Essai

UN ESSAI SIGNÉ OCTANE

Découverte : La Countach du CANNONBALL !

Preston Rose / Hagerty Drivers Foundation
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C’est peut-être la Countach qui a eu le plus fort impact sur les amateurs : voici la voiture du film L’Équipée du Cannonball.
SOMMAIRE

Un film iconique… pour les fans d’autos

Oubliez les choses sérieuses. Si vous cherchez sur Internet les dix meilleurs films de tous les temps, vous pouvez être sûr que ce film n’apparaîtra pas. Il n’est même pas dans le top 100. Mais, si vous lisez ceci, c’est très probablement que vous aimez les voitures. Et vous savez que lorsque L’Équipée du Cannonball (The Cannonball Run en V.O.) est sorti en juin 1981, il a établi une nouvelle norme pour un film hollywoodien de voitures. L’intrigue est drôle, parfois surréaliste, et la distribution est exceptionnelle : Burt Reynolds, Roger Moore, Farrah Fawcett, Jackie Chan, Dean ­Martin… Mais ce qui fait vraiment la différence entre ce film et tous les autres films de voitures, c’est le nombre de modèles impliqués, et la désirabilité de ceux-ci.

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Comme dans L’Or se barre, la scène d’ouverture est iconique et présente une Lamborghini. Mais, sorti 12 ans après, au lieu des formes arrondies d’une ­Miura P400 orange, L’Équipée du Cannonball se concentre sur une Countach LP400S noire à deux ailerons. Les 3 minutes et 26 secondes de la scène d’ouverture, avec la bande sonore du 12 cylindres à carburateurs inversés qui l’accompagne, sont tellement ancrées dans la légende automobile que de nombreux propriétaires de Countach (de l’époque et même d’aujourd’hui !) ont admis avoir attrapé le virus Lamborghini en la regardant.

Dans le film, une portion de tarmac juste au sud-est de Las Vegas, reliant la ville de Henderson à Boulder City, sert de décor à une Countach de 1979 jouant au chat et à la souris avec une Pontiac Trans-Am 4.9 Turbo T-Top de 1980, une des meilleures voitures de patrouille routière du Nevada. Cette Countach est celle que vous voyez ici. Le film est basé sur l’histoire d’une course sur route réelle et héroïque, inspirée par les voyages pionniers à travers les États-Unis d’Erwin George « Cannon Ball » Baker, et qui a s’est tenue pour protester contre les nouvelles lois draconiennes sur la circulation.

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La Countach se mesure à la Trans-Am de la patrouille routière du Nevada.
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Tara Buckman joue le rôle de la « Lamborghini Girl n° 2 ».

Le pire moment

À l’automne 1973, en réponse à l’embargo pétrolier de l’OPEP lié à la crise du canal de Suez et à la guerre du ­Kippour, Richard Nixon, alors président des États-Unis, a pris un décret : l’Emergency Highway Energy Conservation Act. Ce document, approuvé par le Congrès en janvier 1974, a ralenti tout le pays, imposant une limite de vitesse nationale de seulement 55 mph (88,5 km/h). Elle était censée durer 12 mois, mais l’échéance a été supprimée un an plus tard. Elle est devenue le cauchemar de tous les automobilistes américains pendant deux décennies, tout en rapportant des millions de dollars d’amendes.

Le désespoir s’est répandu en Europe, où les constructeurs de voitures de sport ont vu le potentiel d’exportation du lucratif marché américain se réduire du jour au lendemain. À Sant’Agata Bolognese, le moment ne pouvait pas être plus mal choisi. En mars 1971, il y a 50 ans, Lamborghini avait présenté son nouveau concept car, la Countach LP 500, sur le stand Bertone du salon de l’automobile de ­Genève. Après deux ans de développement, elle était prête à être fabriquée en très petit nombre à partir de janvier 1974, sous le nom de Countach LP400, avec un moteur plus petit en conséquence. Et elle a été inspirée par la ­nécessité de remplacer la Miura, toujours aussi populaire, par une voiture pouvant être homologuée pour la vente aux États-Unis. Le faire avec une voiture qui pouvait dépasser la nouvelle limitation de vitesse américaine en première n’était pas un rêve parfait de marketing.

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Cannonball, la course

Mais quand on parle de rêves, on trouve des visionnaires prêts à se battre passionnément pour leurs idées. Certains membres de la communauté automobile américaine ont protesté avec véhémence, démontrant que les raisons de sécurité derrière les nouvelles limitations de vitesse n’étaient pas prouvées. Et le temps allait montrer qu’ils avaient raison. En 1970, autour d’une bière ou deux avec des collègues de Car & Driver, Brock Yates (célèbre journaliste automobile, écrivain, reporter et commentateur sur CBS pour la Winston Cup – aujourd’hui NASCAR) avait suggéré une course informelle à travers le pays. Ils ont même choisi son nom, le Cannonball Baker Sea-to-Shining-Sea Memorial Trophy Dash, pour célébrer l’esprit de feu Erwin George « Cannon Ball » Baker, célèbre pour ses voyages à toute vitesse à travers le pays.

La fiction hollywoodienne a pris le dessus et a fait de la Lamborghini Countach qui remporte la course dans le film, une star

La réputation de Baker remonte au début des années 1900, lorsqu’il était payé pour promouvoir les motos et les voitures en effectuant 143 trajets de record à travers le pays. Il établissait généralement un nouveau record de vitesse à chaque fois, car c’était la condition pour être payé par son sponsor. Parmi ces records, son trajet en 1915 de Los Angeles à New York à bord d’une Stutz Bearcat (11 jours, 7 heures et 15 minutes) a été battu de près de quatre jours l’année suivante, avec une Cadillac 8 Roadster. En 1933, signe des progrès de ses montures, son record de 53,5 heures entre New York et Los Angeles fut établi avec une Graham-Paige Model 57 Blue Streak 8. C’est cette aventure qui a inspiré Yates lorsqu’il a pensé à ce qui allait devenir « The Cannonball ».

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La Countach a été restaurée en 2013 pour apparaître tel qu’elle était dans le film.

Au printemps 1971, Yates est prêt à suivre les traces de ­Baker. Avec Steve Smith, Jim Williams et son fils Brock Jr, il conduit un van Dodge Sportsman 1971, surnommé « Moon Trash II », et parcourt 4 606 km, du Red Ball ­Garage sur East 31st St à Manhattan, au Portofino Inn à Redondo Beach, Los Angeles, en 40 h et 51 min.

Peu après, un reportage complet signé Yates est paru dans Car & Driver et les lecteurs ont adoré l’idée, poussant Yates à la recréer. Le 15 novembre 1971, juste après ­minuit, huit voitures se sont rassemblées à New York pour partir vers l’ouest. Cette fois, Yates partageait le ­volant d’une Ferrari 365 GTB/4 Daytona avec Dan ­Gurney. Ils sont arrivés les premiers, avec une moyenne d’environ 130 km/h et ont couvert la distance en 35 h 54 min. À partir de ce moment, la Cannonball acquiert un statut légendaire, et sera organisée chaque année (et de plus en plus illégalement) jusqu’en 1979.

Cannonbal, le film

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Les arches évasées ont été inaugurées par le modèle unique réalisé par l’usine pour Walter Wolf et standardisées pour la 400 S. Les antennes, l’aileron avant et les 12 pots d’échappement sont des modifications faites pour le film.

Le côté hors-la-loi de la course séduit le réalisateur hollywoodien et ancien cascadeur Hal Needham, qui a écrit et réalisé Cours après moi shérif, avec Burt Reynolds. Il a demandé à Yates d’écrire le scénario d’un film basé sur la Cannonball. Tourné au cours de l’été 1980, L’Équipée du Cannonball montre des voitures étonnantes en action, témoignant de la compétence et de la passion de Yates et de Needham. La fiction hollywoodienne a pris le dessus et a fait de la Lamborghini Countach, qui a remporté la course dans le film, une star.

La Countach du film

« Comme beaucoup de gens de ma génération qui ­aiment les voitures, j’ai vu le film », raconte Jeff Ippoliti, de ­Celebration, en Floride, qui est actuellement le gardien de la Countach. « J’avais 18 ans, je grandissais dans le nord de l’état de New York, et j’ai été scotché, tombant profondément amoureux de la Countach. C’était la première fois que je voyais une telle voiture en mouvement et le son m’a vraiment stupéfié : jusque-là, je ne voyais que des Lamborghini et des Ferrari dans les magazines. Je suis probablement retourné au cinéma une douzaine de fois, et même dans mes rêves les plus fous, je n’ai jamais pensé que je pourrais posséder un jour une Countach, et encore moins la voiture même utilisée dans le film. »

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Cette Countach LP400S (numéro de châssis 1121112, noir avec un intérieur Senape/moutarde) fait partie de la deuxième série de 400S, et a été expédiée neuve de l’usine au concessionnaire SEA Auto de Rome, l’un des plus actifs à l’époque, le 14 novembre 1979. Elle a rapidement été ­exportée aux États-Unis : il n’existe aucune preuve que la voiture ait été immatriculée en Italie et il est fort probable que son premier propriétaire soit Terry Bernius, résident de ­Floride, qui était une connaissance du réalisateur Hal ­Needham. C’est Bernius qui a mis la voiture à disposition pour le film.

Comme il s’agit d’une 400S, elle présente des passages de roues évasés, un spoiler avant, une instrumentation revue, des suspensions abaissées, des freins améliorés et des pneus Pirelli P7 à profil bas pour ressembler à une Countach LP400 de 1975 unique qui était une commande spéciale modifiée à l’usine pour Walter Wolf, propriétaire de l’équipe canadienne de Formule 1 et millionnaire de ­l’industrie pétrolière. La Countach n’était pas officiellement disponible sur le marché américain avant 1986, mais ­depuis le début, des exemplaires ont été importés aux USA de façon non officielle, et ont été modifiés localement pour être autorisés à rouler. La 400S est considérée comme la série qui a mis la Countach sur les murs des chambres des adolescents américains. La forme plus pointue conférée par ses ajouts aérodynamiques a donné à la Countach le look caractéristique qui lui a permis de rester désirable pendant tant d’années.

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Après sa carrière dans le film et comme accessoire pour les filles de Hawaiian Tropic, la Countach a mérité sa restauration.

« J’étais déjà un passionné de voitures, depuis l’âge de cinq ans, explique Jeff Ippoliti. Mon grand-père a quitté l’Italie pour s’installer aux États-Unis à l’adolescence. Il a commencé à travailler comme mécanicien et a fini par devenir concessionnaire Ford. J’ai grandi entouré de voitures et, bien que ma carrière professionnelle m’ait orienté dans une autre direction, je n’ai jamais été loin d’elles. En 2004, avec mon frère, nous avons organisé un événement caritatif pour la Fondation Make a Wish, autour d’un concours, et nous voulions des voitures de cinéma. Nous savions que la Countach appartenait depuis le film à Ron Rice, un habitant de Floride, fondateur de la société de lotions solaires Hawaiian Tropic. Rice était sur le plateau pendant le tournage, en tant qu’ami du réalisateur et aussi en tant que sponsor, avec certaines des filles d’Hawaiian Tropic. »

Rice, originaire du Kentucky, a fondé la société en 1969 et, dans les années 1980, il était le riche propriétaire du fabricant de lotions solaires le plus connu des États-Unis. Sa marque était liée à un concours de beauté, dont les filles étaient sélectionnées pour apparaître dans les publicités de l’entreprise. Elles portaient souvent un bikini, et leur présence ornait les pistes et les paddocks de course, et dans le film, les scènes de piscine. C’est sur cette scène que Ron a vu la Countach pour la première fois, et a demandé à l’acheter. Il l’a payée en liquide, prétendument autour de 100 000 dollars, une somme énorme pour l’époque.

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« J’ai appelé le concessionnaire Lamborghini d’Orlando, en Floride, pour lui demander s’il connaissait Ron, raconte Jeff Ippoliti. C’était le cas. Un jour plus tard, Ron m’a rappelé, me disant qu’il ne pouvait pas venir en personne mais qu’il serait heureux de m’envoyer la Countach. La voiture était complète avec toutes les ­caractéristiques du film, y compris les ailerons, les feux et les instruments additionnels, et les 12 échappements, mais elle était en très mauvais état à ce moment-là. Quelque temps après le film, son intérieur a été changé en rouge foncé, et elle a souvent été utilisée pour toutes sortes d’activités, y compris pour aller à la plage, avec des filles d’Hawaiian Tropic assises sur le toit, etc. Pourtant, c’était une sensation incroyable de la voir en vrai, même si elle était pleine de bosses et d’éraflures. Pour moi, c’était LA voiture. » Et cela signifie que Jeff Ippoliti devait l’avoir. « J’ai parlé avec la personne que Ron a ­envoyée avec la Countach, en lui disant combien elle était importante pour moi, et ce type m’a répondu que Ron ­envisageait de la vendre. Je lui ai parlé peu de temps après, mais il en ­demandait beaucoup d’argent, bien au-dessus de la valeur du marché et bien au-delà de mes moyens financiers. Quoi qu’il en soit, j’ai continué à lui parler et, environ 18 mois plus tard, nous avons conclu un accord. En 2009, je suis devenu le propriétaire de cette Countach. Je me suis alors lancé dans une restauration de deux ans et demi, réalisée en grande partie par Anthony Ierardi à Naples, en ­Floride, qui était à l’époque le propriétaire de l’atelier Auto Italia, et l’intérieur a été réalisé en Californie, afin de la ­ramener à son état d’origine. Le bon côté de cette restauration, c’est que nous avons commencé avec tous les composants spéciaux encore présents sur la voiture. Tout était là, mais nous devions tout remettre à neuf. J’ai dû faire preuve de beaucoup de patience. »

La 400S a mis la Countach sur les murs des chambres des adolescents américains

Depuis qu’elle a été restaurée, la voiture est utilisée avec beaucoup plus de parcimonie et entretenue avec soin : plus de filles en bikini sur le toit, par exemple. « Il s’agit d’une 400S à carrosserie basse, ce qui signifie qu’elle est vraiment, vraiment basse, avec le spoiler avant à quelques centimètres de l’asphalte et de tous les obstacles possibles, explique Jeff Ippoliti. Il est même difficile de la faire entrer et sortir de mon allée. Je ressens la responsabilité d’en être le propriétaire. Aujourd’hui encore, même si elle est dans mon garage depuis dix ans, je n’arrive pas à croire qu’elle m’appartient. Et vous ne pouvez pas oublier à quel point elle est visible. Quand vous la conduisez, tout le monde la reconnaît comme la ­Countach « Cannonball ». Les gens entourent la voiture. C’est incroyable. »

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Pour confirmer encore plus l’importance de cette Countach dans l’histoire américaine, le châssis 112112 vient d’être inscrit comme « voiture n° 30 » dans le National Historic Vehicle Register des États-Unis, une association créée en 2013 en collaboration avec le ­Département de l’Intérieur américain pour la documentation de la Bibliothèque du Congrès. L’objectif, comme pour les bâtiments et les artefacts américains les plus importants, est de documenter et de préserver correctement l’histoire du véhicule, ainsi que toutes les informations possibles qui y sont liées, pour les générations futures. Étant donné que l’une des scènes les plus emblématiques du film est celle où Tara Buckman, en combinaison, saute de la Countach pour peindre à la bombe une croix sur le panneau de limitation de vitesse à 55 mph, il serait intéressant de voir les expressions des irrévérencieux Brock Yates et Hal Needham s’ils découvraient que cette voiture est désormais considérée comme faisant partie de l’histoire américaine, protégée à jamais.

Fiche technique

Lamborghini Countach LP400S 1979

Moteur V12, 3 929 cm3, 2 x 2 ACT, 6 carburateurs Weber 45 DCOE  Puissance 325 ch à 7 500 tr/min
Couple 352 Nm à 5 500 tr/min
Direction : crémaillère
Suspensions Av et Ar : triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques, barre antiroulis
Freins : disques ventilés
Poids 1 439 kg
Vitesse maxi 286 km/h
0 à 100 km/h 5”9

 

Cet sujet est paru dans le Hors Série Octane « 50 ans de la Lamborghini Countach », un numéro que vous pouvez vous procurez (cliquez ici) en papier ou en numérique sur notre boutique NG Presse.

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