Mais pourquoi ?
Après les supercars tout-terrain de Lamborghini et Porsche, c’est au tour du créateur du véhicule tout-terrain de riposter ! Land Rover lance son Defender Octa et le résultat est spectaculaire. Aussi déroutant que soit le concept, ce tout-terrain de 635 ch impressionne par son caractère aussi unique que celui d’une vraie sportive. Nous n’avons peut-être pas besoin de ce genre de voitures, mais une partie de nous se réjouit de voir que certains se plaisent encore à aller au bout des idées les plus stupides.
Le Land Rover Defender Octa suscite bien sûr de nombreuses questions. Vous en avez sans doute une à vous poser : pourquoi ? Pourquoi construire une version haute performance de 635 ch d’une voiture considérée d’abord comme une familiale, puis comme un tout-terrain utilitaire conçu pour les champs de blé et la nature sauvage ? La sagesse suggère que si l’on veut construire une voiture performante, il ne faut pas commencer par un Defender. À moins, bien sûr, que vous et votre équipe n’ayez été précédemment responsables des exceptionnels Jaguar Project 7 et Project 8, et qu’après avoir livré le Range Rover Sport SV, votre imagination débordante a voulu une « suite ». Combinez à cela la décision du constructeur de s’engager dans le Dakar, et le besoin d’avoir une voiture de série pour communiquer au milieu des dunes de sable, et vous obtenez une justification supplémentaire. La demande des clients pour des mastodontes de près de trois tonnes qui se prennent pour des 911 GT3 fut également une raison objective à ce délire.
Pas un simple Defender V8
Ne croyez pas que l’Octa est un simple Defender 110 V8 élargi (+68 mm) et rehaussé (+28 mm). Son 4,4 litres biturbo d’origine BMW a été considérablement amélioré afin qu’il produise la même puissance que le Sport SV. Il lui reprend aussi son châssis assorti de la technologie 6D Dynamic de Land Rover, qui comprend des amortisseurs semi-actifs à variation continue et à liaison hydraulique. Bien que les jantes sport de 20 pouces ne soient pas en fibre de carbone, elles cachent des disques de freins Brembo impressionnants de 400 mm à l’avant. Le logiciel qui gère tout cela est également conçu sur mesure pour ce modèle affiché à partir de 183 100 euros.
L’Octa fait paraître un Defender ordinaire un peu maigrelet. Ses arches plus larges et sa hauteur de caisse supérieure lui donnent plus de prestance et d’altitude. Il faut un peu plus de force pour monter dans le cockpit de l’Octa mais une fois à l’intérieur, aucun des changements n’est lié à une quelconque recherche de performance ou relié à la course automobile.
Sur la route
Notre destination se situe à quelques heures à l’ouest de Toulouse, sur un site utilisé par l’armée ainsi que par les équipes du WRC et du Rallye-Raid pour leurs essais. Il s’agit d’une série de parcours composés de routes non goudronnées, quelques montées classiques à flanc de colline, et puis il y a ce que l’on ne s’attendrait pas à voir : une série de circuits techniques à haute vitesse qui vont de la spéciale sur terre au parcours défoncé de type DAKAR mettant à mal le châssis. Aucun de ces circuits n’est conçu pour une balade en douceur, mais avant d’affronter les sauts, les dérives et les passages dans la boue, nous avons tourné à droite vers la route.
Le pneu tout-terrain Goodyear Wrangler monté en option sur notre voiture d’essai fait un peu de bruit. Il est plus extrême que le pneu toutes saisons de 22 pouces que Land Rover monte en série sur toutes ses voitures de route et les gros pavés de la bande de roulement bougent lorsque vous jouez du volant. On peut quand même conduire pendant des kilomètres sans être dérangé par leurs caractéristiques. Vous pouvez aussi profiter de la souplesse accrue des pneus et du châssis plus rigide pour prendre plus d’angle dans les virages et en le laissant remuer nettement plus qu’un Defender 110. Au fil des kilomètres, la paresse des Defender habituels est oubliée et bien que ce ne soit pas une sportive traditionnelle, on sent plus fermeté, plus de réactivité et l’Octa est plus enclin à rouler fort sur la route que beaucoup de SUV performants. Mais les SUV les plus performants du marché restent devant malgré tout.
Les modifications châssis de l’Octa sont à l’origine de l’amélioration des performances sur route. Avec l’adoption du châssis piloté 6D de Land Rover, l’Octa se débarrasse de ses barres antiroulis qui, en tout-terrain, permettent de profiter de 119 mm de débattement supplémentaire de l’essieu. Sur la route, ce système autorise de prendre des virages beaucoup plus à plat. À chaque coin, un amortisseur semi-actif est combiné à des ressorts pneumatiques, les premiers étant tous reliés hydrauliquement. Chaque amortisseur est également équipé de sa propre unité de contrôle (LDU) qui pilote les trois soupapes qu’il possède également et qui gèrent la détente et la compression. C’est la LDU qui module la pression hydraulique du système en conséquence.
Équipé de triangles plus longs (d’où la largeur accrue de l’Octa), il est mieux posé sur la route et réagit plus précisément. C’est un Defender que l’on a envie de jeter dans un virage. Il faut choisir un point d’entrée, le jeter volontiers, attendre qu’il se cale, puis exploiter le V8 pour sortir du virage pleine balle. Naturellement, il existe un mode de conduite Dynamic qui permet d’améliorer les performances sur route, en affermissant la direction, augmentant la réponse de l’accélérateur et durcissant la résistance au roulis de 67 %. Les changements paraissent plus naturels ici que dans la majorité des voitures équipées elles aussi de divers modes de conduite.
Même avec son poids à vide de 2510 kg, le V8 a du couple à revendre (750 Nm et même 800 sur le launch control) pour animer l’Octa gaillardement. Son rapport poids-puissance n’est pas très éloigné de celui de la dernière Audi RS3, et bien que sa masse fait que son punch au départ n’est pas le même que celui de la RS3, une fois qu’il a démarré, il prend très vite de la vitesse et continuer d’offrir un contrôle de caisse clair et rassurant. Il gère son poids et son volume sans créer de surprises. Si l’on fait appel à ses disques de 400 mm et ses étriers Brembo six pistons à l’avant, la physique est plus difficile à masquer. Ses pneus Wrangler assurent toutefois assez bien mais il faut noter qu’avec eux, la vitesse est limitée à 160 km/h contre 250 km/h avec les pneus toutes saisons.
Sur la route, l’Octa est vraiment impressionnant. Il ne s’agit pas simplement d’un Defender performant même s’il abat le 0 à 100 km/h en 4″ (avec launch control). On perçoit un travail plus global dans ce qui a été fait ici. L’équipe de développement dirigée par Matt Becker et Jamal Hameedi ont créé un Defender doté d’une agilité et de capacités routières tout à fait inattendues. Cela ressemble à un Defender, mais sa façon de se comporter sur la route ne ressemble à aucune autre voiture portant ce blason.
Sur les chemins
Trois ans et plus de 13 000 tests ont été consacrés au développement de l’Octa pour lui garantir cette tenue de route. Il assure même sur circuit comme en attestent les vidéos du Nürburgring publiées sur les réseaux sociaux où il dérive magnifiquement des quatre roues.
De retour au Château Lastours, un domaine de 800 hectares qui, en plus de produire son propre vin, abrite 80 kilomètres de pistes d’essai tout-terrain, l’Octa se sent immédiatement à l’aise. L’équipe de développement y a passé d’innombrables d’heures pour peaufiner les ressorts pneumatiques, les amortisseurs semi-actifs et le système de freinage ABS.
Le premier tronçon que nous parcourons ressemble aux nombreuses pistes tout-terrain déjà vues par ailleurs et ne semble pas plus compliqué qu’une piste qui traverse une maison de maître. Tout du moins jusqu’à ce que vous remarquiez que le Defender d’assistance qui vous suit s’éloigne de plus en plus de vous. Nous sommes toujours en mode Grass, Gravel et Snow, sélectionné via le système Terrain Response, mais la largeur du châssis 6D est telle que notre vitesse est presque deux fois supérieure à celle de nos suiveurs. C’est grâce à la souplesse et au débattement des amortisseurs que la voiture survole la surface et absorbe chaque impact. Dans l’Octa tout est aussi calme et confortable que lorsque nous étions sur la route. Mais cela va changer.
Nous effaçons avec facilité le rocher devant nous et nous nous dirigeons vers notre destination. Le pare-chocs revu permet des angles d’approche et de départ conséquents, les différentiels et le logiciel de contrôle gèrent la distribution du couple à chaque roue.
Il n’y a rien de nouveau dans le fait qu’un Defender se fraye un chemin dans les rochers mais qu’un Defender s’attaque à une étape du WRC sans se ridiculiser, c’est pour le coup très nouveau. Si une simple pression sur le bouton Octa situé à la base du volant active le mode Dynamic pour la route, le maintenir enfoncé vous fait passer en mode Octa off-road. Celui-ci permet non seulement d’utiliser le launch control tout-terrain, mais aussi de réduire de moitié la résistance au roulis et à la plongée des amortisseurs et d’augmenter le débattement des roues. Il transfère également plus de puissance et de couple vers l’arrière, relâche l’ESP, adapte également l’ABS afin d’autoriser un blocage plus important de la roue afin d’optimiser le ralentissement dans la terre.
Sur les pistes de terre, l’Octa demande de recalibrer son cerveau. Au départ, vous n’êtes pas enclin à jeter un Defender en travers au début d’un virage, à jeter son nez à la corde et à tout de suite reprendre très fort les gaz pour sortir des courbes en contre-braquage. Mais c’est pourtant exactement ce qu’il faut faire pour exploiter les capacités remarquables de l’Octa.
Sur une surface meuble, il se déplace avec une étrange précision, chacune de vos actions étant fidèlement exécutée alors que ce SUV de cinq mètres de long pivote, glisse comme une Lancer Evo de la fin des années 90 sur le parking d’un supermarché enneigé.
Chaque virage, chaque zone de freinage à grande vitesse, chaque ornière et chaque sommet vous apprend quelque chose de nouveau sur cette voiture et sur vous-même. L’Octa effectue les dérives les plus ridiculement naturelles dans les épingles, votre pied droit gérant la patate du V8 et vos mains se déplaçant sur le volant tandis que ses gros Goodyear mordent dans la terre pour trouver une motricité comparable à celle d’une Cup 2 R se collant au bitume de l’Eau Rouge à Spa.
À la fin des longues lignes droites, l’Octa a un autre atout : ses freins. Écrasez la pédale de gauche aussi fort que vous le pouvez et alors que votre cerveau vous dit que cela va se traduire par une pédale de frein vibrant et très peu de ralentissement, c’est exactement le contraire qui se produit. L’ABS intervient beaucoup plus tard et l’auto s’arrête avec une force inattendue.
Difficile de dire si le freinage est plus impressionnant que la façon dont il saute et atterrit sur le parcours Rallye Raid. Ou encore la facilité qu’il offre pour ajuster sa trajectoire lorsque vous recherchez l’adhérence sur des surfaces meubles. Il vous entraîne dans l’action, vous implique et veut simplement que vous vous amusiez. Ce comportement jouissif vous reste gravé dans la tête, même des mois après l’avoir conduit. Non, ce n’est pas une voiture dont nous avons vraiment besoin, surtout en Europe mais on pourrait dire la même chose d’une 911 GT3 RS.