La citadine rêve de compétition, bercée par les exploits de ses ancêtres au rallye de Monte-Carlo dans les années 60 (3 victoires) et beaucoup plus tard du colossal 4×4 en rallye-raid (à partir de 2012). L’endurance ? Elle y a goûté en 2012 aux 24h du Nürb’, avec un coupé JCW qui a couvert 118 tours avant d’abandonner, et une Mini Challenge qui s’est hissée à la 41e place au général et à la 2e place de sa catégorie (SP2T). Ne croyez pas que la course la plus difficile au monde multiplie les catégories dans le but de saluer la bravoure de chacun. Elle met juste de l’ordre pour jauger, comparer et classer les innombrables candidates au départ. Cette année, elles étaient 138 et seulement 109 ont rallié l’arrivée. La catégorie “SP” correspond aux autos développées pour la compétition, et le chiffre qui suit à la cylindrée. Plus il est élevé, plus le bloc est conséquent. La SP2T se situe donc au bas de l’échelle et concerne des moteurs turbo inférieurs à 1 750 cm3. Cette fois, la Mini Bulldog Racing place la barre plus haut et court en SP3T, regroupant des blocs suralimentés compris entre 1 750 et 2 000 cm3. Elle affronte ainsi une flopée de VW Golf GTI TCR, une Cupra Leon, une Subaru WRX STi officielle ou une ancienne Opel Astra Cup pilotée entre autres par un certain Carlos Tavares, patron de Stellantis.
Outre la complexité du tracé, les dépassements et la saleté croissante au fil des tours représentent les deux plus gros dangers en piste
Les crocs
L’ambitieux projet a éclos seulement en septembre dernier et se base sur une John Cooper Works aux ailes élargies propulsée par un 2 litres turbo de 306 ch et couplée à une boîte auto. Soit une configuration proche de feu la GP produite à 3 000 exemplaires. Vidée et “arceautée”, la puce doit rester proche de la série. D’où la présence du quatre cylindres dans sa configuration la plus puissante disponible, simplement affublé d’un catalyseur moins contraignant. La transmission, elle, s’appuie sur un convertisseur Aisin et sur un autobloquant mécanique (maxi 70 %). Le travail sur la suspension consiste quant à lui à rigidifier les rotules (Unibal) et à opter pour des combinés KW réglables en compression et détente. Les vitres sont allégées (Makrolon) et l’évolution la plus voyante touche l’aérodynamique. Un gigantesque aileron réglable prend place sur le hayon et est complété par une lame avant, un fond plat et un diffuseur afin d’obtenir une balance avant/arrière neutre. Pour faciliter les changements de pneus, Bulldog Racing greffe un système de levage pneumatique. Sans surprise, cette Mini pesant 1 170 kg (contre 1 255 kg annoncés pour la GP) chausse des slicks Hankook et n’a pas eu besoin de sortir ses pneus pluie. À l’avant, ils sont changés à chaque ravitaillement, soit tous les huit tours (8 x 25,947 km = 207 km) malgré le réservoir de 100 l. Précision importante, le temps imparti à chaque arrêt est calculé en fonction du nombre de tours couvert en un relais, à hauteur de 20’’ par tour (soit ici 2’40’’). Les plaquettes racing, elles, sont prévues pour résister toute l’épreuve et les disques proviennent de chez BMW Performances Parts. Mini s’appuie et soutient un team nouvellement créé et basé non loin de Nürburg, dont la dénomination (et l’emblème) rend hommage au surnom donné au modèle originel, en raison de son museau aplani. La livrée rouge et blanc, elle, se veut un clin d’œil aux voitures de course des années 60. Les essais ont démarré en mars sur la base de Miramas (13) appartenant au groupe BMW et cette voiture de course a foulé pour la première fois la Nordschleife en mai, lors des manches qualificatives.
Débuts difficiles
La première séance n’a pas été de tout repos pour les mécanos, qui ont bataillé pour trouver la cause d’une perte de puissance. Lors de la seconde séance, tout est rentré dans l’ordre et la Mini-Maxi a réussi à boucler un tour, regroupant le circuit GP et la Nordschleife, en 9’53’’ malgré la présence d’une slow zone (60 km/h). L’équipage, composé de quatre pilotes, est plutôt aguerri avec un total de 29 participations à cette épreuve et plus de 700 000 km parcourus sur le tracé le plus dingue et complexe au monde. Parmi eux, Uwe Krumscheid se distingue à ses 16 participations et a grandi au charmant village de Nürburg surplombé par un château du XIIe siècle situé à 678 m d’altitude. Jens Dralle, un journaliste-essayeur d’Auto Motor und Sport a également eu le courage de prendre part à l’aventure, où les pros côtoient les amateurs, et les plus féroces GT3 du moment de sages berlines comme une Dacia Logan ! Il explique qu’il est préférable avec cette Mini d’opter pour une conduite coulée, en raison du couple maxi disponible à 1 750 tr/mn et d’une mécanique guère à l’aise dans les tours. Il a pris du plaisir en se battant de temps à autre avec des 718 Cayman S (flat-4). Son rêve aurait été d’éteindre une lampe bleue sur la voiture, signalant une entrée dans le top 30. Il s’est concentré sur les deux plus gros dangers en piste : les dépassements et la saleté croissante au fil du temps. Le départ de cette prestigieuse course n’offre pas le côté solennel des 24h du Mans et s’exécute de manière lancée en trois groupes (à quelques minutes d’intervalle), en fonction des catégories. En tant que spectateur, on est d’abord surpris par l’absence de commentaires en anglais et du peu d’écrans en bord de piste. Cette course d’envergure intergalactique réunissant 230 000 spectateurs prend une tournure nationale inattendue. Mercedes-AMG et BMW assurent le show dans les paddocks, qui restent ouverts au public… Contrairement aux boxes, où s’entassent déjà jusqu’à six autos et où l’entraide se met en place naturellement entre les teams. Le plus compliqué pour le public est d’établir un plan d’attaque pour profiter au mieux de la course dans les différents endroits du circuit en évitant les ampoules aux pieds.
La mini-maxi atteint ici 246 km/h et peut tourner en 9’53’’ !
L’enfer, c’est les autres
Au bout de 16 tours, la puce gagne 21 positions et se bat alors pour la 5e place de sa catégorie. Sur ce tracé, elle atteint maximum 246 km/h et réalise son meilleur chrono en pleine nuit, équivalent à celui de qualification. Mais au 19e tour, un premier incident se produit lors d’un dépassement et endommage l’avant gauche. Il coûte 2h30 à l’équipe, entre le temps d’attente de la dépanneuse débordée (1h) et les réparations. « Les plus aguerris dépassent en général très bien, sans mettre en danger, même à plus de 240 km/h. Mais certains accrochages réclament une modération par le biais des caméras » précise le journaliste… C’est le cas de la collision la plus marquante de cette édition, après 3h30 de course, entre les leaders (et frères Vanthoor qui plus est !) à près de 300 km/h. Elle a valu l’abandon du grand favori Manthey Racing et de la 991 R “Grello” encensés par le public, dont l’équipage compte deux Français : Kevin Estre et Frédéric Makowiecki. Les crevaisons sont également légion. Jens Dralle a pu l’expérimenter en pleine nuit (débris de carbone) et explique que la gestion des saletés en piste devient problématique au fil des heures. « Dès que l’on sort de la trajectoire pour doubler, il est difficile de se débarrasser des résidus sur les pneus arrière avec une traction. » Il garde pourtant un excellent souvenir du roulage de nuit et des installations en bord de piste : lumière, odeurs de barbecues.
En tant que spectateur, l’ambiance est juste hors-norme à condition de s’éloigner des paddocks, bien trop sages par rapport à ceux des 24h du Mans (activités, échoppes). La taille et la qualité des installations montées tout au long de la piste laissent sans voix : échafaudages, bungalows, sonos, terrasses, collection de fûts de bière… Le spectacle est à la hauteur de sa réputation. Admirer le flot des concurrents au beau milieu de la nuit avec les disques incandescents et dans une telle ambiance constitue le point d’orgue de ces festivités. Bon, le journaliste n’a pas profité longtemps de ses relais de nuit. Après la crevaison, un second incident lors d’un dépassement achève l’avant gauche et sonne le glas de cette édition au 40e tour. « Il est 3h du matin, je mange une part de gâteau et je rentre dormir… Pour au moins un an ! » conclut le confrère. Dommage, la Mini avait réussi à s’attirer la sympathie du public. À l’applaudimètre, la Dacia la devance toutefois. D’autant que cette Logan affublée d’un aileron est parvenue à rallier l’arrivée à la 88e place en signant son meilleur tour en 11’42’’ ! Chapeau bas. Malgré une météo clémente, les installations sont démontées dès le dimanche matin et les abords de piste se vident avant la fin de la course. Étrange manière de saluer le courage, voire le grain de folie de ces pilotes qui affrontent l’Enfer Vert pendant 24 heures. Quant à Bulldog Racing, il rempile et compte bien rallier l’arrivée cette année avec une Mini JCW. David contre Goliath, le retour…