Où et quand ?
Juste avant le début de l’été dans le Var à proximité du circuit Paul Ricard par une température d’environ 27/30° et par un temps couvert avec quelques averses… de sable !
Le pitch
Combien de fois avez-vous entendu un constructeur dire que sa nouvelle sportive homologuée route avait été conçue sur la piste ? Combien de fois ont-ils essayé de nous faire croire que leur dernière création est une vraie voiture de course ‘homologuée pour la route’ ? Trop souvent.
Pour ne pas risquer d’être taxé de menteur, Abt (s’il vous plait arrêtez de prononcer ‘Abété’, ce ne sont pas des initiales comme BMW ou AMG mais bien le nom du fondateur, Monsieur Johann Abt) a choisi d’acquérir 99 R8 GT2LMS au département Compétition Client d’Audi pour les transformer afin de les homologuer à l’échelle européenne pour une utilisation routière. Plus personne ne pourra mettre en doute le slogan ‘de la piste à la route’.
Premier regard
La première fois que vous vous trouvez face à elle, vous êtes aimanté par ses proportions parfaites et par son indubitable aspect de voiture de course. Son écope de toit hypnotisante, son aileron immense, ses voies élargies, sa carrosserie percée, son postérieur ultra large et son habitacle ainsi que son volant de voiture de course ne laissent quasiment aucun doute sur le fait que cet engin est né pour aller se frotter dans des championnats autour du monde. Puis on remarque les plaques d’immatriculation, les Pirelli Trofeo R, et quelques boutons étranges sur la console centrale comme le Lift System ou le frein à main électrique. Et là, on comprend. Cet engin est réellement conçu pour se frayer un chemin dans la circulation entre les camions, les piétons, les auto-écoles et les cyclistes.
Les chiffres (et quelques lettres)
Le GT2 est une catégorie récente qui regroupe des AMG GT, des Maserati MC20 et des KTM X-Bow GT-XR dans un championnat mis sur pied par Stéphane Ratel pour attirer les gentlemen drivers avec des autos non bridées en puissance mais moins complexes que les GT3 hors de prix. Elles reprennent donc les couples moteur/boîtes du modèle routier de base mais avec une partie châssis et un habitacle purement racing proche de ceux des GT3.
Le travail pour homologuer en Europe un tel engin est assez dingue. Les ressorts ont été changé, toute la géométrie et les réglages des combinés filetés Öhlins ont été adaptés à un usage routier, la garde au sol relevée d’une dizaine de millimètres, l’échappement a été modifié, un verrouillage centralisé, une caméra de recul, un frein à main électrique et un système anti-démarrage sont installés, les sièges sont fixes, des tests approfondis de collision latérale et frontale ont été réalisés, le toit a été revu pour la gestion thermique de l’habitacle et le logiciel de gestion moteur/boîte a été revu et la climatisation modifiée. Le réservoir a également été changé mais l’engin garde ses vitres en polycarbonate avec ses meurtrières qui vont rendre les arrêts aux péages amusants (pour les autres). En fait, oubliez toute notion de polyvalence ou de praticité, cette XGT en est dépourvue d’autant qu’on trouve deux gros radiateurs sous le capot avant et pas un brin d’espace pour ranger ne serait-ce qu’une brosse à dent. Dans l’opération, l’auto prend 50 kg et émarge à 1400 kg.
Quant au V10 qui semble emprunté à la Lamborghini Huracán STO, il produit 640 ch et 550 Nm qu’il envoie sur les seules roues arrière.
Le truc en plus
Le truc en plus de l’Abt XGT c’est de ne pas mentir, ni sur son origine, ni avec son slogan. Cet engin de dingue est une authentique voiture de course qu’il va falloir essayer de maîtriser sur la route. La démarche est plus que louable, elle est magistrale. Surtout en 2024 !
Le râleur, il dit quoi ?
Mais dites donc, ce n’est pas très confortable, ni très pratique cette automobile…
Sur la route
Une fois la légère porte en carbone ouverte, il faut envoyer son postérieur au fond du baquet assez profond au soutien latéraux épais qui montent jusqu’au niveau du visage. Cela peut être douloureux. Il faut ensuite essayer de ramener ses jambes au-dessus de l’arceau puis sous le volant (qui est quand même amovible au cas où). Un bouton Pedal Box sur la console centrale permet de régler le pédalier (pneumatiquement) car le siège est fixe. On s’aperçoit alors qu’on ne voit pas grand-chose de ce qui se passe juste devant le museau. Mais Abt a prévu quelques petits coussins pour les journalistes ras du sol. Contrairement à d’autres autos, le harnais 4 points est plutôt facile à mettre et enlever mais cela ne va pas rendre les passages au péage plus agréables, d’autant qu’avec les vitres au format meurtrières qui laissent à peine passer votre main. je ne sais vraiment pas comment accéder à la borne. prévoyez tout de suite un télépéage, c’est un conseil. Soyons clairs, la XGT ne fait absolument aucun effort pour votre confort.
Une fois le contact mis en pressant le bouton Main sur la console centrale, on attend quelques secondes que l’écran affiche les données puis on presse tout simplement le bouton Start/Stop sur la branche droite du volant. Le volant propose des boutons de réglages de l’ESC, l’antipatinage et l’ABS sur 3 ou 4 niveaux. Lorsque que le V10 s’ébroue et se cale sur 1300 tr/mn, le vacarme reste supportable même si l’habitacle fait caisse de résonance.
Cette auto n’aime pas les faibles
Cependant, dès que vous dépassez 4000 tr/mn, la violence des sensations produite par l’auto donne d’emblée le ton. Le V10 de 640 ch et 550 Nm se met alors à gronder comme un animal en panique. La montée jusqu’à 8500 tr/mn est auditivement dépulpante car contrairement aux pilotes de la GT2, vous ne portez pas de casque ! Mais ce bruit n’est rien par rapport au couinement strident des plaquettes qui vrille les tympans si vous n’écrasez pas la pédale. Cette auto n’aime pas les faibles. Freiner est au départ intimidant car une pression simplement forte ne ralentit pas beaucoup l’auto. On est ici sur du frein acier (ceux des GT2 de course) avec lequel il va falloir taper franco, d’une part pour chauffer les plaquettes mais aussi les pneumatiques, et ce n’est qu’à ce prix qu’on obtient ensuite un vrai gros ralentissement. Autant vous dire que votre passager va passer un sale moment s’il n’était pas consentant (et prévenu) au départ ! Tourner le volant exige aussi un effort musculaire tandis que le carrossage fait que l’auto lit la route de façon spectaculaire. Vous devez donc serrer fermement le volant papillon pour rester sur votre voie. Je vous passe les bruits de cailloux dans les arches de roues et les énormes impacts et cognements (et rebonds) que l’on ressent sur les bosses avec ces trains et cette suspension montés rigides
Par bonheur, si le châssis produit des réactions d’une violence inouïe pour le conducteur lambda, le V10 reste un monstre de progressivité qui rend sa gestion extrêmement aisée. S’il n’y avait la sonorité tétanisante, ce V10 ferait figure de gentil petit enfant dans cet ensemble. À l’inverse de beaucoup de sportives actuelles qui proposent des moteurs explosifs et parfois effrayants dans des châssis qui peinent à se mettre à la hauteur, la XGT possède un châssis hypernerveux et un moteur délicat. Une fois la période d’intimidation et de peur primale passée, les hésitations reculent et si vous êtes sur une route adéquate, vous découvrez alors le tranchant extrême de la direction qui vous colle dans le support latéral du baquet à la moindre inscription en virage ponctuée par un aboiement spectaculaire du V10 en plein rétrogradage. C’est une auto qui se conduit en gardant en permanence une dose d’accélérateur, même en courbe. Le but est de parvenir à être fluide avec un engin dont les réglages et les commandes n’ont rien de fluides, ce qui est le challenge de tous les pilotes en compétition. Et c’est clairement cela qui la rend si attirante. Sa conduite est totalement absorbante.
Cliquez sur ce lien pour l’écouter (mettez le son à fond sinon vous serez loin de la réalité)
Sur la piste
On n’a pas essayé sur circuit mais on peut aisément imaginer que cet engin complètement dingue y sera à son aise. Euphémisme. D’autant que tous les réglages de la voiture de course d’origine sont toujours possibles. Ils vont faire la moue les propriétaires de 911 GT3 RS quand ils vont vous voir arriver dans les stands lors de leur journée circuit.
Le bienheureux, il dit quoi ?
Je viens de vivre le moment automobile le plus dingue de ma vie
Les tarifs
Abt indique que le prix de chacun des 99 exemplaires se situe autour des 600 000 euros TTC et dépend des choix de personnalisation (livrées…etc). Notez qu’une R8 GT2 LMS de course était facturée environ 350 000 euros HT. Les rejets CO2 ? 394 g/km.
Notez que l’entretien annuel (surtout pour les liaisons au sol) ne peut se faire que chez Scherer Sport en Allemagne (Mayence) qui est le partenaire exclusif de ce projet. La révision moteur avec vidanges doit être effectuée tous les 10 000 km.