Un projet délirant
Le show-car de la drifteuse R5 Turbo 3E essayé il y a un an à Magny-Cours a tellement marqué les esprits au sein de Renault que Luca de Meo a insisté auprès de ses équipes pour que l’on parvienne à la produire en série.
Et loin des contingences économiques qui pouvaient prévaloir avec son prédécesseur passé ensuite chez PSA devenu Stellantis, l’Italien a du panache et n’a pas demandé un produit à la rentabilité extrême. Non, ce qu’il veut c’est faire de l’image et ne pas perdre d’argent, pour le reste, il veut de la folie, de l’audace, de l’innovation et du FUN ! C’est ainsi qu’est né le projet de R5 Turbo 3E de série ! Oui, de série, vous avez bien lu. Et ça n’est pas une Alpine.

Comment Renault va-t-il rentabiliser cette auto ? Les responsables parlent d’un laboratoire technologique qui doit servir ensuite la grande série. Alpine qui peut l’avoir mauvaise en découvrant cet engin fou ne sera finalement peut être pas totalement oublié dans l’histoire.
Une supercar à l’allure folle

Frédéric Laurent, le responsable technique du projet a déjà oeuvré sur plusieurs modèles d’A110 et contrairement à ce qu’il s’est passé sur l’Alpine A290 qui est un produit de grande diffusion qui doit faire des tas de compromis pour rester à un prix relativement accessible, la R5 Turbo 3E est une ‘mini-supercar’ (oui, ils assument le terme) qui ne s’adresse qu’à une grosse poignée d’amateurs de voitures rares et iconiques. Et elle n’a surtout rien à voir avec la R5 de base.
Contrairement à la « drifteuse » qui était conçue autour d’une coque et d’une carrosserie carbone de voiture de course, la R5 Turbo 3E de série aura bien droit à une carrosserie entièrement en carbone mais inaugurera une coque aluminium entièrement nouvelle. Ses dimensions montrent qu’elle ne doit rien à la R5 standard puisqu’avec 4,08m de long, 2,03m de large et 1,38m de haut elle est respectivement 16 cm plus longue, 26 cm plus large et 11 cm moins haute que la citadine du Losange (ça n’est pas loin des dimensions d’une Countach). En fait, il ne reste que les deux rétros, les poignées de porte , les feux arrière de communs. Même le pare-brise est différent puisqu’il a été « top-choppé ». Vous remarquerez également la distance bien plus importante entre les montants de pare-brise et l’essieu avant, l’empattement gagnant 3 cm (2,57m).
Certains regretteront l’abandon des turbofans sur les jantes et de l’aileron immense de la drifteuse et d’autres remarqueront le retour du logo Renault Sport mais a priori, ce n’est qu’un hommage et il n’est apparemment pas question de relancer cette division.
De la puissance et du fun
Sous cette carrosserie aux proportions absolument dingues à voir en réel, les ingénieurs se sont lâchés. Certes, il s’agit ‘une auto 100% électrique qui fera évidemment pester les réfractaires aux « voitures à piles » mais les caractéristiques méritent d’être écoutées.
La R5 Turbo 3E sera animée par deux moteurs électriques logés dans les roues arrière. Ce sera donc une pure propulsion. Les ingénieurs qui ne souhaitent pas encore révéler le nom des fournisseurs (en fait, le premier proto roulant ne sera construit que cet été et ils sont toujours dans la phase d’appel d’offres) expliquent qu’ils sont parvenus à supprimer tous les inconvénients inhérents à cette architecture moteur particulière, quasiment pas utilisée à ce jour. Ce système qui se passe de cardans et permet d’alléger l’ensemble du groupe va réduire drastiquement le temps de réponse et donc offrir la possibilité de contrôler plus finement l’arrivée de la puissance (on passe de 40ms sur une thermique ou 25 ms sur une électrique classique à moins de 10ms ici), les programmeurs vont donc raffiner comme jamais le comportement moteur et le couple envoyé aux roues, donc le patinage.
Les soucis de masses non suspendues dues aux moteurs dans les roues sont compensées par la suspension et le train arrière à double triangulation ainsi que par le pilotage fin et permanent de la puissance. Le fait que tout le système soit positionné plus bas dans la caisse améliore évidemment le centre de gravité, déjà très bon sur les électriques qui disposent de leurs batteries dans le plancher, ce qui est le cas ici. Ce pack de batteries classiques (NMC) sera de 70 kWh nets qui devraient donner une autonomie WLTP de plus de 400 km. Pour les amateurs d’électriques, le moteur-roue électrique synchrone radial a une configuration inversée par rapport à un moteur électrique classique puisque son rotor mobile habituellement intégré dans le stator est cette fois-ci à l’extérieur de celui-ci et tourne en même temps que la roue. Le disque de frein y est accolé.
Le poids actuel de l’auto est de 1450 kg mais les ingénieurs espèrent atteindre 1400 kg. La répartition du poids qui a demandé beaucoup de réflexion a été fixée à 47/53 afin que l’auto soit aussi à l’aise en drift, qu’en grip sur circuit ou sur les accélérations. Sachant que les deux moteurs de 200 kW développeront 540 ch en pic (un vrai boost sera disponible via un bouton sur le volant) et 4800 Nm de couple, cela permettra à la R5 Turbo 3E d’abattre le 0 à 100 km/h en moins de 3,5s, le 0 à 200 km/h en 9s, le 400m DA en moins de 11s et le 1000m DA en moins de 20s !! Elle ira également jusqu’à 270 km/h en vitesse de pointe ce qui explique pourquoi l’aérodynamique a été soignée.
Objectif route, circuit & drift
Les ingénieurs travaillent pour permettre à l’auto de faire du circuit dans les meilleures conditions possibles. Contrairement à une Ioniq 5 N qui a beaucoup de mal à finir un tour du Nürburgring, Renault veut une auto capable de faire un tour de lancement, un tour chrono et un quart de tour de sortie sur le Nürburgring sans aucun souci. Oui, Renault va aller faire un temps là-bas !
L’objectif général est de pouvoir aligner une grosse vingtaine de minutes de circuit et une charge la plus courte possible (30 mn maxi) grâce à l’architecture 800V qui permettra dans le meilleur des cas de recharger jusqu’à 350 kW et de passer de 15 à 80% en seulement 15 mn. Le refroidissement a été optimisé pour cela.
Le poids de seulement 1450 kg permettra quant à lui d’économiser les consommables contrairement à beaucoup d’autres électriques sportives. Sauf bien sûr si vous choisissez le mode Drift qui va sans doute fumer vos pneus très rapidement. Frédéric Laurent aime parler « d’agilité par la masse » pour définir le comportement qu’il veut pour cette R5 Turbo 3E et c’est la raison pour laquelle son poids est contenu à 1450, voire 1400 kg. Pour mémoire, aujourd’hui, une 911 GT3 de 510 ch équipée du pack Weissach et des jantes allégées (et qui ainsi coûte près de 300 000 euros) pèse 1420 kg. Oui, je sais, elle prend 9000 tr/mn….
Grâce au torque vectoring, les ingénieurs vont être capables d’offrir plusieurs typages très différents et 4 modes seront proposés (Regular, Snow, Sport et Race). Le frein à main hydraulique que l’on voit dans l’habitacle (oui, c’est bien de cela qu’il s’agit !!) ne sera actif que dans le mode Race (comprenant le Drift Assist) interdit sur route ouverte.
4 niveaux de régénération seront proposés, un système d’assistance au drift mais, ce qui est fou, c’est qu’elle dispose aussi d’un coffre imposant que va la rendre extrêmement polyvalente sur la route. Dans l’habitacle, le volant et la dalle numérique sont repris de l’A290.
Un son extérieur ?
Pour l’instant, la sonorité est encore à l’étude mais l’ingénieur responsable du développement de l’auto aimerait que « sa » R5 Turbo 3E » soit capable d’émettre un son extérieur perceptible à l’intérieur et pas seulement un son émis par les haut-parleurs intérieurs. À voir s’il peut imposer cela.
Une supercar, oui, mais pas pour le prix
Selon les gens de Renault, le prix ne sera pas celui d’une supercar actuelle telle que les McLaren 750 S ou Ferrari 296 GTB qui émargent à plus de 300 000 euros. Le prix réel ne sera divulgué que le mois prochain lors de l’ouverture des commandes mais on imagine qu’il devrait se situer autour des 200 000 euros. La R5 Turbo 3E ne sera pas aussi rare qu’une Alfa Romeo 33 Stradale puisqu’elle sera produite à 1980 exemplaires, ce qui nous laisse l’espoir d’en voir quelques-une sur la route ou sur les circuits.
Un énorme programme de personnalisation accompagnera le lancement et des livrées historiques seront proposées (DIAC, Marlboro, Calberson, Tour de Corse 82…) en plus d’habillages intérieurs spécifiques (sièges, planche de bord, contreportes, console centrale, etc.). Les clients pourront également créer avec les designers Renault leur propre combinaison pour obtenir un véhicule totalement unique.
Oui, Renault est devenu fou. Comme lorsque la R5 Turbo est sortie en 1980 ou comme quand ils ont osé la Clio V6 en 2000. Même si elle est électrique, elle donne sacrément envie de se glisser derrière son volant !
En résumé
Dimensions et poids
Longueur : 4,08 m
Largeur : 2,03 m
Hauteur : 1,38 m
Empattement : 2,57 m
Garde au sol : 118 mm
Poids : 1 450 kilos (47/53)
Plateforme
Plateforme électrique sur mesure
Architecture 800 volts
Roues et Pneumatiques
Jantes alu forgées (pas de carbone)
245/35R20
275/35R20
Motorisation et batterie
Moteurs électriques dans les roues arrière 2 x 200 kW (540 ch / 4 800 Nm)
Batterie lithium-ion 70 kWh
Autonomie WLTP > 400 km
Chargeurs
AC 11 kW bidirectionnel (temps de recharge AC 0-100 % : 8 heures)
DC 350 kW (temps de recharge DC 15-80 % : 15 min)
Performances
0-100 km/h : < 3,5 sec
Vitesse maximale : 270 km/h (sur circuit)