Présentation
Lorsque Ferrari a présenté la 456 GT à Bruxelles en 1992, à l’occasion des célébrations des 40 ans de l’Écurie Francorchamps, il n’y avait plus de modèle V12 à quatre places dans la gamme du constructeur depuis 1989 et l’arrêt de la 412, dont les origines remontaient à 1972. Et si les lignes de la nouvelle venue, modernes mais évocatrices d’un glorieux passé, nous ont tous marqués (qui n’a pas eu sa 456 GT Burago bleu nuit au 1/18e ?), on a oublié le saut quantique que la voiture représentait alors à Maranello (voir notre fiche Collection).
Quand la 456 GT est apparue, le catalogue de Ferrari se limitait aux Mondial, 512 TR et 348 TR : deux modèles en fin de vie et un autre mal-aimé. Le marché des voitures de luxe était en train de s’effondrer suite à une crise financière globale et il était primordial pour le constructeur de se renouveler avec des produits modernes, à la qualité accrue.
Innovante
La 456 GT était certes toujours assemblée autour d’une carrosserie en aluminium posée sur un châssis cadre en acier (alors que la 348 inaugurait la monocoque), elle apportait de nombreuses premières pour Ferrari : une direction à assistance variable asservie à la vitesse, des amortisseurs électroniques (inédits sur une Ferrari V12), une transmission manuelle à 6 rapports (accolée au pont), une aérodynamique active avec un petit spoiler se déployant sous le bouclier arrière et aussi un tout nouveau V12 à l’angle d’ouverture inédit de 65°. Un angle qui s’explique par son origine : le V12 Typo 116 dérivait du V8 « Dino » de la 348 dont il reprenait également la course de 75 mm, mais avec un alésage porté à 88 mm, pour une cylindrée totale de 5 473,91 cm3. Avec 442 ch, c’était alors la Ferrari de route la plus puissante (hors modèles spéciaux) et sa vitesse de pointe supérieure à 300 km/h en faisait la quatre places la plus rapide au monde.
On a oublié le saut quantique que la 456 GT représentait pour Ferrari en 1992
Évolutions
Les premières évolutions sont apparues en 1995 avec le montage d’un airbag et donc d’un nouveau volant à quatre branches au lieu de trois, mais surtout en 1996 avec le remplacement de la gestion moteur Motronic M2.7 par la M5.2. Au même moment l’assemblage de la carrosserie passait de Pininfarina à Ferrari, après 1 435 exemplaires produits.
1996 était également l’année du lancement de la 456 GTA, une variante à boîte automatique à 4 rapports qui va alors accaparer 70 % du marché. Réalisée par Ricardo autour de composants GM, il s’agissait de la dernière boîte à convertisseur de couple montée sur une Ferrari.
Si les ventes de la 456 GT ont démarré en fanfare, il est rapidement apparu que la voiture souffrait de nombreux défauts (nous allons y revenir) et la production fut même un temps interrompue pour apporter quelques correctifs.
En 1998, Ferrari proposa une version 456 GT M (pour Modificata) qui, si elle s’apparentait à un simple restylage (calandre plus large intégrant deux antibrouillards ronds) sans aucune évolution mécanique, apportait en réalité un tout nouvel habitacle et une qualité de fabrication en nette hausse.
2002 voyait l’apparition d’une version spéciale Scaglietti de la 456 M, (le programme de personnalisation Ferrari portait alors ce nom), à la carrosserie bicolore s’inspirant d’un modèle réalisé pour Michael Schumacher : il en fut réalisé 10 en boîte mécanique et 20 en automatique. La production s’arrêta en 2004 avec l’arrivée de la 612 Scaglietti. Au total 1 548 exemplaires de 456 GT ont été assemblés, 403 de 456 GTA, 688 de 456M GT et 650 de 456 M GTA.
À noter qu’une série de voitures spéciales a été réalisée par Pininfarina pour le Sultan de Brunei en 1995 : au moins trois 456 GT Saloon à 4 portes, cinq 456 GT Venice break à 5 portes et deux 456 GT Spyder. Straman a réalisé trois conversions de 456 GT en cabriolets et une voiture a été transformée avec un toit targa à la demande du basketteur Shaquille O’Neal.
Fiabilité
Voilà pour l’historique, mais si vous souhaitez sauter le pas, la question que vous vous posez est sans doute celle de sa fiabilité. « La 456 GT est une très belle et très bonne voiture, commence Philippe Gardette d’Auvergne Moteurs, sauf qu’en vieillissant, on lui a découvert beaucoup d’imperfections. La première ce sont les joints de portes et les vitres électriques. Les GT et M GT sont touchées, mais sur les GT, c’est… une horreur ! D’autant plus que pour le moment les joints sont indisponibles. Le mécanisme des vitres prend du jeu, les vitres ferment mal, on se retrouve avec des prises d’air et de l’eau qui rentre… Il existe des correctifs, mais il faut compter entre 15 et 20 heures de travail par porte. Imaginez chez un spécialiste qui demande plus de 200 euros de l’heure de main-d’œuvre… Et le risque est réel de casser une vitre durant l’opération. »
Le boîtier électrique des vitres est également farceur et, ce qui n’arrange rien à l’affaire, c’est qu’en plus d’avoir un système qui entrouvre et referme la vitre lorsqu’on manipule la portière (vérifiez son bon fonctionnement), la 456 y ajoute un système asservi à la vitesse qui pousse la vitre dans les joints à environ 130 km/h pour améliorer l’étanchéité.
En règle générale, toute l’électricité est à vérifier soigneusement : à commencer par tous les réglages des sièges qui ont tendance à se bloquer, ou le bon fonctionnement des fragiles phares escamotables dont les moteurs sont introuvables.
« L’autre problème c’est la consommation d’huile provoquée par l’usure des guides de soupapes qui sont très onéreux à remplacer. » Là encore des correctifs ont été apportés.
« Autre point faible : la pompe à essence montée dans le réservoir sur des caoutchoucs anti-vibrations qui se dissolvent avec l’essence moderne, se transformant en une pâte gluante qui passe dans le circuit d’essence, en bouchant les filtres, pompes et injecteurs. C’est indétectable, et seules les factures d’entretien vous diront si cela a été réparé. Si ça n’a pas été fait, il faut impérativement s’en occuper, même sur une voiture très peu kilométrée. »
D’autres problèmes potentiels ? Les silentblocs moteurs s’usent et peuvent entraîner la casse du capteur de pression d’huile avec toutes les conséquences que cela peut engendrer, les amortisseurs arrière à correcteur d’assiette fuient régulièrement, les durites de refroidissement au centre du V sont fragiles, tout comme les joints des collecteurs…
« Et puis il y a le grand problème des plastiques collants à l’intérieur. Cela se corrige, mais il faut démonter tous les éléments touchés, et il y en a beaucoup ». Un souci qui semble concerner plus la M GT que les premières 456.
Des bonnes nouvelles ? Il y en a. Le moteur est entraîné par une courroie qui ne demande pas de le déposer pour être changée (tous les 3 ans ou 50 000 km, pensez à vérifier l’écartement des soupapes au même intervalle), les amortisseurs se reconstruisent pour limiter les coûts, et de nombreuses pièces de la suspension, y compris l’électronique, sont communes à d’autres constructeurs et bien moins chères chez eux…
Une 456 sans dossier, sans facture ni expertise ? Laissez-la où elle est !
« Certains défauts de la 456 GT se corrigent, d’autres reviendront avec le temps, mais le plus important c’est d’éplucher le dossier de la voiture, prévient Philippe Gardette. Et c’est d’autant plus vrai sur une 456 : imaginez sur une voiture achetée 60 000 euros que vous rencontriez tous ces problèmes. Vous serez bon pour 20 000 à 30 000 euros de factures en plus. Une 456 sans dossier, sans facture ni expertise ? Laissez-la où elle est ! » Et inspecter le dossier des factures est également une bonne façon de vérifier qu’une voiture n’est pas affectée par un problème récurrent.
Conseils d’achat, valeur
Au garage Dino Sport, le son de cloche est le même : « Nous recommandons d’acheter une M GT, indique Simon Chevallier. C’est une voiture relativement menue, surtout en comparaison avec la 612 Scaglietti qui la remplace. Et je préfère la conduire à une 550 : la 456 est beaucoup plus confortable, avec de meilleurs sièges ». Sans langue de bois, Dino Chevallier poursuit : « Attention, tout ne se fiabilise pas sur une 456 GT, et les pièces des M GT ne se montent pas sur les premières voitures. Nous préférons ne pas proposer de 456 GT à la vente à nos clients, quant aux GTA… Disons que les boîtes automatiques, ce n’est pas la spécialité de Ferrari… ».
Malgré ses défauts, la 456 reste un modèle apprécié et recherché : les amateurs n’ont visiblement pas oublié à quel point elle apparaissait comme remarquable à son lancement, et sa désirabilité ne semble pas s’être émoussée, d’autant plus qu’elle fait partie des Ferrari les plus abordables.
Pour Gonzague Ruchaud, d’Eleven Cars, « La cote d’une 456 GT à boîte mécanique évolue entre 55 000 et 75 000 euros, en fonction de kilométrage, alors qu’une 456 M GT demandera plutôt entre 65 000 et 85 000 euros. Comptez 15 % de moins pour les GTA à boîte automatique correspondantes ».
Il confirme également la forte activité autour des 456 : « Le marché est plutôt actif sur les petits prix bien suivis. Nous avons vendu en 48 heures une 456 GT avec 78 000 km pour 55 000 euros. »
Les 456 ne sont pas rares aux enchères, avec des voitures à tous les prix, aussi bien en dessous que très au-dessus de ces fourchettes : les 138 000 euros réalisés par RM Sotheby’s à Monaco le 14 mai 2022 pour la 456 GT de 1995 livrée neuve à Sergio Pininfarina, directement par l’usine, sont représentatifs d’un historique exceptionnel. Mais les 179 200 dollars réalisés par une 456 M GT en août 2021 à Monterey (RM, toujours), soit 152 700 euros, laissent plus dubitatifs. 9 000 km au compteur et une révision complète ne justifient pas un tarif aussi délirant. La maison de ventes a beaucoup insisté sur la présence d’une transmission manuelle, qui n’a pourtant rien d’exceptionnel sur cette auto, et l’on peut se demander à quel point une méconnaissance du modèle de la part des enchérisseurs américains a pu aboutir à ce prix. Après tout, le travail d’une maison de ventes est de rendre les vendeurs heureux et sur ce point la mission a été plus qu’accomplie.
Vous connaissez maintenant le juste prix, mais aussi l’importance de bien se renseigner avant d’acheter : c’est vrai pour toutes les Ferrari, et encore plus pour les 456. Tout comme le dernier conseil que nous glisse Philippe Gardette : « Mieux vaut ne pas acheter, que mal acheter ! ».
Ce que la presse en disait à l’époque
L’une des plus grandes surprises de la 456 est sa boîte de vitesses. Habituellement, les muscles se tendent à la seule vue d’un levier de vitesse Ferrari, mais dans ce cas, la première vitesse est sélectionnée d’une pichenette d’une douceur inhabituelle. Les cinq autres rapports se trouvent avec la même précision. La direction Servotronic à taux variable vous permet de placer la voiture sur la ligne que vous avez choisie avec facilité. Passez les amortisseurs sur le réglage « sport » et tout transfert de poids soudain est facilement absorbé. Vous n’avez tout simplement pas besoin de force brute pour conduire la 456 GT rapidement, mais un certain degré de vigueur est nécessaire si vous voulez exploiter tout son potentiel.
Malgré sa vocation de GT confortable et son gabarit imposant, il est toujours possible de traverser le pays à toute allure, même si la route est tortueuse. Elle est un peu plus facile à conduire que la 512 TR à moteur central, et on a vraiment l’impression que la nouvelle 2+2 serait capable de donner du fil à retordre à la remplaçante de la Testarossa dans un combat direct. Motor Sport, août 1993
Fiche technique
456 GT (M GT)
MOTEUR V8, 5 474 cm3
PUISSANCE 442 ch à 6 250 tr/min
COUPLE 550 Nm à 4 500 tr/min
TRANSMISSION Manuelle à 6 rapports ou automatique à 4 rapports, autobloquant
SUSPENSION Av et Ar : triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques, barre antiroulis (assiette constante à l’AR sur M GT)
DIRECTION Crémaillère à assistance hydraulique
FREINS Disques ventilés, Av : 330 mm, Ar : 310 mm, ABS
PNEUS Av : 225/45 ZR17 (255/45 ZR17), Ar : 285/40 ZR17
POIDS 1 690 kg à sec
RAPPORT POIDS/PUISSANCE 3,82 kg/ch
0 À 100 km/h 5”2
VITESSE MAXI 300 km/h
PRODUCTION 1992-98 (1998-2003), 1 951 exemplaires (1 343 ex.)
COTE ACTUELLE 65 000 euros (75 000 euros)