Le meilleur conseil pour assurer la longévité du V6 de votre Dino, ce n’est pas seulement de vidanger l’huile régulièrement, mais d’en profiter tout aussi régulièrement et d’éviter les redémarrages fréquents à froid. Le plus important est de s’assurer que l’antigel fait bien son travail (et évite donc la corrosion).
Nous voilà chez le spécialiste Bell Classic, devant une très élégante Dino 246 GT au moteur particulièrement propre. Il a en effet entièrement été reconstruit après une malheureuse ingestion de liquide de refroidissement et de morceaux d’échangeur corrodés par le système de lubrification. Il s’agit d’un radiateur d’huile qui dissipe la chaleur de l’huile dans le liquide de refroidissement et donc vers le radiateur d’eau. C’est un système basique mais les dommages sont considérables lorsque cet échangeur se désintègre, d’où la nécessité d’utiliser un antigel de qualité.
Puis il y a le clapet d’expansion réglable de la pression d’huile. Certains propriétaires pensent que c’est une bonne idée d’augmenter cette pression d’huile, jusqu’à ce que l’échangeur explose et asperge d’huile le pneu arrière droit. le mieux est de conserver les réglages définis par les concepteurs, prenez en soin et elle se montrera alors solide et fiable. Et s’il y a un peu de fumée d’huile, pas d’inquiétude, c’est normal et le signe d’un moteur qui prend des tours sans trop de frottements. Des guides de soupapes et des joints de queue de soupapes modernes peuvent la réduire, mais vous vous en soucierez quand le moteur sera déposé pour une autre raison.
Son histoire
Que le moteur Dino soit solide, ce n’est pas une surprise sachant dans que but il a été conçu. Dino, c’était Alfredino, le fils d’Enzo atteint d’une maladie incurable. Dans les années 50, celui-ci souhaitait voir Ferrari créer une voiture dotée d’un plus petit moteur en complément des modèles V12 adorés de son père. Malgré sa jeunesse et son manque d’expérience, il a dessiné les plans d’un V6 à 65° (5° de plus que la norme admise habituellement sur un V6) pour permettre une respiration plus libre avec des tubulures d’alimentation aux courbes plus douces.
Alors que Dino faiblissait, le projet fut supervisé par le grand ingénieur Vittorio Jano en provenance de chez Lancia (dont l’équipe de Grand Prix venait d’être rachetée par Ferrari) et précédemment d’Alfa Roméo. Jano a affiné les lignes directrices et Franco Rocchi, le responsable moteur de Ferrari, a dessiné ce qui est apparu initialement en 1957 comme un moteur de course pour la Ferrari Dino 156 de F2, d’une cylindrée de 1489 cm3 et d’une puissance de 180 ch. Dino est décédé en 1956, il n’a donc jamais vu son idée devenir réalité mais Enzo a insisté pour que tous les V6 de la marque à venir soient nommés Dino, un voeu qui sera négligé beaucoup plus tard lorsque les V6 firent leur retour sur les F1 de l’époque Turbo.
En 1958, la cylindrée moteur est passée à 2417 cm3 sur la F1 Dino 246 avec laquelle Mike Hawthorn a remporté le championnat du monde des Pilotes. Il a équipé la dernière F1 à moteur avant ayant remporté un Grand Prix, en l’occurrence celui de Monza en 1960. Diverses versions ont équipées des Voitures de Sport comme la Dino 196 (un arbre à cames par banc de cylindres au lieu de deux) et la 206. C’est à ce moment que son dessin a été revu pour jouer un tout nouveau rôle.
Pour la saison 1967, les règles de la F2 devaient changer : les moteurs, désormais de 2,0 litres de cylindrée, devaient être dérivés de blocs de série assemblées à au moins 500 exemplaires par an. Ferrari passa alors un accord avec Fiat dès 1965. Rocchi conçut un nouveau moteur qui pouvait être produit en grande série, clairement inspiré par le Dino original. Fiat l’assemblerait à Turin et les deux entreprises pourraient l’utiliser pour propulser leurs sportives de route, soit monté à l’avant dans les Fiat Dino Coupé et Spider ou en position centrale arrière transversale dans la Ferrari Dino. Toutefois, la petite de Maranello n’allait finalement pas s’appeler Ferrari, ni même porter ses logos. Elle fut vendue sous la marque Dino et appelée initialement 206 GT.
Que le moteur Dino soit solide, ce n’est pas une surprise sachant dans que but il a été conçu.
L’architecture de base restait la même : deux arbres à cames en tête par banc avec des soupapes actionnées par poussoirs, un bloc-moteur en aluminium avec des chemises humides, la même combinaison de pignons et de chaînes pour la distribution, et bien sûr, un V6 à 65°. Mais les pièces en fonte d’aluminium furent redessinées pour la production en série et la fiabilité. Le vilebrequin, toujours usiné dans un bloc d’acier, a été renforcé pour s’accommoder du cycle d’essai Fiat de 500 heures à pleine charge et l’ancienne méthode de réglage des culbuteurs (une marque de fabrique des moteurs conçus par Jano) passa à la trappe.
Auparavant, l’écartement des soupapes se modifiait en vissant des coupelles d’appui des ressorts en forme de champignon qui s’enfilaient sur les queues de soupapes. Sur l’insistance d’Aurelio Lampredi, le responsable moteur Fiat (et ex-Ferrari), ce réglage se fit désormais avec des cales d’épaisseur. Lampredi voulait utiliser la méthode assez inhabituelle de Fiat, consistant à placer ces cales au sommet des poussoirs, ce qui les rend plus faciles à changer, mais Rocchi est intervenu pour que les cales trouvent une place habituelle, entre les queues de soupapes et le dessous des poussoirs. Rocchi résista également à l’envie de Fiat d’installer une courroie de distribution, une idée toute nouvelle à l’époque. À la place, il conserva le système d’origine du Dino, à savoir une paire de pignons droits, un pour chaque banc, entrainés par le pignon du vilebrequin qui actionne également la pompe à huile placée en dessous (avec deux fois moins de dents). Deux pignons droits coaxiaux entrainent une chaîne double séparée pour chaque banc, mais ces chaînes étaient tendues droites entre les arbres à cames d’admission et d’échappement au lieu de redescendre au dessous pour s’enrouler autour d’un pignon libre. L’idée de base était de diminuer le nombre de dents en contact avec la chaîne pour réduire les frottements, mais cela s’est avéré inutile.
Étant donné l’angle d’ouverture à 65°, le vilebrequin avait, comme le bloc de course, ses manetons usinés avec un décalage de 5° par rapport à un V6 normal pour assurer un intervalle d’allumage uniforme. En théorie, cela pourrait troubler l’équilibre du moteur et donc sa douceur mais en pratique c’est à peine détectable. Le vilebrequin offrait également une course très courte, avec seulement 57 mm sur les premiers moteurs 206 de série ce qui, associé à un alésage de 86 mm donnait une cylindrée de 1987 cm3. Cela rendait le nouveau moteur nettement plus supercarré que le 206 de compétition de 1984 cm3 qui possédait un alésage de 77 mm et une course de 71 mm.
Les carburateurs Weber sont repris du moteur de course, ils donnent un moteur qui aime prendre les tours et respire librement
Les quatre arbres à cames tournent directement dans la culasse en aluminium et ceux du banc de droite (en regardant depuis le volant moteur) sont plus longs. Ceci parce que la culasse de droite est plus longue à cause des cylindres de ce banc placés plus en arrière que leurs homologues de gauche, ce V6 ayant des manetons séparés pour chaque bielle. Le distributeur est entrainé via une cannelure à l’avant de l’arbre d’admission droit.
Les carburateurs Weber type DCN ont été repris de l’époque de la compétition, le nouveau moteur Dino de route (appelé Type 135 chez Fiat) étant alimenté par un trio de 40 DCNF. Le tout donne un moteur qui aime prendre les tours et qui respire librement, capable de délivrer une puissance estimée (avec optimisme) à 180 ch à 8000 tr/mn sur la Dino 206 GT et 175 Nm de couple à 5600 tr/mn. Fiat annonçait son propre Dino à 160 ch.
En 1969, le moteur fut gonflé à 2418 cm3 grâce à une course plus longue de 3 mm (60mm) et un alésage considérablement élargi de 6,5 mm à 92,5 mm. Les soupapes furent agrandies en conséquence, ce qui engendra une puissance de 195 ch à 7600 tr/mn et 226 Nm à 5500 tr/mn sur la nouvelle Dino 246 GT et 180 ch pour la version Fiat de ce moteur. Il ne suffisait pas juste d’adopter des chemises de cylindres plus larges, le bloc moteur était entièrement nouveau, réalisé en fonte avec des chemises intégrées. Et avec ce nouveau moteur 2,4 litres, Fiat a finalement réussi à imposer son système de cales de soupapes, désormais placées au sommet des poussoirs et balayées par les lobes des arbres à cames.
Les soucis potentiels
Nous avons fait allusion au début de cet article au besoin d’entretien régulier, la vidange d’huile étant particulièrement importante pour contrer l’usure des arbres à cames et des poussoirs.Mais il y a apparement une partie du moteur de la Dino qui peut le faire stopper par surprise à tout moment, il s’agit du système d’allumage Dinoplex. C’est un commande de décharge capacitive électronique primitive qui conserve des vis platinées mais les utilise simplement comme des interrupteurs. L’électronique est hébergée dans une boîte en métal pourvue d’ailettes pour dissiper la chaleur.
Le fait que la Dino ait une seconde bobine d’allumage qui s’active en mode Emergenza et qui allume les bougies sans l’aide de l’électronique montre que même Ferrari n’avait pas vraiment confiance en ce système Dinoplex. Le système est impossible à trouver en neuf et les anciens sont généralement irréparables. La solution est de cacher un allumage moderne dans la boîte d’origine pour conserver une apparence conforme.
Puis il y a l’usure du distributeur en lui-même qui contient deux jeux de vis platinées et une came à trois lobes. L’idée était de partager la charge entre elles, étant donné les hauts régimes atteints par le moteur. mais les modèles américains (et les européens ensuite) avaient besoin de réduire leurs émissions polluantes et ceux-ci reçurent une came à six lobes. Un premier allumeur active les bougies au démarrage et au ralenti, calé avec 6° d’avance au PMH puis dès que l’accélérateur est enfoncé, il ferme un interrupteur et bascule sur un autre allumage calé avec 10° d’avance au PMH. Un vrai cauchemar. S’il y a bien un moteur qui avait besoin d’un système d’allumage bien conçu et fiable, c’est lui.
Ferrari acheva la production de la Dino en 1974 mais la carrière du V6 continua plus longtemps sur la Lancia Stratos qui domina en rallye. Parmi ses évolutions, notons un allumage à deux bougies par cylindres, une injection Kugelfischer, 24 soupapes et même des versions turbo. Aujourd’hui, une Ferrari Dino coûte trop cher pour s’amuser à la modifier mais imaginez à quoi elle ressemblerait avec les spécifications ultimes des toutes dernières Stratos ?