Nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec l’octuple champion du monde des rallyes à l’occasion de l’essai glace de la GR Yaris phase 2 réalisé en Finlande et de la présentation de son édition spéciale Ogier, produite à 200 exemplaires dans le monde. L’occasion de parler de sa configuration, des sportives qui se cachent dans son garage, du WRC et de ses projets sans langue de bois.
Commençons dans cette première partie par évoquer son édition spéciale ainsi que son garage personnel.
Carfans : Racontez-nous la genèse de ce projet d’édition spéciale de GR Yaris ?
Sébastien Ogier : « Ça fait un bout de temps que l’on en parle avec Akio Toyoda. Il a tout de suite accroché à l’idée, mais il n’y a rien eu de concret pendant un certain temps. Puis le lendemain du rallye du Japon 2022, il invite les pilotes officiels dans son centre spécial où il accueille des partenaires, organise des réunions importantes… Il a d’ailleurs un petit circuit et nous a battu à l’Akio Challenge au volant de GR86 ! À notre désavantage, tous les pilotes ont raté des rapports en raison du volant à droite. Le parcours était secret jusqu’à la dernière minute. On avait le droit à un passage. Lui s’était entraîné depuis des semaines ! Mais il a réussi à battre des champions du monde. Il était très fier de ça. Il nous reçoit en grandes pompes, avec des grands crus français au menu. J’étais assis à côté de lui et j’en profite pour le relancer sur ce projet d’édition spéciale que les fans allaient forcément adorer. La version normale part comme des petits pains, donc ça doit cartonner ! Il me répond que c’est une très bonne idée et 48h plus tard, un de ses assistants m’appelle pour me confirmer le lancement du projet. Il m’a précisé qu’ils avaient besoin des pilotes, qu’ils soient impliqués à fond pour amener leur touche personnelle. J’étais surpris, je ne pensais pas que l’on nous impliquerait autant. Ce n’est pas que marketing… Il y a eu pas mal d’échanges. Ils sont venus à Munich, où j’habite. Nous avons utilisé une petite piste Audi à côté de l’aéroport pour développer les modes de la transmission intégrale. Ils ont amené ce jour-là plein d’échantillons de couleurs pour voir dans quelle direction je souhaitais aller. La voiture n’est pas métamorphosée, mais il y a une vrai touche personnelle choisie en toute liberté. Quand on voit celle de Kalle, on se dit qu’il y a peu de constructeur qui aurait accepté ce côté extrême ! Au Japon, il y a une Coupe spécifique et de nombreuses pièces ont été développées dans ce cadre-là. On aurait pu aller plus loin sur le plan technique avec les éditions spéciales, mais il faut aussi tenir compte de la hausse de prix (NDLR : non définis jusqu’à l’établissement de quotas par pays). Il ne faut pas les faire exploser non plus… J’ai eu la chance de faire une liste d’attribution qui à la base devait contenir dix personnes. Je ne suis pas loin des trente avec les nombreuses requêtes que j’ai eues… Il en resterait donc 70 à attribuer pour l’Europe, plus 100 pour le Japon. L’Edition de Kalle sera aussi produite à 200 exemplaires au total. »
J’étais surpris, je ne pensais pas que l’on nous impliquerait autant.
CF : Comment se caractérise votre édition « Ogier » ?
S.O : « Elle se caractérise avant tout par la sobriété, qui me correspond davantage. Je ne suis pas fan de tuning. Si des éléments doivent être ajoutés, il faut qu’il y ait de la performance derrière. Par exemple, l’aileron rappelle vraiment la WRC, améliore le look trop sage de l’arrière et trop proche de la version de base. Il ajoute un peu d’appui, mais il joue avant tout un rôle esthétique. C’est une pièce unique en carbone ! Une équipe a bossé pendant des mois pour créer le moule de cet aileron. Il est dédié à cette édition et fabriqué dans l’usine où était créé la coque carbone de la LF-A. On a visité l’an dernier l’usine des GR Yaris au Japon. C’était impressionnant de voir l’attention portée à chaque détail. Les autos sont produites dix fois plus lentement que les Yaris classiques. Chaque étape de fabrication a un niveau d’attention beaucoup plus élevé. C’est à mi-chemin entre la production de série et un atelier de voiture de course. La géométrie est réalisée avec des tolérances beaucoup plus faibles que celle des autos de série. J’aurais pu y rester deux jours à observer chaque étape de production. Ils nous ont expliqué que la peinture de Kalle utilise une technique spéciale multicouches. C’est une espèce de pochoir pour intégrer ce qui ressemble à des stickers. Ils ont mis du temps pour obtenir ce rendu en multipliant les couches. Ma couleur n’était pas dans la gamme. J’ai opté pour un gris assez classe qui me correspond. Je n’aime pas me mettre en avant. Au quotidien, je roule avec mon petit C-HR à Munich pour passer inaperçu ! Alors que j’ai des supersportives dans le garage… »
Si des éléments doivent être ajoutés, il faut qu’il y ait de la performance derrière
CF : Puisque vous l’évoquez, parlons un peu de votre garage personnel.
S.O.: « Alors, est-ce que j’ai le droit d’en parler ? Allez… Pour fêter mon premier titre, je me suis acheté une 458 Speciale qui reste une auto super sympa et que je vais garder. J’y tiens car c’est le premier cadeau que je me suis offert après le couronnement fin 2013, j’adore le V8 atmo’. Elle a bientôt dix ans et elle n’a même pas 8000 km. J’aurais aimé avoir la F12 tdf, mais je n’ai pas réussi. Malheureusement chez Ferrari, il faut avoir plein de cartes grises pour y accéder. Les titres et la notoriété n’y font rien. Il y a deux ans, pareil, j’ai essayé d’avoir la 812 Competizione, sans succès parce que je n’en ai pas assez. J’en n’ai qu’une ! J’ai quelques Porsche aussi, j’ai toujours aimé cette marque.
J’ai deux 911 GT3 RS, la dernière et celle d’avant. C’est une voiture de course ! La 992 est quasi neuve, je suis allé la chercher à Stuttgart il y a quelques mois. Dans la rue, les gens demandent si on a le droit de rouler avec ça ! J’ai aussi une 992 Sport Classic que j’aime beaucoup en look, un peu moins en pilotage. Et je vais recevoir une 992 S/T dans quelques semaines. Je roule très peu avec ces sportives. Au quotidien, j’utilise le CH-R et la première GR Yaris, je suis impatient d’avoir la nouvelle. Ma femme va adorer la boîte automatique. J’ai aussi une Lexus RX500 et c’est celle que j’utilise le plus parce qu’il faut de la place avec un enfant, une femme et deux chiens… C’est ce qui nous convient le mieux ! »
Chez Ferrari, il faut avoir plein de cartes grises pour accéder aux éditions limitées. Les titres et la notoriété n’y font rien !
CF : À quoi correspond la touche « Push Ogier » et « Morizo » sur la console centrale de votre édition ?
S.O. : « En fait, ce sont des modes proches de ceux de la GR Yaris phase 2 normale parce qu’ils sont déjà très efficaces et qu’ils fonctionnent bien. En gros, le mode « Ogier » est le plus efficace pour réaliser un chrono sur circuit. Le mode « Morizo » équivaut au « Donut » disponible sur la Kalle et dédié à la glisse. Le jour où nous avons mis au point mon mode, nous avons travaillé comme une séance d’essais de rallye. Sur le petit circuit qu’on avait, j’ai optimisé les réglages pour être le plus rapide possible. C’était sur de l’asphalte mouillé avec un peu de neige par endroit. Donc des conditions difficiles idéales pour mettre la voiture en défaut. Le résultat est proche du mode Track présent sur la phase 1. Vous découvrirez bientôt la répartition exacte… Kalle, lui, ne cache pas qu’il adore le drift ! Cette année, il va d’ailleurs profiter de cette pause en WRC pour courir en drift et sur circuit aussi avec la Porsche Cup Benelux. »
Le mode « Ogier » est le plus efficace pour réaliser un chrono sur circuit
CF : Parlez-nous des GR Yaris utilisées lors des reconnaissances…
S.O. : « Ce sont des autos arceautées, qui ont des différentiels autobloquants plus puissants en raison de l’utilisation extrême que l’on en fait surtout sur les rallyes terre. Sinon, ça aurait tendance à surchauffer avec ceux de série. Les suspensions sont différentes aussi parce qu’on a besoin de plus de débattement sur terre. Ce n’est pas une R2, nous partons de la version de base et on rajoute aussi des protections sous la voiture en aluminium.
CF : Que pensez-vous de l’évolution des sportives de route ?
S.O. : « Je ne suis pas de très près tout ce qu’il se passe sur le marché. Je rebondis en restant dans le segment de la Yaris et en constatant que c’est top d’avoir ce type d’auto non aseptisée, qui reste super joueuse à un prix accessible… Hors malus ! J’ai conduit rapidement la GR86, mais uniquement en conduite à droite. La tringlerie pourrait être plus rigide, plus précise. Je ne suis pas fan de la boîte méca, même chez Porsche. Ça reste précis et rigide, mais on ne peut pas être très rapide sur le changement de rapports. La technologie de la PDK est tellement aboutie ! »