Les Alpina, les BMW « pour ceux qui savent »
Cela fait quarante ans que l’on attend le retour d’une M3 Touring et elles sont finalement deux à débarquer. OK, ce n’est pas tout à fait ça car, techniquement parlant, une seule est véritablement une M3 Touring. Mais on peut tout de même célébrer l’arrivée de l’Alpina B3 Touring qui était en concessions jusqu’en 2022 car elle cachait pour la toute première fois sous son capot un moteur badgé M.
Les Alpina ont toujours su séduire grâce à leurs qualités et certains leur vouent même un culte, créant ainsi une communauté de “ceux qui savent”. Si vous n’êtes pas au fait de la chose, vous pourriez penser qu’une Alpina est une simple BMW flanquée de bandes un brin rétro collées sur ses flancs et montée sur des jantes impossibles à nettoyer. Une BMW tunée, en somme. Cette Touring basée sur la génération G21 de Série 3 ne paraît pas à première vue très différente de cela (même si notre voiture d’essai faisait l’économie des bandes latérales) mais sous son kit carrosserie assez subtil se cache un ensemble de modifications qui pourrait bien en faire la seule auto dont vous avez réellement besoin.
L’Alpina B3
Après tout, elle est basée sur l’appréciable M340i xDrive, une auto que nous avions trouvée particulièrement réussie. Rapide, subtile, suffisamment engageante pour recueillir notre attention, amusante quand l’occasion se présente, la B3 est tout cela mais en beaucoup mieux encore.
Tout commence avec le moteur impossible à ignorer. Alpina a établi sa réputation en modifiant à l’ancienne des 6 en ligne et des V8 BMW afin d’améliorer leurs prestations pour concocter des modèles que la firme de Munich ne proposait pas à son catalogue. Pouvoir améliorer les moteurs à un niveau impossible à atteindre pour BMW, obligé de respecter certaines tolérances d’industrialisation, a permis à des boutiques telles qu’Alpina de continuer à exister en démontrant tout leur savoir-faire dans le domaine.
Dans notre cas, le 6 en ligne 3,0 litres B58 de 374 ch équipant la M340i laisse sa place au 6 en ligne 3,0 litres S58 qui officie sous le capot des X3 et X4 M mais aussi des M3/M4 Competition. Il ne s’agit pas d’un simple “swap” puisque Alpina utilise ses propres turbos, plus petits afin d’améliorer la réponse à bas régime. La puissance chute en conséquence de 510 à 462 ch pendant que le couple grimpe à 700 Nm, soit 100 Nm de plus que sur les X3/X4 M et 50 Nm de plus que sur les M3/M4. Alpina a également développé son propre système de refroidissement, sans doute assez proche de celui employé par BMW M.
Au volant
Si vous n’avez pas une M340i à proximité au moment de prendre le volant de la B3 pour la première fois, vous pourriez vous poser la question de l’intérêt d’installer un moteur M sous le capot. Sur l’élan et en effleurant simplement l’accélérateur, les différences entre B3 et M340i semblent marginales. On sent bien un peu plus de peps à bas régime et un peu de tranchant supplémentaire à mi-régime, mais cela n’a rien du feu d’artifice que l’on pouvait attendre. Mais souvenons-nous que les autos modernes proposent différents modes de conduite et l’Alpina ne fait pas exception. Basculez en mode Sport+ et son caractère se transforme tout à coup. À partir de là, elle répond à vos attentes.
Poussée à son maximum, la B3 avale les kilomètres plus vite que vous ne pouvez l’imaginer
La réactivité du S58 dépasse alors de loin celle du B58, le flot de couple à bas régime puis son appétit pour les hauts régimes deviennent terriblement addictifs. Le déferlement de Nm déboule entre 2 500 et 4 500 tr/mn, puis la puissance prend le relais avec un pic débutant à 5 500 tr/mn et se poursuivant encore 1 500 tours de plus. Dès lors, la B3 vole littéralement sur le bitume. Une Audi RS4 serait larguée et un proprio de C 63 commencerait à devenir nerveux à force de regarder dans ses rétros. L’étagement de la boîte automatique ZF 8 rapports est identique à celui de la M340i mais Alpina a tout de même renforcé la transmission là où c’était nécessaire tout en améliorant les temps de passage des rapports mais également le temps de réaction entre le moment où vous pressez une palette et celui où la boîte opère le changement. Alpina a également modifié les réglages du différentiel à glissement limité de l’essieu arrière ainsi que ceux de la répartition du couple de la transmission intégrale xDrive pour qu’ils s’accordent mieux avec les niveaux de puissance et de couple différents.
Sur la route, tout ce travail contribue à offrir un comportement châssis plus fluide et plus nuancé que celui de la M340i. Le moteur plus vif permet d’approcher la limite plus facilement et plus souvent tandis que sa délicatesse associée à une plus grande précision de comportement vous permet de passer plus fort en courbe. Là où la M340i commence à s’engourdir, la B3 reste claire et sereine d’autant qu’elle dispose de Pirelli P Zero spécialement développée pour elle. Après s’être appuyé avec conviction sur le grip offert à l’inscription, arrive le moment où l’électronique décide qu’il est temps d’envoyer plus de couple vers l’arrière. Et le Touring prend vie.
La B3 semble toujours en contrôle, toujours à l’aise. Vous percevez clairement la frontière de la perte du grip et vous en jouez. Pour avoir beaucoup roulé dans une M340i, je peux dire que la B3 illustre à merveille l’écart qui sépare une auto produite en masse d’un engin équivalent mais finement mis au point pour satisfaire les conducteurs plus exigeants. Poussée à son maximum, la B3 avale les kilomètres plus vite que vous n’en aurez jamais besoin.
Une sportive et une GT au choix
Mais l’Alpina n’est pas qu’une auto extrêmement performante capable de nous défouler sur de petites routes désertes, ses nouveaux ressorts associés à des barres antiroulis plus rigides et des réglages révisés de la suspension adaptative BMW (notamment en Confort+) rendent nettement moins douloureux le fait de rouler sur des roues de 19 voire 20 pouces à pneus à flancs étroits. Le mode Sport est sans doute trop ferme pour les petites routes dégradées mais c’était également le cas pour la M340i. Toutefois, sur les autres modes, lorsque vous ne cherchez pas à attaquer, les qualités du châssis flirtent avec le Grand Tourisme en absorbant toutes les irrégularités sans jamais tomber dans la mollesse.
D’autres détails sont particulièrement raffinés dans cette Alpina. La direction variable me semble plus naturelle dans sa consistance au fur et à mesure que vous aiguisez les modes de conduite, sa réponse me paraît plus linéaire également, ce qui a pour conséquence d’offrir un ressenti plus franc. Notre modèle d’essai disposait aussi des freins hautes performances optionnels (1 800 euros) comprenant des disques allégés et rainurés de 395 mm à l’avant et 345 mm à l’arrière ainsi que des plaquettes plus mordantes. Le résultat est plutôt impressionnant et à mon sens meilleur que celui de l’équivalent BMW M Performance. Si vous pensez utiliser votre B3 comme elle le mérite (et le supporte), l’option est un bon investissement.
Ce joli vert Alpina est également une option (2 150 euros) et même si nous regrettons souvent le choix de jantes larges du fait de l’inconfort qu’elles génèrent, difficile de résister à ces multibranches de 20 pouces tellement caractéristiques d’Alpina (2 300 euros). Et puisque nous parlons argent, à 81 250 euros en prix de base (85 300 euros pour la Touring) lors de notre essai en 2021, la B3 se plaçait intelligemment entre la M340i à 66 400 euros et la très chère M3 Compétition facturée 102 000 euros. Même avec la M3 Touring, la pertinence d’une B3 Touring ne paraît pas remise en cause. Car faire l’impasse sur elle, ce serait passer à côté de la raison d’être d’une telle auto. Les Alpina sont des engins plus calmes que les BMW M mais plus déflagrants que les versions M Performance inférieures. Elles se montrent plus délicates tout en délivrant malgré tout un niveau de performance dévastateur car les objectifs d’Alpina sont différents. Ils ne cherchent pas à satisfaire le plus grand nombre mais plutôt une frange d’amateurs éclairés au goût sûr qui veulent une auto performante et gratifiante sans nécessairement l’afficher exagérément. Et pour cette communauté de connaisseurs, il n’existe rien de mieux qu’une B3 Touring.
La nouvelle version
Alpina a depuis dévoilé une nouvelle mouture de sa B3 Touring basée sur la Série 3 restylée apparue en 2022. Le 6 en ligne 3,0 litres biturbo développe désormais 495 ch (CO2 229 g/km), l’habitacle adopte la dalle numérique en guise de combiné d’instrumentation et le prix de base a grimpé jusqu’à 94 000 euros. Mais tout cela ne change rien aux conclusions de cet essai de la Phase 1.