C’est au moment où j’ai déposé mon blouson polaire dans le coffre que je l’ai vue. Je ne me suis pas attardé dessus car la température affiche -19° et qu’étant donné que rester dehors par ce genre de température vous givre les poils de nez en moins de trente secondes, je n’ai pas envie de découvrir quelle autre partie de mon corps gèle juste après. De quoi je parle ? De la pelle que l’on trouve dans toutes les autos que 4Move propose à l’essai sur ce lac gelé situé à quelques minutes d’Arvidsjaur, dans le nord de la Suède. Jean-Christophe et son staff de coachs, Adrien, Benoît, Sidhant et Loïc, m’expliquent en souriant que, généralement, les participants découvrent assez vite l’art du pelletage, un exercice parfaitement pédagogique qui oblige à beaucoup mieux se concentrer ensuite sur ses trajectoires et ses gestes. Oui, car même si cela réchauffe, on n’a pas très envie de recommencer.
Un lieu reculé mais accessible
Arvidsjaur est un haut lieu des essais grand froid pour tous les constructeurs, manufacturiers et fournisseurs automobiles de la planète, et même s’il s’agit d’un endroit reculé, il dispose d’un aéroport qui vous met à seulement 15 minutes du site de 4Move.
Si l’entreprise existe depuis 12 ans (dont 9 pour le centre de pilotage), le nouveau paradis où s’est installé Jean-Christophe il y a 2 ans est tout simplement magique car vous êtes à 100 m d’un lac recouvert de 80 cm de glace où vous attend le parc d’attractions le plus givré que l’on puisse imaginer lorsqu’on aime les sportives. L’intérêt de ce lac est qu’il est parsemé de plusieurs petits îlots boisés qui deviennent des repères visuels pour l’apprenti pilote et autour desquels Jean-Christophe David et le propriétaire des lieux ont dessiné des tracés rien moins que jouissifs. Et pour le simple contemplateur, c’est juste magnifique.
Jean-Christophe est un ingénieur metteur au point qui bosse dans les parages depuis plus de 20 ans mais c’est avant tout un fanatique de sportives et du beau geste derrière un volant. Pour ses clients, il a imaginé trois circuits qu’il est possible de relier. Le Drift Track d’un peu plus d’un kilomètre avec son aire plane permet de se faire la main tranquillement à bonne distance des murs de neige. Le Rally Track de 2,3 km commence à vous donner quelques sueurs avec ses enchaînements, ses courbes qui referment et son épingle tandis que le bien nommé Fast Track de 2,7 km avec ses courbes interminables en quatrième va vous faire connaitre vos premières crampes de fesses.
Des sportives pour les passionnés de pilotage
L’idée de 4Move n’est pas de vous en mettre plein les mirettes avec des noms ronflants, non, leur truc c’est de parler aux purs fanatiques. Si vous vous êtes un jour retrouvés sur un bord de route dans le froid pour voir passer des WRC ou si vous aimez assister à quelques compétitions du Drift Masters European Championship ou que vous adorez les vidéos de rallye historique, vous vous sentirez chez vous. Le choix des autos s’est fait sur leurs qualités d’équilibre et de progressivité. Ainsi, pour débuter, vous aurez à disposition une Peugeot 308 GTi traction de 270 ch légèrement préparée mais surtout des propulsions à moteur avant réputées pour leur facilité à glisser. Plusieurs Toyota GT86 (une GR86 doit bientôt arriver) vous attendent pour débuter. Avec 200 ch et un couple anémique, on découvre comment synchroniser ses gestes pour maîtriser la glisse et ne pas la subir. On trouve aussi une Nissan 370Z à l’échappement inox produisant un son magique ou une Mustang GT dont le V8 ravit lui aussi les oreilles.
Plusieurs de types de moteur sont représentés : 3 cylindres, 4 à plat, 4 cylindres en ligne, V6, V8, mais aussi 6 en ligne puisque vous pouvez également découvrir la glisse en M3 E36 3,2 litres. Pour les coeurs d’artichaut comme moi, il est même possible de réaliser un rêve en prenant le volant joliment tulipé d’une Escort RS2000 Mk1 préparée pour le rallye et sortant 170 ch. Elle demande à être cravaché au-dessus des 3 500 tr/mn pour fonctionner et vous oblige à tricoter avec la boîte aux débattements ultracourts. L’onctuosité de ses dérives aidée par ses pneus à clous Burzet se combine à la rage sonore de son moteur pour vous transporter ailleurs. Vous vous retrouvez tout à coup dans la peau de Roger Clark au RAC Rally 74. Et si vous êtes plutôt fan de Jean-Pierre Nicolas ou Vic Elford, une Porsche 911 3.2 G50 est aussi disponible.
L’Alpine A110 est là pour démontrer les bénéfices de sa légèreté en étant capable de rouler extrêmement fort sans gros clous tandis que le Cayman 981 GT4 monté façon Clubsport (avec de gros clous pour lui) va faire hurler son flat-6 de 385 ch pour vous ensorceler littéralement. Vivement que les 911 GT3 et 718 GT4 RS promises pour 2024 rejoignent le cheptel. Et ce n’est pas tout …
L’apprentissage
Pour résumer, le pilotage, c’est apprendre à gérer la saturation des trains lors des transferts de masse. Que l’on soit sur glace, sur terre ou sur goudron, c’est toujours la même histoire. L’avantage de la glace est que l’on perçoit plus facilement les conséquences de ses actions au volant. Survirage et sous-virage surviennent à des vitesses basses et se prolongent suffisamment longtemps pour que le cerveau les identifie clairement. Ceci permet de comprendre une chose essentielle qui n’a absolument rien de naturel : en cas de sous-virage, pour parvenir à faire tourner une auto, il faut en général débraquer… pour retrouver le grip et reprendre les gaz ! À une vitesse donnée, un pneu trop braqué sature et perd l’adhérence. Instinctivement, on rajoute du volant pour essayer de tourner mais ce faisant, vous accentuez le phénomène et tirez droit. Commence alors la rééducation de votre cerveau qui doit admettre que dans ce cas, il faudra ouvrir votre volant délicatement, attendre de sentir que l’auto retrouve son pouvoir directionnel et reprendre les gaz pour la faire pivoter. Tout cela en allant droit vers le mur de neige ! Cela n’a rien de naturel mais, au pire, la fameuse pelle dans le coffre vous forcera à changer vos habitudes.
En plus du patin en acier fixé à l’avant par Roy le mécano du staff pour ne pas s’enfoncer dans la neige et protéger les boucliers mis à rude épreuve, les autos subissent toutes une préparation particulière, allant du réglage des trains pour adapter l’équilibre et les rendre agréables à piloter, jusqu’au renforcement des transmissions ou la fiabilisation du système électrique pour les plus vintage afin de la faire fonctionner correctement dans un environnement aussi hostile capable de vous bloquer les freins à chaque arrêt. Quand les ornières se creusent ou que les murs de neige sont percutés avec un peu trop de vigueur, les trains et les roulements fatiguent. Afin de préserver les transmissions, Jean-Christophe choisit méticuleusement le cloutage de chaque voiture. Il faut qu’il soit adapté à la puissance (la règle, c’est un clou par cheval) mais aussi à l’équilibre et à l’objectif recherché. Ainsi, en mettant plus de clous à l’avant qu’à l’arrière, on protège la transmission tout en augmentant le plaisir du pilote qui fera pivoter plus aisément la voiture. Certaines autos roulent avec des clous de 3 mm, d’autres avec des clous de 5 mm (sur route, c’est pas plus d’1,5 mm), ce qui permet d’accélérer le rythme progressivement, une fois les étapes de compréhension acquises.
Sachant que les forfaits proposés permettent de rouler entre 3 et 5 heures par jour (pour des tarifs allant de 5 000 à 12 000 €, voyage et hébergement compris), vous allez vous améliorer, c’est forcé. Vous serez aussi très fatigués. Mais heureux.
Le grand frisson
Le passage aux quatre roues motrices est un autre volet de l’apprentissage. Les deux Subaru Impreza GT et WRX à la santé moteur étonnante et à la répartition de puissance figée à 50/50 sont des écoles de patience tant elles demandent de l’implication et du temps avant de pivoter mais surtout, cela permet de saisir tout de suite les progrès en matière de transmission lorsque vous passez sur la Toyota GR Yaris qui dans son mode Sport envoyant 70 % de sa puissance vers l’arrière se révèle d’une facilité et d’une efficacité confondantes. Mais le grand frisson intervient lorsque le staff consent à sortir la bête.
Une Mitsubishi Lancer Evo 9 (286 ch et 392 Nm de couple) aux trois modes de conduite (Tarmac, Gravel, Snow) flanquée des plus gros clous possibles m’attend. Les premiers virages sont littéralement pris ‘sur le grip’ comme sur du bitume, c’est le signe qu’on peut (doit) accélérer. Grâce au différentiel central et au pont arrière piloté capable d’envoyer plus de couple sur la roue extérieure, l’auto devient un jouet intuitif. La direction est extrêmement légère et tout semble plus facile jusqu’au moment où vous vous rendez compte que vous virevoltez à plus de 120 km/h. Votre niveau de concentration atteint des sommets, tout se passe à des vitesses tellement plus rapides que vous n’avez plus le temps d’admirer le paysage. Mieux vaut ne pas imaginer les conséquences d’un raté (la pelle ne suffirait plus).
Malgré cela, la sensation de maîtrise est absolument jouissive. Les tours s’enchaînent en affinant les trajectoires, en amplifiant les mises en dérive et les appels contre-appels et en éliminant les corrections au volant. Ma fesse gauche est tétanisée, mes genoux et mes épaules sont douloureux. Je suis déshydraté. Mais tout est normal car, mine de rien, je viens d’aligner trois tours des deux circuits réunis soit plus de 15 km d’une intensité et d’une jouissance que je n’ai connues nulle part ailleurs. Je suis addict. Totalement et éternellement.
Et la pelle me diriez-vous ? Petite fierté personnelle, je n’ai jamais eu à la sortir pendant mes deux jours. Quand on déteste les travaux manuels, on devient bon pilote…
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