Le Rallye Monte-Carlo 2024 nous a offert un début de saison à la hauteur de l’évènement qu’est ce rallye mythique. Que ce soit en WRC ou en WRC2, la bagarre a eu lieu jusqu’au dernier jour de course avec, dans la division inférieure, un dénouement qui s’est joué dans l’ultime spéciale. Cette édition dépourvue de neige malgré un retour dans les Hautes Alpes a malgré tout tenu ses promesses avec un départ jeudi soir qui restera dans les mémoires de tous ceux qui ont suivi la diffusion en direct sur Canal+ (ou ailleurs) et encore plus dans celles de ceux qui se sont déplacés dans les fameux tourniquets de Bayons. Le spectacle offert par les milliers de spectateurs a été absolument grandiose et le suspense offert par les pilotes le fut tout autant.
Les tourniquets de Bayons vus de l’intérieur
Chez les Rally 1, la lutte à 4 s’est limitée rapidement à 3 lorsque Ott Tanäk s’est fait piéger comme beaucoup d’autres par une plaque de verglas le vendredi matin. Les spectateurs l’ont certes remis sur la route rapidement mais le retard accumulé allait être impossible à remonter tant les trois de devant se sont tirés une bourre de tous les instants. Elfyn Evans (Toyota) était le plus rapide le jeudi soir mais Thierry Neuville (Hyundai) et Sébastien Ogier (Toyota), nonuple vainqueur de l’épreuve, ne tardait pas à revenir sur le Gallois. Le Français que l’on sentait accablé par la perte d’un proche ne parvenait pas tout de suite à se lâcher et devait laisser le Belge et sa i20 en grande forme prendre les commandes. Toutefois un tête à queue sans conséquence fâcheuse (Neuville qui a de la chance, c’est nouveau !) ralentissait son échappée et Ogier recollait jusqu’à prendre la tête dans l’après-midi du samedi. Les deux hommes évoluaient alors sur une autre planète claquant des chronos ahurissants sur la plupart des spéciales. Mais à ce petit jeu, c’est Neuville qui va être exceptionnel et qui, après plusieurs scratchs d’anthologie le samedi soir et le dimanche matin, signe une victoire sans appel à Monaco (16 s d’avance).
Il remporte la journée du samedi, celle du dimanche et la Power Stage et empoche les 30 points. Sébastien Ogier n’aura pas réussi à contrer le Belge dans une forme resplendissante qui signe ici son 20e succès en WRC, le deuxième sur le Monte-Carlo après celui de 2020. C’est d’autant plus beau lorsque l’on sait qu’Ogier ne joue pas le championnat et qu’une deuxième place aurait déjà été un excellent résultat pour le Belge. La Hyundai semble être à la hauteur de la Toyota, il faudra dorénavant voir dans 3 semaines en Suède, si c’est encore le cas sur un terrain glissant.
Si la Marseillaise n’a pas retenti en WRC dans la principauté, ce fut le cas en WRC2 où Yohan Rossel (Citroën) a enlevé la victoire dans la 17e et toute dernière spéciale du rallye. Durant toute l’épreuve, Pepe Lopez sur une Fabia privée, Nikolay Gryazin et Yohan Rossel sur les C3 officielles se sont livrés une bagarre phénoménale à coup de secondes voire de dixièmes de seconde. Le Français qui débutait la dernière journée en troisième position réussissait à faire son retard sur les trois spéciales programmées et à remporter pour la deuxième année le Monte-Carlo au bout du suspense (4 secondes d’écart après plus de 300 km de chronos).
Mais le plus difficile à comprendre après ce fantastique rallye, c’est la raison pour laquelle le WRC est en crise. Dès que l’on programme des rallyes mythiques historiques, on constate un engouement populaire incroyable. On a compté entre 50 et 100 000 personnes sur la fameuse ES2 des tourniquets de Bayons, preuve qu’en France, l’amour pour cette discipline reste grand dans les régions montagneuses. La fracture entre les modes de vie en ville et à la campagne/montagne s’élargit d’année en année, c’est ce que l’on comprend en voyant la fête extraordinaire qui a eu lieu ce jeudi soir au passage des autos. Tous les gens présents sur ce type d’évènement (et ils sont nombreux) ne comprennent pas les politiques routières et automobiles décidées à Paris, c’est un fait.
D’un autre côté, les télés cherchent des spectacles calibrés en timing (comme la F1 sur deux heures) mais lorsqu’on voit la réalisation de Canal+ qui a diffusé toutes les spéciales en direct, on se dit que c’est malgré tout possible. Le nouveau système de points un peu complexe (et décrié) expliqué dans notre guide n’a pas influé vu que la bagarre a été intense jusqu’à l’arrivée mais il faudra voir à l’usage si cela apporte plus d’intensité le dimanche, lorsque les positions se figent et que les concurrents économisent leurs pneus pour la Power Stage.
Reste que le rallye est toujours une discipline extrêmement populaire et que les voitures, certes coûteuses et complexes, sont absolument fascinantes à voir évoluer. C’est même à se demander pourquoi on entend que le WRC est en crise ! Si d’autres constructeurs ne s’engagent pas comme le font Hyundai et Toyota, alors qu’on leur a offert ces Rally 1 hybrides, il est difficile de penser que c’est à cause du coût des autos. Quand on veut se séparer de son chien, ne dit-on pas qu’il a la rage ?
Ce serait tellement dommage.