Le charme des V8 italiens
Appuyez sur l’accélérateur et le cri le plus délicieux que l’on puisse imaginer s’élève derrière vos oreilles, le genre de cri qui déclenche un frisson le long de votre colonne vertébrale jusqu’à faire trembler les petits poils de votre cou. Quelqu’un peut-il dire pourquoi les V8 italiens, quel que soit l’endroit où ils sont installés, sonnent si différemment des bons vieux blocs américains ? Et épargnez-moi toutes les raisons techniques arides et empiriques : je les connais déjà, au moins un peu. Donnez-moi juste un peu de romance.
Bon, peut-être pas littéralement chaque V8 italien : je me souviens d’une Maserati particulière qui sonnait comme un Ford 289 HiPo, mais d’une manière ou d’une autre, les deux variétés de V8 finissent par provoquer le même type d’excitation anatomique ultime (hum), tout en prenant des chemins complètement différents pour y arriver.
Tout cela pour dire que la nouvelle Carrozzeria Touring Superleggera Arese RH95, la dernière née de la série AERO, est une voiture émouvante, excitante et incroyablement rapide, qui n’a rien perdu entre la supercar à moteur central qui a fait don de sa mécanique et sa renaissance en tant que sculpture automobile de luxe à grande vitesse. L’expression « œuvre d’art roulante » est terriblement éculée, mais comme pour toute la famille AERO de Touring, l’emphase s’applique ici parfaitement. Toutefois, à l’instar des deux saveurs de V8, l’Arese RH95 a emprunté un chemin tout à fait différent de celui de ses congénères pour y parvenir.
Genèse de l’Arese RH95
Bien sûr, le design aérodynamique a une longue histoire chez Touring, avec sa philosophie « façonnée par le vent » de longue date qui a donné lieu aux premières études sérieuses en soufflerie de l’industrie, ainsi qu’à la naissance de ma candidate au titre de plus belle voiture de course de l’histoire, l’Alfa 8C Spider de 1938, qui a dominé la dernière Mille Miglia d’avant-guerre. Touring considère cette période comme le début du genre Streamline pour la carrozzeria, la famille AERO étant née, quant à elle, après l’interruption (et non la « faillite ») de Touring de 1966 à 2006, puis sa restructuration sous l’égide de nouveaux propriétaires.
Déjà incroyablement rapide et hyper efficace, Touring a fait d’elle un chef-d’œuvre artisanal
Le responsable du design, Louis de Fabribeckers, date spécifiquement la naissance de la famille AERO moderne à 2012 et à son délicieux coupé Disco Volante. Chaque voiture suivante en a repris des détails, ou a élaboré des thèmes communs, afin de maintenir une continuité de design, tout en introduisant toujours des idées et des traitements innovants pour qu’il en résulte des voitures fraîches et attrayantes.
Dans un tour de passe-passe astucieux permettant de servir ces deux objectifs simultanément, de Fabribeckers s’est également inspiré pour ses nouvelles créations des machines emblématiques de l’ère Touring d’avant 1966 comme le Coupé et le Spider Disco Volante (évidemment), tout comme des grandes GT et machines de sport classique à moteur avant de l’époque.
Du carbone pour remplacer l’acier
Mais ça, c’était avant l’Arese RH95. Pour la première fois depuis la fondation de l’entreprise, le savoir-faire de Touring est ici appliqué à un châssis à moteur central. De plus, cette voiture ne porte aucune référence aux icônes du passé, si ce n’est l’attachement de Fabribeckers aux proportions parfaites et aux lignes fluides et épurées de Touring. Le « 95 » dans Arese RH95 représente le 95e anniversaire de Touring cette année, tandis que « R » et « H » seraient les initiales du premier client et mécène enthousiaste du projet, et qu’ « Arese » fait référence à la banlieue de Milan où se trouve le siège de Touring, ainsi qu’à son engagement à y assurer un avenir prospère. Parce que cette AERO regarde vers le futur et la place que Touring compte y prendre.
« Je pense qu’il est très important, de travailler avec de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux, de nouveaux processus et de montrer ce que nous pouvons accomplir avec, car les grands artisans et les grands artistes se sont toujours adaptés aux changements de supports, des peintures utilisées par un artiste peintre aux nouvelles méthodes de soudage » m’a dit M. de Fabribeckers lors d’une conversation Zoom, avant même le lancement de l’AERO 3, l’an passé. Par conséquent, l’Arese et l’AERO 3 ont toutes deux une carrosserie en fibre de carbone, ainsi qu’une quantité considérable de finitions en carbone.
D’un autre côté, je lui ai demandé, lors de ma découverte de l’Arese, si tout ce carbone signifiait que la carrosserie type « Superleggera », composée de panneaux en alliage soutenus par de petits tubes d’acier, était désormais morte, et la réponse a été immédiate : « Oh non, non, jamais. La construction dépendra toujours de la forme, du style, du type d’histoire que nous voulons que la voiture raconte, de sa mission. Le carbone est merveilleux pour les voitures spectaculaires comme les Arese et AERO 3, mais pour des détails nets et précis comme sur la Berlinetta Lusso, nous devons toujours faire appel au métal, et à toutes les compétences traditionnelles pour le magnifier ».
Il apparaît évident que l’Arese fait jeu égal avec toute la série des AERO en termes d’ajustements, de finitions et de qualité de construction. Il n’y a pas une once de brutalité ici, et les détails bien pensés abondent. Par exemple, ou trouve sur chaque exemplaire une plaque indiquant son numéro de production dans la série limitée, ainsi qu’un panneau, à l’intérieur du capot avant, signé par tous les membres de Touring.
Des portes en élytre comme une oeuvre d’art
Peut-être de façon plus prosaïque, mais aussi plus pratique, ces portes en élytre dont je me méfiais m’ont agréablement surpris. Les espaces entre les panneaux sont suffisamment réguliers et bien situés : dans les rues de Milan où les nids-de-poule sont nombreux, tout reste heureusement en place, sans grincements ni claquements. Peut-être est-ce dû au fait que les pivots des charnières sont en quelque sorte triangulés, une charnière se trouvant le long de la ligne d’épaulement de l’aile avant, l’autre dans le bord avant de la découpe du toit de style GT40. Quoi qu’il en soit, cela fonctionne : les vitres latérales s’abaissent toujours complètement et la fenêtre supplémentaire dans la section de toit est assez chouette. Je me verrais bien la conduire avec un casque à visière, à la Dan Gurney…
Ces portes correspondent parfaitement à la personnalité de cette voiture. Habillée en Verde Pino (vert pin), avec des touches d’argent et de jaune, ainsi que de jantes sur mesure commandées chez un grand spécialiste selon le modèle voulu par le client, l’effet est résolument racé, jusqu’à l’écope dorsale, fonctionnelle, qui alimente en air frais le compartiment moteur. Si vous pensez qu’elle lui donne une allure de Chaparral 2D, vous aurez raison. Les premiers rendus informatiques ont également joué avec les formes de l’époque des F1 aux gigantesques prises d’air et avec des phares à la Porsche 904.
Multiplier les références fait partie intégrante du processus artistique, et le résultat final offre des lignes fluides et légères dignes de l’Alfa Villa d’Este dessinée par Touring en 1949. Il s’agit clairement d’un design moderne, mais pas issu de l’école de design moderne, selon laquelle une voiture rapide doit avoir l’air de sortir d’un jeu vidéo, avec des angles vifs et brutaux, et des ailerons, des volets et des dérives de partout. Personnellement, je trouve que l’Arese est sous son meilleur angle vue de l’arrière : il n’y a pas de queue de Kamm au sens strict, ni de rebondissement au niveau de l’aileron, la voiture s’amincit simplement jusqu’à une conclusion gracieuse et élégante. Vue d’en haut, elle pourrait être un être vivant qui a atteint cette forme sous le seul effet de l’évolution.
Quant à l’affirmation de Touring selon laquelle il est plus facile d’entrer dans la voiture grâce à ses portes en élytre, c’est vraiment le cas, jusqu’à un certain point. Disons que s’installer dans ces sièges largement rembourrés serait presque impossible avec des portes conventionnelles, du moins pour ceux d’entre nous qui ont dépassé l’âge de… Bon, bon, ne vous souciez pas de l’âge que je dépasse… Néanmoins, quiconque n’a pas mes problèmes de dos devrait s’habituer aux procédures d’entrée appropriées en peu de temps. Un conseil : l’ouverture des portes est beaucoup plus facile si vous les mettez en mouvement d’un léger coup de pouce et laissez le vérin à gaz faire le gros du travail.
À bord de l’Arese
Une fois dans ces sièges, ils se montrent cependant d’un confort suprême, et l’idée de Touring de « cocons » plutôt douillets pour le conducteur et les passagers est reprise de l’AERO 3 de façon très satisfaisante. La voiture n° 1 est décorée de carbone et d’une fausse fourrure de souris à l’ancienne, bien qu’il existe des possibilités presque infinies de personnalisation de cet habitacle, allant peut-être même jusqu’à de la fourrure de véritables souris, si vous le souhaitez. « Nous disons rarement non aux souhaits d’un client », affirme M. de Fabribeckers, et la participation de celui-ci est activement encouragée tout au long du processus de construction : il ne s’agit pas simplement d’une voiture, mais d’une partie de l’histoire et des traditions de Touring.
Comment se conduit-elle ? Je pensais que vous ne le demanderiez jamais : elle se conduit exactement comme la supersportive qui a fait don de son train roulant. C’était d’ailleurs le but. En d’autres termes, elle est incroyablement rapide et hyper efficace, comme le disent tous les tests routiers, et la valeur ajoutée de Touring est d’en faire également un chef-d’œuvre artisanal. Quant à la bête exacte qui se cache sous ces lignes délicieuses, je n’ai pas la liberté de divulguer cette information, et Touring ne ressent pas le besoin de le faire. Je vous suggère de consulter Google : vous trouverez les réponses immédiatement. Les acheteurs qualifiés peuvent facilement se renseigner auprès de Touring, mais pas auprès de moi.
Conclusion
Les prix ne sont pas non plus annoncés publiquement, principalement parce qu’ils varient considérablement en fonction des souhaits du client. Mais munissez-vous d’un chéquier avec beaucoup de place pour les zéros en espérant que les 18 ne soient pas toutes écoulées. Ou plus précisément, de 15 : à l’heure où nous écrivons ces lignes, deux autres ont déjà été commandés. La livraison est prévue dans les six mois suivant la réception de la voiture donneuse à l’usine de Milan et, si vous ne possédez pas de spécimen approprié, Touring peut en trouver un pour vous.
Oh, et si vous voyez une Arese RH95 avec un type au casque de Dan Gurney passer sur l’autoroute, c’est que mes numéros du loto ont enfin été tirés !
Fiche technique
Touring Superleggera Arese RH95 2021
MOTEUR V8, 3 902 cm3, 2×2 ACT, 2 turbos
PUISSANCE 670 ch à 8 000 tr/min
COUPLE 760 Nm à 3 000 tr/min
TRANSMISSION F1 à 7 rapports à palettes, propulsion DIRECTION Crémaillère, assistée
SUSPENSIONS Av et Ar : triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques ajustables
FREINS Disques ventilés
PNEUS Av : 245/35 R20, Ar : 305/30 R20
VITESSE MAXI 330 km/h
0 À 100 km/h 3”0