Pebble Beach, ces quelques lettres suffisent à attirer l’attention de tout bon passionné, collectionneur ou simple amateur du genre. Deux mots derrière lesquels se cache un des quartiers les plus huppés de Californie, épicentre du marché, haut lieu de tractations où rien n’est impossible, quoiqu’il se passe du côté de la vieille Europe. Nous avons analysé les chiffres pour vous donner une idée de ce qui s’est vraiment déroulé pendant trois jours sur la péninsule, en se concentrant sur quatre des plus gros acteurs du marché. Ne nous en voulez pas de ne pas avoir traité les résultats d’autres acteurs comme Mecum qui officiait également sur cette période, mais soyez assurés que les chiffres qui vont suivre sont le parfait reflet du marché et qu’ils confirment la tendance actuelle, tout en étant rassurants pour les collectionneurs allant à contre-courant des modes !
406 774 360 millions de dollars… Voici le montant d’adjudication réalisé en trois jours, soit 115 millions de plus qu’en 2021 ! Derrière ce montant stratosphérique, on notera que la valeur moyenne des voitures vendues a bondi de 56 000 dollars supplémentaires pour atteindre 817 000 dollars malgré la multitude d’entrées d’avant-guerre chez RM Sotheby’s.
Pourquoi cette précision ? Parce qu’elle va à l’encontre de la véritable tendance des jeunes acheteurs à la recherche de modèles plus modernes. Il est également intéressant de constater que le nombre de voitures battant leur estimation haute a augmenté malgré un taux de vente légèrement plus faible. Cela confirme l’appétit des acheteurs pour ce marché « refuge » d’une part, mais aussi sa plus grande concentration. Les transactions vont bon train, les prix sont soutenus mais le marché se resserre.
Au total, sur les 572 voitures présentées aux enchères, huit seront retirées avant les ventes et 74 seront finalement non vendues, soit un taux de vente de 87 % contre 89 % en 2021. Il faut préciser que 42 % d’entre elles étaient présentées sans réserve, ce qui aide, mais les chiffres nous montrent que 24 % dépassent leurs estimations hautes quand 50 % sont dans la moyenne. En termes de performance pure et dure, RM Sotheby’s tire son épingle du jeu avec 94 % de voitures vendues et surtout une moyenne hallucinante frôlant le 1,3 million de dollars malgré une moyenne d’âge baissant de douze ans (1958) du fait des collections Oscar Davis et « Masterpiece of Design » réunissant essentiellement des voitures du début du siècle. Même Gooding avec un catalogue plus « jeune » (1970) ne parvient à faire aussi bien avec un taux de vente à 82 % et un prix moyen par voiture dépassant légèrement les 800 000 dollars.
Comment expliquer de tels résultats ? Bien sûr, Pebble Beach réserve tous les ans son lot de surprises mais cette année fut grandiose. Déjà, le casting était alléchant au point de se demander si le marché allait pouvoir digérer autant de voitures. Honneur à la vente officielle de Pebble Beach, plus d’une quarantaine d’autos inscrites chez Gooding pouvaient dépasser le million de dollars soit un quart du catalogue ! Les trois plus hautes estimations étaient des autos d’avant-guerre avec une voiture française en tête de liste. Deuxième plus gros prix de la Monterey Car Week, la Bugatti Type 57 Atalante proposée était une SC, restaurée avec de nombreux éléments d’origine et estimée entre 10 et 12 millions pour finalement atteindre 10 345 000 dollars.
On retrouvait ensuite une Porsche RS Spyder Evo de 2007. Cette auto s’est offert plusieurs victoires au général, devant les Audi, et de nombreux podiums et victoires de classe avec Maassen, Briscoe, Castroneves ou Emmanuel Collard en ALMS. Estimée entre 6 et 8 millions de dollars, elle termine à 5 615 000 dollars (une estimation trop haute selon moi pour une voiture sans histoire mancelle). Mais aussi une Porsche 908/02 de 1969, ancienne voiture usine qui a couru au Nürburgring, à Brands Hatch ou encore à la Targa Florio avant d’être vendue à une équipe privée qui l’a engagée au Mans. Estimée entre 4 et 5 millions de dollars, elle atteint 4 185 000 dollars sous le marteau.
Les quatre dernières autos à pouvoir dépasser les 5 millions venaient de Maranello avec une 166 MM Berlinetta Le Mans de 1950, la dernière produite. En parfait état, estimée initialement entre 5,5 et 6,5 millions, on en demande maintenant 5 250 000 dollars, faute d’enchères suffisantes pendant la vente. Il en est de même pour la 333 SP de 1999, s’étant illustrée à Daytona et Sebring. Son estimation entre 4,5 et 5,5 millions de dollars a visiblement refroidi les enchérisseurs. Preuve qu’il ne suffit pas d’être sur le bon marché pour se vendre, il faut aussi avoir une estimation cohérente. On retrouvait ensuite une 400 Superamerica Aerdinamico, l’ancienne auto du Comte Volpi. Jamais restaurée et ne comptant que 24 000 km, elle fut primée à plusieurs reprises à Pebble Beach ou au Cavalino Classic. Estimée entre 4 et 5 millions de dollars, les enchères montèrent jusqu’à 6 millions de dollars soit la deuxième plus haute enchère de la maison californienne, suivie de près par l’ancienne Ferrari F50 de Mike Tyson, avec seulement 6 200 km au compteur. Elle termine à 4 625 000 dollars pour une estimation comprise entre 4,5 et 5,5 millions de dollars.
La vente de RM Sotheby’s comptait 195 lots dont 47 autos qui pouvaient dépasser le million, dix qui pouvaient viser entre 5 et 10 millions et sept dernières qui pouvaient viser au-dessus des 10 millions. Résultats ? 52 lots millionnaires, 95 % de lots vendus et un total hallucinant de 239,2 millions de dollars. Soit un chiffre d’affaires en hausse de 60 % par rapport à l’an dernier. Tenez-vous bien, 28 Ferrari parmi les plus désirables (17 ont dépassé le million), 26 Mercedes dont neuf cabriolets 500/540 K et quatre coupés et roadster 300 SL, huit Bugatti, quatre Alfa Romeo 6C, trois Duesenberg, deux Hispano et une Talbot Lago. Ce dernier modèle était le seul T150 SS Figoni & Falaschi ayant connu une participation aux 24 Heures du Mans, et donc forcément l’un des plus prestigieux des onze exemplaires de style « New York ».
La plus haute enchère de la semaine (hors enchères privées) est obtenue par l’une des deux Ferrari 410 Sport Spider Scaglietti de 1955 (photo), pilotée en son temps par Juan Manuel Fangio et Carroll Shelby. À 22 005 000 dollars, elle se vend sous son estimation et sans nul doute sous l’enchère obtenue en vente privée par la McLaren F1 de 1998…
À l’heure où nous écrivions ces lignes, Gooding vendait à Londres lors du concours de Hampton Court 76 % de son catalogue a des prix soutenus pour plus de 22 millions de livres, preuve de l’appétit du marché, de la force du dollar pour les clients américains et du nombre de nouveaux arrivants dans le petit monde des voitures de collection.
Le temps où nous parlions des années 2014 et 2015 comme étant celles de la spéculation à outrance est révolu, nous nous souviendrons à présent de 2022. L’année 2023 ressemblera-t-elle à 2016 ? Affaire à suivre !