En 2012, Tony Fernandes, patron de Caterham signe un accord avec Renault pour la conception et la production d’une petite sportive légère. « Si vous regardez la F1, il y a Ferrari et McLaren mais ils ne produisent que des autos extrêmement chères », balançait alors le boss de Caterham plein d’orgueil. « Nous allons produire une auto technologiquement inspirée de la F1 qui sera accessible à beaucoup plus de gens. » Et comme pour prouver que ce qu’il avançait n’était pas du bluff ou un simple rebadgeage d’un modèle Renault, Fernandes donna son accord pour que Caterham apporte la moitié des 150 millions d’euros nécessaires à ce projet, ce qui lui octroyait le même droit de regard sur la genèse de cette auto que son partenaire. Ce deal 50/50 signifiait aussi que la moitié des 6 000 exemplaires qui devaient être construits à Dieppe chez Renault Sport serait des Caterham.
Ce projet de petite sportive était également un point de départ pour un plan plus large prévoyant de créer une gamme complète de Caterham sur base de Renault Sport, comme les Clio R.S. ou encore le SUV Captur alors à l’étude en version sportive. Il s’agissait d’un pas en avant immense pour une si petite entreprise britannique mais Caterham donna encore plus de consistance à ce projet en transformant sa vieille usine F1 près de Norwich en un centre de développement pour les voitures de route abritant un staff de plus de cent personnes. La plupart d’entre eux effectuèrent d’incessants allers-retours entre la France et l’Angleterre lors de la conception de l’auto. L’accord de l’alliance franco-anglaise consistait en un partage de 85 % des composants entre les deux modèles, Caterham étant tout de même autorisée à proposer sa propre suspension, son propre réglage d’ESP, un frein à main mécanique plutôt qu’électrique et, plus prometteur, une version à boîte manuelle alors que Renault avait choisi de n’offrir qu’une double embrayage.
Le design de la Caterham fut confié à une entité de consultants dénommée Drive et basée dans le Surrey, mais ils furent intégrés au pool de designers Renault dans leur studio parisien. Tout comme pour l’ingénierie, parvenir à créer deux styles sur une même base technique réclama de trouver de fins équilibres entre parties communes et besoin de singularité. Des éléments aussi importants (et chers à produire) que les feux, les vitrages, les rétroviseurs ou les poignées de porte pouvaient être partagés, mais la carrosserie en aluminium de la Caterham se devait d’être unique. Elle devait rappeler la Seven (la calandre béante, les bas de caisse rappelant les échappements latéraux) tout en adoptant un style moderne et aiguisé qui devait surtout ne pas ressembler au style rétro de l’Alpine. Tout se déroula sans accroc jusqu’en 2014, date à laquelle selon le planning prévu l’outillage de production extrêmement onéreux devait être commandé. Les nuages commencèrent alors à obscurcir l’horizon.
Lors de la signature de l’accord, Caterham avait accepté de contribuer à hauteur de 75 millions d’euros au budget global mais les fonds injectés ne dépassèrent jamais les 20 millions d’euros. Ils n’avaient clairement pas le cash pour poursuivre l’aventure. Renault accepta de mettre la main à la poche pour payer le travail effectué jusque là par son partenaire et décida de poursuivre sa route seul. Caterham fut donc contraint de dissoudre son équipe de développement et d’enterrer le projet C120. Ne subsiste de cette période qu’une paire de maquettes de style dont une est exposée dans leur show-room de Crawley. Si l’on reste positif, on se réjouira que le travail effectué ensuite par Renault sur cette sportive ultra-légère ait abouti à la superbe Alpine A110 que l’on connaît, une auto qui n’aurait sans doute jamais existé s’il n’y avait eu l’implication de Caterham en tout début de projet. Encore mieux, débarrassés de l’obligation de construire les 3 000 exemplaires de la version Caterham, l’usine de Dieppe a été capable de produire plus d’A110 que prévu, ce qui a contribué à réduire des délais de livraison partout en Europe. Et rien que pour cela, les clients d’A110 peuvent remercier cette Caterham C120 qui n’a jamais vu le jour.
IL S’AGISSAIT D’UN IMMENSE PAS EN AVANT POUR UNE SI PETITE ENTREPRISE