À quel point faut-il être puriste pour être accepté dans LE club ? Est-ce important si vous n’adhérez pas à certaines règles probablement définies par un groupe de personnes un peu obtuses que vous n’avez jamais rencontrées et dont l’opinion n’a de toute façon guère d’importance ?
Quoi que vous diront les puristes, les règles sont faites pour être bafouées et en ce qui nous concerne ici, la Dakar, qui sera forcément une hérésie pour beaucoup, est sans nul doute la 911 la plus intrigante de ces trente dernières années.
Réfléchissez à ceci. Depuis que le Dr Ulrich Bez a réinventé la 964 pour la transformer en 993 il y a plus de trente ans, Porsche a conçu ses 911 comme une sportive aux talents multiples dont l’extraordinaire éventail de versions doit convenir à une large palette de clients, et ce, sans jamais lui faire perdre sa crédibilité. Vous voulez un monstre pour le circuit ? Achetez une GT3. Vous voulez un monstre pour le circuit avec une aéro de monoplace ? Achetez une GT3 RS. Vous voulez une GT magistrale encore plus dévastatrice en ligne droite que la GT3 ? Achetez une Turbo S.
La philosophie Dakar

Et il en va ainsi avec tous les modèles jusqu’à la dernière Carrera T en passant par la Carrera de base tout aussi convaincante. La gamme 911 actuelle est si large qu’elle peut laisser sans voix mais cela n’a pas empêché Porsche d’aller encore plus loin en introduisant la très polyvalente 911 Dakar.
Il s’agit d’une 911 qui reprend la configuration de la GTS (moteur, boîte, 4 roues directrices et motrices ainsi qu’architecture de suspension) que l’on a rendue capable de s’exprimer dans le désert ou sur les chemins de montagne. Elle est également à l’aise sur la terre et pourrait même plaire aux fanatiques de rallyes.
Mais tout cela fait-il de la Dakar une hérétique ? Ou est-ce simplement une autre pièce du puzzle commercial de Porsche qui va encore servir à gonfler ses revenus ?
Porsche affirme que sa 911 Dakar peut suivre un Cayenne à peu près partout
La réponse se situe un peu entre les deux. Car même si la Dakar ressemble à un opportuniste objet marketing puisque Porsche en a limité sa production à 2 500 exemplaires (ce qui leur garantit de créer une ruée des clients disposant de 226 689 euros avant options et malus), c’est également une auto sacrément brillante à conduire. Une auto qui transpire la 911 par tous ses pores, même si vous y êtes assis un peu plus haut que d’habitude. Ceci lui offre des capacités tout-terrain très étonnantes, si bien que Porsche a précisé qu’elle pouvait suivre un Cayenne à peu près partout. Impressionnant, et même un peu effrayant quand vous en faites l’expérience pour la première fois au milieu du Sahara.
Si l’on met de côté le 718 4 cylindres, il est vrai que Porsche n’a plus réalisé de faux pas depuis 10 ou 15 ans. Et la Dakar ne fait rien pour faire mentir cette observation. C’est un excellent ajout à l’incomparable gamme actuelle même si pour cela, il faut pouvoir regarder au-delà du fait que certaines des personnes qui vont l’acquérir ont sans doute plus d’argent que de sens commun.
Quelles différences ?
Alors, qu’a-t-on pour 230 000 euros et en quoi la Dakar diffère de la GTS sur laquelle elle est basée ? La première chose est que si vous optez pour le pack Rallye Design (la livrée de l’originale 911
du Dakar 1984) il faudra ajouter 26 280 euros à son prix de base ! Si vous voulez une idée de quel type de clients achète cette auto (ou a acheté puisque les 2 500 exemplaires sont déjà vendus), sachez que 70 % d’entre eux ont choisi une décoration complète.
Au-delà de ça, la Dakar adopte une garde au sol relevée de 50 mm par rapport à la GTS, hauteur qui peut encore être augmentée électroniquement de 30 mm supplémentaires. Les angles d’attaque et de sortie sont identiques au Cayenne, ce qui signifie qu’elle peut franchir les mêmes obstacles.
Bien que sa suspension reste fondamentalement la même que celle d’une GTS avec ses pseudos McPherson avant et son multibras (5) arrière, les ressorts sont plus longs et plus souples tandis que les amortisseurs sont plus costauds et disposent d’un réglage spécifique (ils restent réglables via le PASM mais avec de nouveaux modes Rallye ou Offroad à la place de Sport Plus et Individuel).
Sous la voiture, on trouve des panneaux d’acier protégeant la mécanique, les jupes sont également en métal pour les rendre plus résistantes tandis que les vitrages sont plus épais et donc plus robustes. Pour compenser, le capot ultraléger est en carbone tandis que les sièges arrière ont été retirés. Porsche annonce ainsi 1 605 kg, ce qui n’est que 10 kg de plus qu’une Carrera 4 GTS PDK. Impressionnant sachant à quel point elle est plus robuste. Oh, et si vraiment vous voulez vous la jouer René Metge, vous pouvez opter pour un arceau cage et des harnais avec le pack Rallye Sport à 3 528 euros.
De série, la 911 Dakar est équipée de pneus Pirelli Scorpion All Summer Plus en 245/45 R19 à l’avant et 295/40 R20 à l’arrière mais des pneus été, 4 saisons ou hiver ont également été homologués. Sachant que la Dakar a effectué un tour de la boucle nord du Nürburgring en 7’56’’ avec ses pneus de série (et une V-Max limitée à 240 km/h), on peut se demander si les pneus été sont vraiment nécessaires.
À bord

Montez à bord et tout paraît familier. Même compteurs, même instrumentation, même écran central tactile que dans la GTS. Les baquets sont du type de ceux que l’on trouve dans la GT3 et lorsque vous êtes à bord, le bruit des cailloux dans les passages de roue arrière est plus élevé que la normale.
Sur une route classique, la Dakar apparaît raffinée et franchement rapide. Le flat-six 3,0 litres biturbo et sa boîte PDK 8 vitesses offrent la même poussée que dans la GTS. Les 480 ch et 570 Nm de couple suffisent à emmener l’auto de 0 à 100 km/h en 3’’4 et à 160 km/h en 7’’8. La souplesse d’amortissement sur les cinq modes de conduite est inhabituelle (Wet, Normal, Sport, Rallye et Offroad) mais elle dégage plus de caractère que la GTS en grande partie à cause de son insonorisation plus légère. En fait, elle est simplement plus bruyante et ressemble un peu plus à une version old school de la 911, ce qui est fort agréable. La perte de grip due aux pneus tout-terrain ainsi que les bruits de roulement supérieurs qu’ils génèrent ajoutent encore à ce surplus de caractère.

La vitesse de pointe est limitée à 240 km/h du fait de l’augmentation de la garde au sol et du roulis que cela peut engendrer à haute vitesse, cela n’a rien à voir avec un étagement de boîte différent puisqu’il est identique à celui de la GTS. Mais cela n’a aucune importance, car en retour vous profitez d’un amortissement plus souple sur la route et d’un peu plus de bruit mais surtout, vous bénéficiez d’un éventail élargi de possibilités en tout-terrain.
Dans notre cas, cela signifie tourner à gauche à la fin du taxiway de l’aéroport Errachidia au Maroc, pas très loin de la frontière avec l’Algérie, puis filer droit dans le désert pendant deux jours en empruntant parfois les routes du Dakar de 1984 que son aïeule avait remporté.
Lorsque les dunes de sable apparaissent devant vous, cela devient hilarant
Il est vrai que la plupart du temps, on se sent dans une belle opération marketing avec les dix voitures en soutien autour de nos quatre Dakar, plus les points de contrôle de la police locale ainsi qu’une assistance de la part de Pirelli et plusieurs points stop pour se ravitailler en boissons sur le parcours. Mais derrière cette hype, le terrain sur lequel nous roulons durant deux jours est sérieusement vicieux par endroits. Et la Dakar s’y débrouille très bien. Elle trace sa route et lorsque d’énormes dunes de sable apparaissent au loin, cela devient franchement amusant. En fait, c’est même totalement hilarant.
Franchement douée
Pas au point d’inquiéter un Mitsubishi Pajero ou quelque chose du genre mais le terrain est suffisamment compliqué pour qu’un conducteur de Range Rover Sport y réfléchisse à deux fois avant de faire demi-tour ! La 911 Dakar ne va rater aucun obstacle et ne subir aucune crevaison. Si l’on y réfléchit, c’est absolument époustouflant de la part d’une auto capable de claquer un temps sous les 8 minutes sur la Nordschleife avec les mêmes pneus.
Le fait que la GTS soit déjà une excellente auto est un atout. Même les pilotes de développement de Porsche ont été surpris de découvrir ce qu’elle était capable de faire en tout-terrain au début de leur travail d’analyse sur les modifications à lui apporter. Ils pensaient au départ qu’elle tomberait en morceaux mais ce ne fut pas le cas. À la fin, les seules choses qu’ils eurent à faire, c’est relever la garde au sol, protéger les soubassements, allonger ses ressorts, reprogrammer son PASM, coller quelques stickers, réduire la V-max pour être sûr qu’elle ne parte pas en tonneau sur l’autobahn et c’est tout. Les premières études sur ce modèle datent de 2013 mais il fut mis à l’écart car personne ne croyait en son potentiel commercial. Dix ans plus tard, il est devenu réalité.