l’une des meilleures voitures jamais assemblées par la marque.
Sa cote

Avec son apparence intemporelle, elle est assurée d’une solide cote aujourd’hui. Attendez-vous à payer plus de 350 000 euros pour une bonne 246 GT, peut-être jusqu’à 450 000 euros pour les meilleures, et il y a peu de différence en termes de prix entre les GT et les GTS : c’est purement une question de préférences. Dites-vous aussi qu’une Dino 206 est encore plus chère. La 246 a constamment été améliorée durant son cycle de vie, il y a donc une myriade de petites différences d’une année sur l’autre. Généralement, plus une voiture est tardive, meilleure elle est, même si certains préfèrent la « pureté » des premières.

On trouve parfois des références à des Dino aux spécifications « chairs & flares ». Il s’agit des modèles tardifs équipés des sièges optionnels type Daytona (chairs) et des passages de roues élargis (flares) pour recouvrir les plus grosses roues de 7,5 pouces. Moins de 200 autos ont reçu, neuves, ces deux options et cette rareté peut ajouter 50 000 euros à leur valeur.
Après le krach du début des années 90, il était possible de trouver une Dino décente à moins de 50000 euros
Il n’en a pas toujours été ainsi. Après le krach du marché des voitures de collection du début des années 90, il était tout à fait possible de trouver une Dino décente à moins de 50 000 euros, alors que les exemplaires les plus médiocres faisaient l’objet de piètres restaurations à base de beaucoup de mastic et d’un voile de Rosso Corsa. Si un moteur devait être reconstruit, il était souvent remplacé par un bloc fonctionnel tiré d’une Fiat Dino qui partageait le même V6 2,4 l.
Que surveiller en vue d’un achat ?
Châssis
Ces « bricolages d’époque » signifient qu’il faut vraiment être attentif au moment de la prospection. Évidemment, un certificat Classiche est une référence et, comme les prix ont commencé à atteindre de sérieux niveaux, de plus en plus d’exemplaires en sont désormais pourvus. Mais les clubs, différents registres et un bon nombre de spécialistes indépendants sont là pour vous aider à déterminer si la Dino qui vous fait de l’œil est bien la voiture qu’elle prétend être.
Même si une voiture est matching numbers, dispose d’un historique d’entretien complet et apparaît saine, il est important de vérifier si le travail a été fait aux meilleurs standards, sinon tout pourrait être à refaire, et une restauration chez un bon spécialiste Ferrari peut coûter 200 000 euros. Vu que la plus grosse partie de cette somme risque de concerner la carrosserie et la structure, c’est là qu’il faut se concentrer en premier.
Contrairement aux 206 à coque alu, les 246 étaient quasiment entièrement réalisées en acier, y compris pour la poutre tubulaire de section ovale et ses traverses, revêtues de panneaux en acier pressé qui sont soudés au cadre. Alors, quels en sont les points faibles ? « Pour être honnête, tout est un point faible potentiel », rigole Russell Smith, le responsable de l’entretien chez Bob Houghton Ltd, « mais je commencerais par regarder les bas de caisse. Même si elle a un châssis séparé, les bas de caisse sont une pièce fondamentale de la voiture et ils ont une furieuse tendance à rouiller. Les trous de drainage se remplissent de saletés, l’eau s’accumule et ils pourrissent de l’intérieur, donc à moins d’être régulièrement traités avec une cire de protection, ils tendent à être vulnérables. Pour bien faire les choses, il faut découper la paroi extérieure, poser du métal neuf à l’intérieur et refaire l’extérieur des bas de caisse par-dessus. Une autre zone à surveiller est le panneau arrière, sous le pare-chocs, car il n’y a rien qui empêche l’eau et la saleté d’y entrer et d’y stagner. Des renforts métalliques relient le dessous de la carrosserie au châssis et ils peuvent tout simplement pourrir. Dans certains cas, il n’en reste plus rien… »
Des voitures mal restaurées apparaissent toujours occasionnellement sur le marché. « Il y en avait une aux enchères, il y a quelques années, qui était affreuse. Les espaces entre tous les ouvrants devraient être beaux et réguliers : bien qu’elle ait été produite en grands volumes, ces espaces étaient en fait assez bien réalisés. Et les portes ne devraient pas s’affaisser : elles doivent se fermer proprement. »
Une bonne façon de voir si une voiture a été bien restaurée est de regarder la ligne de caisse centrale qui traverse les portes et les ailes : elle doit être propre et précise, parfaitement droite. Elle est souvent moins bien définie sur les carrosseries mastiquées. Le bas des portières est une autre zone qui tend à rouiller et à être mastiqué, car l’humidité s’y accumule. « Utiliser un aimant est une bonne façon de détecter le mastic. Une voiture qui a été proprement restaurée ne devrait pas rencontrer ce problème car le mauvais métal est découpé et remplacé puis le tout est injecté et couvert avec du Waxoyl ou du Dinitrol. Et puis aujourd’hui, les voitures tendent à ne pas être conduites dans de mauvaises conditions et sur des routes salées en raison de leur valeur. Alors, elles durent beaucoup plus longtemps, si le travail a été bien fait. »
Les GTS, avec leur panneau de toit amovible qui se range derrière les sièges, n’ont pas la même rigidité structurelle, alors il faut s’attendre à quelques grincements et craquements bizarres (et à des fuites sous les grosses pluies).
Moteur
Le moteur V6 (bloc fonte sur la 246, alors que celui de la 206 est tout alu) est généralement solide. « Il faut surveiller les points habituels : fumées d’huile, fonctionnement irrégulier qui peut indiquer une usure excessive et des compressions basses, mais ce n’est pas pire que sur d’autres moteurs comparables. Écoutez également les bruits de cliquetis : les écartements de soupapes n’ont souvent pas été régulièrement vérifiés. Si elles tapent contre les cales des poussoirs, cela peut aboutir à des arbres à cames grippés, des chaînes cassées et toutes sortes de problèmes. Ils devraient être contrôlés au minimum tous les 20 000 km. Et vérifiez les fuites d’huile, particulièrement celles aux culasses qui peuvent entraîner une réfection moteur. Les moteurs étaient assemblés avec des soupapes au sodium, et certains trouvent qu’elles peuvent casser avec l’âge, même si je n’ai jamais vu ça. Résultat, certains propriétaires qui ont refait leurs moteurs ont installé des soupapes classiques. »
L’entretien annuel comprend la vidange d’huile avec le filtre, le liquide de freins et le nettoyage de ceux-ci, une révision complète et tous les points de graissage et de lubrification. La facture est d’environ 1 200 euros, et environ 2 000 euros pour la grande révision à prévoir tous les trois ans, avec les bougies, les filtres à air, l’huile de boîte et de nombreux autres points. Il n’y a pas de courroies sur le V6 Dino, et si jamais les chaînes ont besoin d’attention, leur bruit vous le fera savoir.
Boîte
La boîte est raisonnablement robuste : les synchros de seconde sont le point faible le plus fréquent, alors vérifiez si les passages sont propres une fois l’huile chaude. Changer l’embrayage est moins compliqué que sur certaines autres voitures, la position transversale du moteur permettant d’y accéder assez facilement par les passages de roues.
La disponibilité des pièces est très bonne. Absolument tout, des composants du moteur à la transmission, en passant par les panneaux de carrosserie, les vitres et les pneus Michelin XWX, se trouve facilement chez les fournisseurs spécialisés.
Suspensions

Du côté des suspensions, il faut vérifier tout jeu dans les bagues en Metalastic (légère, la Dino ne fatigue pas trop ses suspensions), les habituels ressorts rouillés et les amortisseurs fatigués. Une bonne Dino doit être un régal à conduire. « Ce sont des voitures très bien conçues, explique Russell. La direction devrait être agréable et douce. Mal réglées, elles peuvent devenir très bancales. Leur beauté se trouve dans l’équilibre entre la puissance, le freinage et le comportement. Nous avons des clients qui les emmènent régulièrement en Italie et parcourent 5 000 km dans toute l’Europe. Il y a également beaucoup d’espace à bord. On s’amuse beaucoup avec une Dino. »
L’un des grands mystères de la vie est de savoir pourquoi Ferrari n’a jamais ressuscité le nom Dino sur un modèle plus compact, plus agile et plus accessible. Mais la rumeur continue de ressurgir à intervalles réguliers…
Ce que la presse en disait à l’époque
Le compte-tours est dans le rouge à 240 km/h, mais heureusement le compteur est caché par le volant (une de mes rares critiques) et j’ai chronométré la voiture à 243 km/h la conscience tranquille. La Dino a les meilleures capacités en courbe que j’aie jamais expérimentées. Elle n’a rien à voir avec une voiture normale, pouvant uniquement être comparée à une auto de course. Elle passe les virages à des vitesses absurdes, la direction donnant les sensations parfaites à tout moment. La Dino ne sous-vire jamais et une glisse très modérée des quatre roues est un avertissement docile de l’approche des limites. Même si c’est une petite voiture, les voies sont assez larges et elle prend les courbes absolument à plat, avec virtuellement pas de roulis. Elle est beaucoup plus confortable qu’attendu et la suspension se joue aussi bien des routes rapides que de celles de campagne. Il y a remarquablement peu de bruits de roulement à l’intérieur et les bruits aérodynamiques sont modérés. Une radio et un lecteur de cassette stéréo équipent la voiture d’essai, mais je ne les ai jamais essayés parce que je voulais profiter de la musique qui se joue derrière moi. La Ferrari Dino 246 GT est l’une des voitures les plus sportives du marché, mais c’est aussi une GT deux places véritablement pratique pour faire les courses ou aller au bureau. Pour celui qui a plusieurs voitures, sa finition et le traitement intérieur rivaliseront avec sa Rolls-Royce. Elle peut paraître coûteuse mais, croyez-moi, vous pouvez payer beaucoup plus sans en avoir autant pour votre argent. »
John Bolster, Autosport, 20 mai 1971
Fiche technique

Dino 246 GT
MOTEUR V6, 2 418 cm3
PUISSANCE 195 ch à 7 600 tr/min
COUPLE 225 Nm à 5 500 tr/min
TRANSMISSION Manuelle à 5 rapports, propulsion
SUSPENSIONS Av et Ar : triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques, barres antiroulis
DIRECTION Crémaillère
FREINS Disques ventilés. Av : 274 mm, Ar : 240 mm
JANTES 6.5 x 14”
PNEUS 205/70 VR14
POIDS 1 186 kg
RAPPORT POIDS/PUISSANCE 6,08 kg/ch
0 À 100 KM/H 7”3 (annoncé)
VITESSE MAXI 235 km/h (annoncée)
PRIX NEUF 74 900 francs en 1973 (73 000 euros de 2022)
COTE 2023 > 350 000 euros