La Morgan Supersport (détaillée ici) est le nouveau modèle phare de la Morgan Motor Company, fondée il y a 116 ans. Ce genre d’évènement n’arrive pas tous les jours. Elle se présente comme une alternative romantique à des engins allant des Porsche Cayman et Boxster GTS 4.0 à la 911, en passant par la Lotus Emira. Elle remplace également indirectement la Plus Six, dont la production a cessé en mars 2025. Indirectement, car en termes de positionnement, la Supersport se situe quelque part entre la Plus Six (avec laquelle elle partage le 6 en ligne BMW B58 3 litres turbo) et l’ancienne série Aero 8. Son prix est certainement celui d’un modèle image puisqu’il est de 85 000 £ hors taxes, soit 99 000 euros HT, ce qui nous donne un tarif TTC d’environ 120 000 euros. Avec un tel tarif, elle suit les traces des différents modèles de la série Aero 8 qui franchissait la barre des six chiffres dans le passé.
Esthétiquement, c’est l’une des Morgan les plus avant-gardistes à ce jour. Alors que la Plus Six aurait pu sortir de n’importe quelle décennie de la seconde moitié du XXe siècle, le style de la Supersport est beaucoup plus contemporain. Néanmoins, on reconnaît immédiatement qu’il s’agit d’une sportive de Malvern, elle ne peut être qu’une Morgan. C’est également l’une des Morgan les plus pratiques à ce jour, avec un chargeur de téléphone sans fil, le Bluetooth et, plus prosaïquement, c’est la première Morgan depuis plus de 10 ans à disposer d’un coffre, juste assez grand pour y ranger les vitres latérales. Plus besoin de les laisser à la maison ou de les cacher dans la voiture d’un ami.
Un châssis amélioré
Avec des améliorations considérables de la direction et de la suspension, elle promet également d’offrir un comportement plus moderne. La Supersport est construite autour d’une structure en aluminium collé avec une suspension à double triangulation aux 4 coins. Il s’agit d’une évolution de la plateforme CX lancée en 2019, utilisée à la fois pour la Plus Six et la Plus Four à quatre cylindres (qui continue elle d’être produite).
La plateforme CX (dont le nom fait référence au 110e anniversaire de la Morgan Motor Company en chiffres romains) représentait une avancée majeure pour Morgan. Cette nouvelle évolution a été baptisée CXV (car elle a été conçue lors du 115e anniversaire de Morgan). Elle est à la fois plus légère et plus rigide que la précédente CX et dispose d’une suspension et d’une direction reconsidérées. Les modifications ont été si importantes qu’une nouvelle série de crash-tests a été nécessaire pour l’homologation, ce qui représente un investissement considérable pour Morgan et ses propriétaires, le groupe européen de capital-investissement Investindustrial.
La plate-forme intègre toujours un châssis en frêne sous les panneaux de carrosserie en aluminium formés à la main (en fait, il y a même plus de frêne qu’auparavant), et les designers de Morgan en ont rendu une partie visible pour la première fois : ouvrez le coffre et vous découvrirez un rebord en bois de style « boat tail ». C’est une touche sympathique parmi d’autres. Environ 200 Supersports seront construites par an et le modèle est homologué pour les différents marchés de Morgan à travers le monde (y compris le Royaume-Uni, l’Europe, le Moyen-Orient, le Japon et l’Indonésie), à l’exception, pour l’instant, des États-Unis.
À bord
Nous découvrons la Morgan Supersport pour la première fois en Espagne, en Catalogne. Depuis notre point de départ au nord de Barcelone, nous partons à l’assaut des montagnes, tout en nous familiarisant avec la voiture et son habitacle. L’ambiance est agréable : rétroviseurs extérieurs circulaires en forme de miroir de rasage, losange chromé du rétroviseur intérieur, ailes avant élancées. La qualité est également impressionnante : l’ajustement et la finition sont excellents, et le cuir bicolore, les inserts en noyer et en aluminium et la moquette tissée ajoutent à l’ambiance de notre voiture d’essai. Précisons que tout cela est proposé en option, pour un montant total de 28 216 euros.
Les branches du volant ont une finition plus soignée que celles de la Plus Six, ce qui donne un aspect moins générique. L’ensemble de l’habitacle semble désormais conçu sur mesure, à l’exception du levier de vitesses BMW de génération précédente, immédiatement reconnaissable. Pourquoi Morgan ne conçoit-il pas le sien ? Parce que, comme pour toutes les commandes, la création d’éléments sur mesure (en particulier un levier de vitesses, avec ses protocoles de sécurité obligatoires nécessitant de multiples homologations) représente un coût énorme. Cela aurait fait augmenter drastiquement le budget et, en fin de compte, le prix de la voiture. Cet argent a donc été dépensé ailleurs.
Une suspension nettement meilleure
Cela se remarque immédiatement dès que nous rejoignons l’autovía et que nous nous adoptons un rythme soutenu. L’une des premières choses qui frappe, c’est le confort de suspension. Dans les versions Plus Four et Plus Six, on sentait les joints de dilatation à travers la structure de la voiture, mais la Supersport les absorbe en douceur. La carrosserie est également bien contrôlée verticalement sur les ondulations. Cette voiture est équipée du Dynamic Handling Pack, une option à 3 500 euros qui comprend des amortisseurs Nitron à 24 réglages (les voitures de série sont équipées d’amortisseurs Spax non réglables). Les barres antiroulis avant et arrière de série sont nouvelles et plus rigides que celle de la Plus Six, qui n’avait pas de barre antiroulis arrière.
La direction a été repensée pour être plus rapide et beaucoup plus linéaire avec moins de frottements. Elle offre une sensation raffinée, plus proche de celle d’une voiture de grande série (et moins d’un modèle indépendant fabriqué en petite série). Elle n’est toutefois pas très communicative, et ceux qui s’attendent à une expérience plus sportive pourraient être quelque peu déçus sur ce point, mais sa précision, sa réponse mesurée et le fait qu’elle soit bien isolée des irrégularités de la chaussée sont de grands atouts. Tout cela associé à une suspension douce à grande vitesse confère à la Supersport un caractère de GT. C’est une compagne facile à vivre pour les longs trajets. Ce n’est pas une qualité que l’on aurait pu attribuer à beaucoup de Morgan par le passé.
Des bruits d’air dus au vitres latérales coulissantes en plastique sont toujours présents, et ce, même si vous les faites glisser jusqu’à la butée. J’ai un peu de mal à trouver de la place pour mes coudes lorsqu’elles sont en place, et mon bras côté route est un peu plus à l’aise lorsque je les retire et les range dans le coffre. Grâce à une conception astucieuse, ce démontage est plus facile que jamais : il suffit de faire glisser le petit levier chromé d’un cran supplémentaire et la vitre se libère et coulisse doucement hors de la portière. Il n’y a pas beaucoup de place dans le coffre et les sacs plus volumineux devront être rangés dans l’espace pour les pieds du passager. Il y a cependant beaucoup d’espace derrière les sièges pour ranger des bouteilles d’eau, des manteaux et des vestes, par exemple. Le plus difficile est de trouver des emplacements pour les petits objets.
Les sièges plissés sont très jolis, même si j’aimerais avoir plus de réglages à disposition. Ils ne sont pas réglables en hauteur et l’assise est un peu haute (même si la hauteur des hanches est fixée par les exigences d’homologation). Le volant est réglable en profondeur et en inclinaison, ce qui est très appréciable, mais les contraintes liées au tableau de bord bas le placent un peu plus bas que je ne le souhaiterais. Le dossier se règle à l’aide d’un élégant levier chromé, mais son fonctionnement est un peu brutaux, ce qui rend les réglages difficiles pendant la conduite.
Une option disponible est le système audio Sennheiser (4 200 euros), avec une connexion Bluetooth pour écouter de la musique ou passer des appels téléphoniques en mode mains libres (385 £euros supplémentaires). Il est assez incongru de voir un emplacement pour smartphone soigneusement intégré dans le tunnel de transmission d’une Morgan, mais cela reflète bien l’esprit de cette voiture.
À mesure que la route devient plus sinueuse, je manque d’un peu de maintien latéral (même s’il y en a beaucoup plus que dans la Plus Six d’origine) et je me cale avec ma jambe gauche contre le repose-pied. L’espace pour les pieds est généreux, car il n’y a pas de pédale d’embrayage étant donné que la Supersport est disponible uniquement en version automatique. La faute en revient aux clients car la grande majorité des acheteurs de la Plus Four choisissent l’option boîte automatique. Il ne serait donc pas rentable pour Morgan de développer et de fabriquer une boîte manuelle pour ce qui représenterait, selon leurs estimations, un faible pourcentage des ventes.
La transmission est une boîte ZF à huit rapports. Vous pouvez utiliser les palettes de changement de vitesse manuelles derrière le volant si vous le souhaitez (ou pousser-tirer le levier), et choisir entre trois modes de conduite : le mode Normal est sélectionné par défaut au démarrage, et le mode Sport, plus vif, est sélectionné en faisant glisser le levier vers la gauche. Le mode Sport Plus, qui affine encore les réglages de l’accélérateur et des passages de rapports s’active à l’aide d’un bouton situé sur la console du tunnel de transmission. Cette voiture est équipée de l’option Active Sports Exhaust à 3 500 euros, qui rend l’auto plus sonore en mode Sport et Sport Plus. Le bruit du moteur est bien isolé lorsque le toit est en place, et il pourrait en fait être bien plus bruyant.
La logique de changement de vitesse en mode automatique, perfectionnée par Morgan, est bien calibrée et prend les bonnes décisions au bon moment, par exemple en conservant les rapports courts dans les descentes raides. Et elles sont nombreuses ici. En nous enfonçant dans les montagnes, nous découvrons de petits villages perchés à flanc de coteaux, avec des rues de plus en plus étroites, certaines pavées, toutes très raides.
Un bel accueil
La Supersport attire beaucoup l’attention, qui est extrêmement positive, et les habitants s’approchent souvent pour poser des questions polies sur la voiture. Le design de la Supersport s’inspire en partie de celui de la Midsummer, une barquette Plus Six produite en 50 exemplaires et conçue en collaboration avec Pininfarina, qui a été dévoilée l’année dernière. Avec sa finition Copper Metallic (une couleur Porsche des années 80, comme pour les autres Morgan, le choix de couleurs est « presque illimité »), c’est une voiture impressionnante et excitante à regarder, avec de jolis détails. Tout en conservant la silhouette traditionnelle de Morgan, sa ligne de caisse a évolué avec des portes plus hautes et un arrière surélevé.
Les traditionnelles barres verticales de la calandre sont remplacées par une finition texturée (en chrome satiné de série ou en finition sombre en option) et les persiennes le long du capot par une ouverture derrière le badge. Les phares à LED intègrent les clignotants. Pour les acheteurs qui souhaitent toujours une Morgan totalement traditionnelle, la Plus Four continue d’être produite sans changement et reste aussi délicieusement rétro que jamais.
La Supersport est une voiture particulièrement spectaculaire avec son toit rigide en carbone et ses jantes Aerolite en option, comme ici. Le premier est une option à 3 500 euros (de série, la voiture est équipée d’une capote en mohair). Le toit rigide en verre incurvé laisse entrer beaucoup de lumière dans l’habitacle et offre également une excellente visibilité panoramique aux intersections. Malgré toute cette surface vitrée, le toit pèse moins de 20 kg. Si les acheteurs souhaitent pouvoir changer de toit selon la saison et leur humeur, ils peuvent opter pour un toit souple et un toit rigide, moyennant un supplément de 5 850 euros. Les jantes de 19 pouces, qui pèsent 9,7 kg chacune, sont proposées en option à 5 600 euros (les jantes Superlite de 18 pouces de série pèsent 10,8 kg chacune quand les anciennes jantes Plus Six Multispoke pesaient 13,8 kg chacune).
L’une des façons les plus agréables de découvrir la Supersport est de rouler avec le toit rigide en place, mais sans les vitres latérales, afin de laisser l’air de la montagne envahir l’habitacle. À mesure que nous prenons de l’altitude et que la route se borde de neige fraîche, le froid devient mordant, mais l’air qui sort des bouches d’aération du tableau de bord est chaud, et cette voiture est équipée de sièges chauffants en option.
La Supersport est équipée de pneus Michelin Pilot Sport 5, en 235/40 à l’avant et 255/40 à l’arrière. Ils offrent à la Supersport une excellente adhérence sur ces routes lisses et sèches. C’est une voiture très calme. Non seulement elle évite de vous secouer sur les bosses, mais son comportement est prévisible. Les amortisseurs de cette voiture sont réglés sur leur position par défaut pour les routes britanniques, soit 15 clics sur 24, 24 étant la position la plus souple. Les routes espagnoles sont très lisses et la Supersport pourrait supporter des réglages plus fermes mais malgré cela, le roulis est raisonnable.
La compression et la détente sont bien maîtrisées, et même lorsque nous rencontrons des compressions et des bosses importantes à grande vitesse, la suspension ne semble jamais atteindre ses limites. Les ressorts sont plus rigides que ceux des Plus Four et Plus Six, et le débattement est nettement plus important qu’auparavant (80 mm à l’arrière, 70 mm à l’avant, ce qui est beaucoup pour une voiture de sport). Les butées de suspension sont également plus courtes grâce à l’augmentation de la course des amortisseurs.
La sensation et la réponse des freins sont également excellentes. Après plusieurs allers-retours pour les photos sur cette route sinueuse de montagne, les freins commencent à chauffer légèrement, mais c’est peut-être dû au fait que j’ai initialement réglé le contrôle de stabilité (la Supersport est équipée à la fois de l’ESC et de l’ABS) en mode Sport, à mi-chemin entre les modes Sport et Normal. Une fois complètement désactivé, la Supersport reste une voiture prévisible et sûre. En fait, on a l’impression que le châssis pourrait supporter plus que ses 340 ch et 500 Nm de couple actuels.
Ce n’était pas forcément le cas de l’ancienne Plus Six, qui pouvait parfois se montrer un peu capricieuse. Elle est également plus soignée que la Plus Four équipée du pack Handling que nous avons essayée lors de notre dernière élection de la Sportive de l’année. Le châssis de la Supersport, qui pèse 102 kg, y compris les sous-châssis avant et arrière, est 10 % plus rigide que celui de la Plus Four (8 % de plus avec le toit rigide en place), et certains points de fixation de la suspension sont jusqu’à 100 % plus rigides qu’auparavant. Et cela se sent.
À certains égards, l’équilibre souple et prévisible rappelle davantage celui d’une berline que celui d’une sportive. On a l’impression qu’elle a encore de la marge pour devenir plus aiguisée, mais il est vrai aussi que les clients auront la possibilité de régler les amortisseurs, et que ce modèle particulier n’est pas équipé du différentiel à glissement limité proposé en option qui rendrait sa tenue de route encore plus précise.