Les pionniers
Difficile d’imaginer un monde sans voitures à quatre roues motrices, et celles-ci existent depuis le début de l’automobile. Ferdinand Porsche les a expérimentées avec la Lohner-Porsche hybride-électrique en 1900, mais la Spyker 60HP de 1903 (en photo ici) à moteur 6-en-ligne de 8,7 litres a peut-être eu plus d’influence – un seul exemplaire a été produit et il a participé au rallye Pékin-Paris de 1907.
Nous considérons que la Quattro a ouvert la voie de la transmission intégrale en sport automobile, mais les ingénieurs ont expérimenté ce concept depuis de nombreuses décennies. Leurs idées étaient prometteuses, mais souvent peu fiables, apparaissant en F1 dans les années 60 et 70. Le pionnier des quatre roues motrices qui a connu le plus de succès en course fut Harry Miller ; il a engagé ses propres voitures à transmission intégrale dans les années 30, dont deux aux 500 miles d’Indianapolis 1932.
Jeep / Land Rover / Toyota Land Cruiser
Après avoir joué un rôle clé dans la victoire des alliés durant la Seconde Guerre mondiale – mêmes les Russes en avaient 5 000 – la Jeep Willys s’est lancée dans la transformation du monde automobile. Ce tout-terrain léger a inspiré le Land Rover dont la célébrité a fait le tour du monde, inspirant les ingénieurs et aventuriers futurs. Le Toyota Land Cruiser y a ajouté une fiabilité et une indestructibilité qui n’a jamais été égalée.
Jensen FF
Si la Quattro a rendu l’idée commercialement viable, Jensen a montré dans les années 60 que la transmission intégrale avait un rôle à jouer bien au-delà des travaux de la ferme. Cette GT à hautes performances ajoutait à sa cousine l’Interceptor une transmission révolutionnaire à quatre roues motrices, ainsi que des freins ABS. Le système Ferguson a été développé au début des années 50 et a été essayé en F1, mais les grands constructeurs se sont détournés de cette technologie.
Jeep Cherokee et Range Rover
Jeep s’est fait un nom en produisant des véhicules militaires légers, mais il passa rapidement à des voitures plus grosses et familiales. L’idée fut lancée avec la Wagoneer de 1963, mais elle ne devint un succès qu’avec la Cherokee de 1974. Ces voitures ont posé les bases des SUV modernes, mais il faut aussi mentionner le Range Rover qui a lancé la popularité des 4×4 haut de gamme. Celui-ci commença avec une mécanique simple mais élégante, puis est devenu encore plus luxueux et à la mode, et il a lancé l’immense demande actuelle pour les SUV de luxe
Lamborghini Diablo VT
Si les quatre roues motrices pouvaient fonctionner sur les voitures à hautes performances, pourquoi pas sur les supercars ? La Porsche 959 a sans doute été la pionnière dans le domaine, et si la Bugatti EB110 était également notable c’est Lamborghini qui a réellement récolté les bénéfices de la transmission intégrale. Depuis le lancement de la Diablo VT en 1993, chaque modèle de la gamme – Murciélago, Aventador, Gallardo et Huracán – a utilisé une variation de ce système. Il a rendu ces machines intimidantes un peu moins effrayantes et bien plus efficaces. Dans le cas de la VT, le système pouvait envoyer 25 % du couple aux roues avant sans altérer de façon trop radicale son comportement et sa réactivité.
Subaru Leone
Si elle a l’apparence d’une berline japonaise (ou d’un break) plutôt insipide des années 70, cette voiture a lancé la dynastie des Subaru à quatre roues motrices, sans mentionner l’adorable BRAT. Sa transmission intégrale “symétrique” est devenue une option en 1972, une première pour une voiture particulière de ce genre.
Fiat Panda 4×4
Voici une citadine pratique, mais surtout très économique, avec une grande garde au sol et quatre roues motrices – assez pour vous emmener au sommet des montagnes enneigées en hiver. Des voitures similaires ont été lancées, mais la Panda en a posé les bases et est restée un accessoire indispensable à tout chalet de ski jusqu’à aujourd’hui. Les Japonais étaient aussi très bons pour produire des mini 4×4, comme les très efficaces Suzuki SJ et Jimny.
Porsche 911
Porsche a prouvé que les quatre roues motrices pouvaient être très efficaces avec la 959, mais c’est en transmettant cette technologie à la 911 génération 964 en 1989 qu’elle a tout changé. La motricité additionnelle était utile, mais le poids supplémentaire à l’avant aidait aussi à réduire les traits de comportement les plus effrayants de la 911. Depuis, la Carrera 4 est la meilleure 911 pour ceux qui l’utilisent au quotidien et, à moins d’être un puriste, c’est la meilleure de chaque génération.
Skyline GT-R
Ce que la Quattro a fait en rallyes, la Skyline a essayé de l’accomplir sur circuits. Cette voiture intelligente – utilisant l’électronique pour envoyer la puissance là où c’était nécessaire – a connu un immense succès. Elle a fait le ménage dans les séries de voitures de tourisme du monde entier, héritant du surnom Godzilla, provoquant rapidement des pénalités strictes pour les voitures à quatre roues motrices. Certaines séries les ont même totalement bannies.
Porsche Cayenne
Le Range Rover a peut-être rendu les SUV cool, mais le Cayenne a prouvé que ces bêtes pouvaient aussi avoir un bon comportement. Sous sa forme Turbo, le Cayenne pouvait surpasser la plupart des voitures performantes et, que vous l’aimiez ou non, il a posé les bases des super-SUV modernes… Rapportant énormément d’argent à Porsche au passage.
Tesla Model S et le futur
La transmission intégrale sera un élément vital des futures technologies automobiles. C’est la seule solution viable au-delà d’un certain niveau de couple et de puissance, et la motorisation électrique ouvre un monde de nouvelles technologies. La Tesla Model S Dual Motor lancée en 2014 a prouvé qu’une voiture électrique à 4 roues motrices pouvait être excitante. Sans nécessiter de boîte de vitesses, de grosses boîtes de transfert ni d’arbre de transmission, elle utilise un moteur électrique sur chaque essieu avec un différentiel à vectorisation de couple au centre qui aide à repartir l’immense couple disponible dès l’arrêt. Il est juste de dire que Tesla a repoussé les limites des voitures électriques. Lancée en 2019, la première Porsche 100 % électrique, la Taycan, utilise une architecture similaire à deux moteurs, comme sa lointaine ancêtre, la Lohner-Porsche, née un siècle plus tôt.
C’est actuellement Rimac qui avec sa Nevera à 4 moteurs électriques repousse les limites de ce qu’il est possible de faire avec 4 roues motrices, exploitant au maximum la technologie du torque vectoring appliqué aux 4 roues pour offrir un comportement ludique inédit pour des autos de plus de 1500 ch.
Nous ne voyons aujourd’hui que le début de ce qui est possible, mais cela prouve que les voitures performantes à transmission intégrale sont là pour longtemps.
Ce sujet (en partie) a été publié dans Octane n°49, un magazine que vous pouvez vous procurer sur ngpresse.fr.