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Découverte Ferrari 550 Maranello : À l’avant, comme avant

En 1996, la 550 Maranello proposait de nouveau un V12 avant au sommet de la gamme Ferrari. Elle signait alors, avec brio, le retour d’une forme de grand tourisme moins ostentatoire.

Genèse

La stratégie des modèles de l’après Enzo Ferrari a été brillamment négociée sous la houlette de Luca di Montezemolo, lui qui avait commencé comme assistant du Commendatore et responsable de la Scuderia Ferrari dirigera ensuite Ferrari pendant 23 ans. En 1992, la 456 GT et sa carrosserie 2+2 inauguraient l’ère d’un grand renouvellement créatif, suivie en 1994 de la F355, berlinette à deux places et à moteur arrière. Après la radicale F50 de 1995, Ferrari présentait la 550 Maranello qui prenait la suite de la deuxième lignée de berlinettes à moteur boxer central, les Testarossa, 512TR puis F512 M, commercialisées jusqu’en septembre 1996. Si ces dernières, dans la continuité des BB, avaient marqué bien des audaces stylistiques, la 550 Maranello mettait fin à un quart de siècle de moteur 12 cylindres central arrière.

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Avec elle, Pininfarina pouvait reprendre le fil d’une évolution interrompue avec la disparition de la dernière berlinette Ferrari à moteur avant, la 365 GTB/4 « Daytona ». Le projet, baptisé F133, est lancé au printemps 1993. Parmi les hommes qui ont écrit la légende de Ferrari, les stylistes demeurent les plus secrets. Chez Pininfarina, ils étaient deux mis en compétition : Maurizio Corbi et Elvio d’Aprile, et c’est le dessin de ce dernier qui fut retenu.

Au cours de la décennie 1990, l’époque n’est plus au style flamboyant. On retrouve, dans la longue tradition des GT de la marque, un profil classique, bicorps, avec un long capot et deux vitres latérales. Il se distingue par une musculature galbée, des hanches larges et puissantes délimitées par une ligne de ceinture horizontale. Tenu par des montants fins, le cockpit semble flotter. La collaboration de Pininfarina et Ferrari a également permis une aérodynamique des plus perfectionnées, au prix de milliers d’heures passées en soufflerie.

Lors de la présentation de la voiture, Lorenzo Ramaciotti, Président du département Studi e Ricerche de Pininfarina avait expliqué : « Il fallait retrouver le style dépouillé des GT originelles, la pureté d’une 275 GTB plutôt que le style maniéré de la 365 GTB/4. » C’est réussi, la 550 Maranello est aussi agressive que sa devancière, la F512 M, mais d’une autre façon, moins tapageuse. Sa présence visuelle doit beaucoup à son long capot galbé et à sa largeur, mais l’auto est courte aux standards actuels : seulement 4,55 m de long. Le dessin des feux arrière rappelle la 456 GT tandis que le rehaussement du coffre arrière, dans sa partie centrale, fut dicté par l’aérodynamique.

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Pininfarina a regroupé les appendices aérodynamiques sur la face avant pour dégager le dessin

Il fallait aussi se démarquer de la 456 GT dont la 550 reprend son implantation mécanique : « Définir une identité propre en jouant sur des lignes plus tendues et des lumières plus marquées, et en intégrant des phares fixes » continuait Ramaciotti. L’heure n’était plus aux phares escamotables qui ont régné durant plusieurs décennies sur le design automobile. La 456 GT et la F355 resteront comme les dernières représentantes du genre à Maranello.

Un V12 avant

Avec son V12 à l’avant et son architecture transaxle reprise aux GT d’antan (un ensemble boîte-pont à l’arrière), la 550 Maranello se pose comme une réincarnation évidente de la Daytona, mettant fin à un quart de siècle de douze cylindres à plat et de disposition central-arrière de ces 12 cylindres. Ce retour à l’avant s’est imposé par la volonté d’offrir une habitabilité accrue et par le respect des normes de sécurité. Ferrari voulait aussi une voiture plus facile, moins impressionnante à emmener pour son pilote, mais dont les performances devaient également faire un bond en avant.

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L’abandon des phares escamotables était un des éléments clés du design de la 550 Maranello

Depuis la 456 GT, suivie par les F355 et F50, chaque nouvelle Ferrari des années 90 introduisait des innovations techniques marquantes. Citons entre autres sur la 550 Maranello un système à géométrie variable de l’admission et de l’échappement ou une gestion électronique de l’amortissement sur chaque roue, repris (mais perfectionné) à la F50.

Côté performances, la marque annonçait un temps au tour sur le circuit de Fiorano (1’34) inférieur de 3” à celui de la F512 M. La vitesse maximale était de 320 km/h et le kilomètre départ arrêté était atteint en seulement 22”5.

Le V12 de la voiture reprenait la cylindrée (5 474 cm3) et les cotes d’alésage de la 456 GT. Il utilisait aussi des poussoirs hydrauliques, comme la dernière version du V8 maison, et des bielles en titanes, tout en étant équipé de nouvelles culasses conservant quatre soupapes par cylindre. Avec 485 ch à 7 000 tr/min, sa puissance était supérieure d’une quarantaine de chevaux à celle de sa sœur à quatre places.

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Elle sait marier performances ahurissantes et facilité de pilotage : à sa sortie, elle était sans concurrence.

Un châssis soigné

Pour le châssis, Ferrari restait fidèle à une structure tubulaire en acier sur laquelle était soudée la carrosserie en aluminium, une plateforme elle aussi empruntée à la 456. La prise de poids par rapport à sa devancière restait mesurée et un effort était apporté à la réduction des masses non suspendues. Pour ce faire, la 550 Maranello adoptait notamment des roues en magnésium de 18 pouces, ce qui n’empêchait pas un poids relativement élevé de 1 690 kg.

Côté freinage, Brembo a œuvré et vantait une technologie issue de la F1, notamment pour le refroidissement du liquide hydraulique. Ferrari annonçait fièrement 1 g de décélération grâce à des disques ventilés de 300 mm à l’avant et de 310 mm à l’arrière. En plus de l’ABS, la répartition du freinage entre l’avant et l’arrière était assurée par électronique. Le contrôle de traction, intervenant sur les freins arrière et sur la gestion moteur, pouvait être déconnecté, mais Ferrari expliquait que « même nos plus fins essayeurs font de meilleurs temps en l’utilisant ». Un commutateur permettait de basculer l’amortissement entre deux modes normal et sport : développé avec Bilstein et Kostal (pour la gestion électronique), il réagissait selon la position de la pédale d’accélérateur.

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La planche de bord privilégiait l’ergonomie : une notion jusque-là plutôt abstraite chez Ferrari.

Un exemplaire français

Notre exemplaire du jour, immatriculé pour la première fois à Monaco en février 1998, fut vendu par Pozzi Levallois à un client du Rocher. Il y est resté trois ans, puis reviendra à Paris où il arborait une immatriculation « PSD 75 » avant de couler des jours heureux en Bourgogne.

Sur cet exemplaire, tous les éléments habituellement noirs de l’habitacle sont tendus de cuir rouge : miam !

Lorsque vous étiez décidés à passer commande de votre 550, pas moins de dix-sept teintes de carrosserie et douze couleurs de cuir étaient proposés au catalogue. De quoi offrir de nombreuses combinaisons de teintes ! Notre 550 Maranello se présente ainsi dans un intrigant combo, Grigio Nürburgring associé à un rouge sombre dans l’habitacle. Surtout, ici le noir de la planche de bord, de la moquette, des montants ou du ciel de toit ont laissé place à du rouge. Miam.

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À l’intérieur Ferrari offrait un choix entre douze couleurs de cuir pour la sellerie.

Les somptueux sièges proposent des réglages entièrement électriques. En option, une sellerie dite Daytona, perforée, était disponible, tout comme des baquets à coque carbone. Ou encore un set de valises et un sac de golf conçus sur mesure pour optimiser la capacité du coffre de 185 dm3, tout comme l’important espace disponible derrière les sièges avant. On y trouve même des sangles de cuir, rouges, pour y maintenir ses affaires.

Le propriétaire de cet exemplaire nous confie : « J’aime sa discrétion vue de l’extérieur et son côté baroque, osé, dedans. C’est une combinaison très rare avec la casquette de tableau de bord et le volant rouges. » N’est ce pas encore mieux quand une Ferrari est rouge, mais à l’intérieur ? Quel superbe plaisir égoïste.

Pas de rivales

À son lancement la 550 Maranello n’avait pas réellement de rivale. La voiture qui s’en rapprochait le plus était certainement l’Aston Martin DB7 Vantage et son V12 signé Cosworth. Mais il s’agissait d’un moteur plus industriel, sur base Ford. L’exclusivité de prendre le volant de la Ferrari s’en ressent davantage. D’autant qu’enthousiaste, son propriétaire me vante les mérites de « son couple incroyable, d’une habitabilité remarquable et d’une facilité à avaler les kilomètres sans broncher ».

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Le placement à l’avant du V12 fut un élément décisif, toujours d’actualité aujourd’hui.

Il est vrai que lors des premiers tours de roues, ses performances supérieures sont tangibles. Le V12 maison propose une souplesse encore accrue et un comportement inédit. Il dévoile déjà 420 Nm de couple à 1 500 tr/min et atteint le cap des 570 Nm à 5 000 tr/min : c’est plus de couple que sur le V12 de la F50 !

À son lancement, la 550 Maranello n’avait aucune rivale. La DB7 Vantage ? Nettement moins exclusive

L’échappement d’origine, atone, a ici cédé la place à une demi-ligne Tubi du meilleur effet. La direction asservie à la vitesse délivre une précision et une qualité de réponse remarquable. Quant au caractère du V12 inspiré par la compétition, il éveille une ambiance qui laisse volontiers place à la conduite sportive. N’oublions pas que ce V12 emporta deux années de suite, en 2000 et 2001, le prix du meilleur moteur dans la catégorie « supérieure à 4 litres » de l’International Engine of the Year.

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La dernière boîte manuelle

À l’usage, la 550 Maranello se montre avant tout polyvalente et sécurisante. Elle sait aussi se montrer intéressante et vive à piloter, mais par son choix architectural idéal, l’équilibre du comportement est rassurant, tout comme son freinage puissant. Bien sûr, point de boîte automatique ou pilotée, mais la célèbre grille six vitesses en alu au « clac » caractéristique. La 550 Maranello restera comme l’ultime Ferrari à moteur V12 avant à imposer la boîte manuelle, sans autre choix possible.

Avec elle, Ferrari a su concilier performances, habitabilité et art de vivre avec un raffinement notable. Oui, la 550 Maranello se montre garante des marqueurs traditionnels d’un grand tourisme sur lequel Ferrari a bâti son essor commercial. Mais surtout, la 550 Maranello reste aujourd’hui encore une machine envoûtante conçue pour voyager loin. Avaler des kilomètres à son volant reste, aujourd’hui encore, aussi agréable (voire plus) qu’en 1995. Pourquoi s’en priver ?

Fiche technique

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Ferrari 550 Maranello

Moteur V12, 5 474 cm3
Puissance 485 ch à 7 000 tr/min
Couple 570 Nm à 5 000 tr/min
Transmission Manuelle à 6 rapports, propulsion, différentiel à glissement limité 
Suspension Av et Ar : triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs ajustables électroniquement, barre antiroulis. 
Direction Crémaillère, à assistance hydraulique
Freins Disques ventilés Av : 309 mm, Ar : 310 mm, ABS 
Jantes Av : 8 x 18”, Ar : 10 x 18”, magnésium.
Pneus Av : 255/40 ZR18, Ar : 295/35 ZR18 
Poids 1 716 kg
Rapport poids/puissance 3,54 kg/ch
Vitesse maxi 320 km/h (annoncée) 
0-100 km/h 4”4 (annoncé)
Production 1996-2002, 3  715 exemplaires
Cote en 2024 110 000 – 180 000 euros

 

Cet article est paru dans ENZO n° 18, un magazine que vous pouvez vous procurer sur notre boutique NG Presse, en format numérique.

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