Où et quand ?
Contrairement à nos confrères anglais et allemands, nous avons dû patienter jusqu’à fin avril pour en prendre le volant ! La maison-mère ayant décidé de ne pas réaliser d’essais presse internationaux, elle laisse le soin à ses antennes nationales d’organiser des essais. En tant que partenaire de longue date, BMW France a choisi le cadre prestigieux et exigeant du Tour Auto pour faire tester cette nouveauté. Nous avons rejoint l’impressionnante caravane lors de la quatrième étape reliant Valence au Castellet. Au menu : 382 km, 2 spéciales et quelques tours du Paul Ricard en configuration 5,8 km.
Le pitch
Comme le BMW XM, la M3 Touring fait partie des festivités du cinquantième anniversaire de BMW M. Dévoilée au Festival of Speed de Goodwood 2022, elle se cantonne à la version Competition de 510 ch et impose la transmission intégrale. Le surpoids atteint 85 kg par rapport à la berline xDrive et 135 kg par rapport à la M3 propulsion. Pour cette déclinaison à hayon, BMW évoque des renforts de caisse spécifiques au centre et à l’arrière. Il table sur une répartition des masses à 50/50 % et adapte la suspension en conséquence, dans le but d’obtenir un comportement proche de la berline.
Au premier regard
On craque totalement ! Le hayon va comme un gant à cette M3 aux ailes et boucliers joufflus. La musculature ne fait que suggérer la puissance… Colossale. Elle peut se parer de quelques éléments extérieurs en carbone (boucliers, rétros), mais pas au niveau du toit qui est seulement teinté de noir. Les phares Laser restent optionnels (2050 €), comme les disques carbone/céramique (8850 €) reconnaissables à leurs étriers dorés. Trônant au sommet du hayon, l’aileron génère un peu d’appui contrairement à la berline, neutre sur le plan aéro (pas de portance ni d’appui).
À bord, deux éléments attirent l’attention. Le premier a été inauguré sur l’i4 et va progressivement s’étendre sur toute la gamme : l’écran géant incurvé. Quel que soit le mode choisi (Road, Sport ou Track), le graphisme des compteurs déçoit : clarté, originalité. Au centre, l’écran tactile permet de visualiser, entre autres, tous les paramètres de conduite (Set up) : moteur, amortissement piloté, direction, freins (feeling pédale), transmission intégrale (4WD, 4WD Sport et 2WD), antipatinage (10 niveaux si ESC off). La gestion de boîte auto, elle, s’ajuste depuis le tunnel (3 niveaux), comme le correcteur de trajectoire ESC. Les yeux convergent aussi vers les superbes baquets à coque carbone optionnels (5100 €), que l’on retrouve à bord des M2/M3 berline et M4. Le look et le maintien font mouche, mais l’ergo central agace au quotidien. Si vous optez pour le break en raison de sa capacité de chargement, sachez qu’elle s’éloigne peu de celle de la berline en configuration normale : 500 contre 480 l. En revanche, la modularité est inédite et il existe un filet pour charger jusqu’au toit.
Les chiffres (et quelques lettres)
Nous avons déjà évoqué son principal défaut : sa masse, frisant la 1,9 tonne à vide et dépassant facilement les 2 tonnes avec les occupants et leurs bagages. À titre de comparaison, une RS4 de même longueur (mais moins large et haute) est annoncée à 1 715 kg (V6 biturbo de 450 ch) et une C63 S E Performance plus longue de 5 cm et plus haute bondit à 2115 kg en raison de l’hybridation (4 cylindres et 1 électrique cumulant 680 ch). L’AMG affiche le meilleur rapport poids/puissance et garde une légère longueur d’avance de 0 à 100 km/h (-0’’2). Mais le break M3 se défend bien grâce à la poigne et au caractère trempé du 6 en ligne biturbo de 510 ch, qui s’emporte à 3000 tr/mn. Il cache la même boîte que la berline, à savoir une automatique à 8 rapports obéissante et rajoutant des à-coups dans les modes sportifs. La Steptronic recèle évidemment un launch control permettant au poids lourd d’être projeté de 0 à 100 km/h en 3’’6, puis de se défouler jusqu’à la bride, fixée à 250 km/h ou à 280 km/h en option. La berline M3 et la RS4 pousse le bouchon jusqu’à 290 km/h. Dernier point, le break serait capable de talonner la berline sur la Nordschleife, en tournant en 7’35’’06 (20,8 km).
Le truc en plus
Sans hésiter, le mode 2WD ! On retrouve une authentique propulsion qui peut faire flamber la gomme et réclamer du dosage. Ce mode nécessite malheureusement de déconnecter le correcteur de trajectoire. L’intermédiaire MDM aurait été le bienvenu sur route ouverte. C’est en activant ce mode qu’il est possible de régler l’antipatinage sur 10 positions.
Le râleur, il dit quoi ?
J’aurais aimé une pure propulsion associée à une boîte manuelle de 480 ch ! Cette association existe dans certains pays pour la berline… Pas besoin d’en rajouter et la masse fondrait !
Sur la route
Il faut avoir conscience qu’il ne s’agit pas d’un petit break. Cette Touring occupe la route et sa carrure se fait sentir sur les sublimes départementales provençales. La visibilité arrière reste réduite et le conducteur a du mal à jauger où il pose la roue avant gauche. En ville, le faible braquage rappelle ses gènes de sportives, comme le filtrage de suspension à basses fréquences. La M3 Touring reste conciliante, mais fait comprendre que vous êtes à bord d’une GT déguisée en familiale, à l’image de la RS6. Lorsque le rythme s’emballe, l’amortissement piloté excelle quel que soit l’état du revêtement. Les mouvements de caisse sont bien maîtrisés eu égard à la masse, mais sont accentués par rapport à la berline propulsion. Cela donne envie d’aller plus loin, de repousser les aides et de titiller les limites. En mode 4WD Sport et ESC intermédiaire (MDM), le break peut se remuer. En l’accompagnant aux freins pour limiter le sous-virage, puis en accentuant le braquage et les gaz, l’arrière se remue… Ou pas si vous manquez de vitesse d’entrée. Dans ce cas, la rigueur équivaut au mode 4WD et évoque les créations Audi Sport.
Sur la piste
Un terrain de jeu comme le Paul Ricard incite à basculer du côté obscur : ESC Off, Set Up, 2 WD, antipatinage à faible dose, analyseur de drift (de série). La M3 se transforme en propulsion fumante et oblige à doser, à se contenir pour ne pas embraser les Michelin Pilot Sport 4S. Nous avions testé la berline en Cup 2 (également disponibles) et la différence de grip frappe, alors que les 4S incarnent d’excellentes gommes. Mais les contraintes sont relevées d’un cran en raison de la masse, qui se ressent davantage dès le placement. Le transitoire réclame également de la patience pour ne pas écarter la trajectoire. Mieux vaut rester en 4WD Sport et attaquer en bon gentleman pour apprécier l’homogénéité du châssis. La Touring se rendra peu sur les circuits et c’est tant mieux vis-à-vis des consommables. Et les freins alors ? Notre modèle d’essai a tenu le choc sur trois tours de piste, alors que celui testé sur route – plus fatigué – a poussé quelques cris de douleurs. Précisons que tous les deux étaient équipés de l’option carbone/céramique.
Le bienheureux, il dit quoi ?
Enfin un break ! En Europe, cette carrosserie devrait représenter la moitié des ventes M3
Contrat ou pas contrat ?
Affichée à 116 650 € et très bien équipée, la M3 Touring survole la concurrence par son charisme. La RS4 Avant, en fin de vie, n’offre pas une mécanique aussi volubile, performante et ce côté espiègle. La C 63 S E Performance peut aussi devenir une propulsion et dynamite le chrono, mais son poids élevé, son quatre cylindres et son toucher de route filtré la pénalisent. Au final, cette BMW M assure un excellent compromis et devrait ravir ses propriétaires, à condition qu’ils ménagent les consommables.