En 2002, Volvo bénéficie d’une solide image en matière de qualité de fabrication et de sécurité. En revanche, la marque n’a jamais réussi à se forger la réputation sportive nécessaire à la réussite dans le segment des berlines haut de gamme. Tandis que BMW enchaîne avec brio les modèles Motorsport et que Mercedes développe la gamme AMG à “vitesse grand V”, le constructeur suédois n’a finalement à son actif que le mémorable mais confidentiel break 850 T5-R de 1994, un bien maigre patrimoine que la S60 R va tenter d’enrichir.
Esthétiquement, ce modèle de conquête donne le ton sans verser dans le moindre excès. On note des jantes à cinq branches de 17” (18 en option) ainsi qu’une face avant plus agressive allongée de 30 mm pour loger les deux échangeurs. Ces derniers ont pour mission de refroidir l’air d’admission comprimé par le turbo KKK soufflant à 1,0 bar dans les bronches du cinq cylindres en ligne. Gonflé de la sorte, le 2,5 litres affiche 300 ch, mais surtout un couple exceptionnel de 40,8 mkg, contre 37,2 mkg, par exemple, pour la BMW M3 E46.
Atypique et ultra sophistiquée, la mécanique scandinave dégage une force tranquille peu commune. Elle tire son élasticité de l’association d’un turbo à géométrie variable et d’une distribution dernier cri modifiant en continu le calage des arbres d’admission et, c’est alors très rare, d’échappement. La souplesse à bas régime va ainsi de pair avec une belle rage dans les tours. Enfin, la sonorité à la fois sourde et métallique du cinq pattes apporte la touche ultime à un agrément remarquable.
Brillante
La S60 signe des chronos fort honorables mais très éloignés de ceux d’une M3. En performances pures, elle joue plutôt dans la cour de l’Alfa Romeo 156 GTA. Question comportement, cette Volvo propose un compromis intéressant. A l’évidence, il ne s’agit pas d’une sportive pure et dure. La direction demeure trop légère et la transmission intégrale ne laisse pas de place au jeu. Chargé de répartir le couple entre les deux essieux, l’autobloquant Haldex (comme chez Volkswagen) ne privilégie en aucun cas la propulsion. Sa gestion électronique favorise plutôt l’apparition d’un important sous-virage à la limite.
Malgré tout, la R procure un réel plaisir au volant. Le châssis brille par son équilibre, et le train avant se révèle engageant, mais le mérite en revient essentiellement à la suspension pilotée, baptisée Four-C. Celle-ci ajuste le tarage des amortisseurs 500 fois par seconde. Même si la qualité de filtration demeure perfectible sur mauvais revêtement, le système est très convaincant. Il propose notamment trois modes, dont le plus sport (Advanced) transforme la S60 R en véritable bête de circuit. La puissance et l’endurance du freinage collent d’ailleurs parfaitement à un usage extrême.
Confortable, luxueuse et plaisante à conduire, cette Suédoise est en somme une vraie surdouée. Seulement, même si elle brille partout, elle n’excelle nul part et ne procure pas les émotions qui auraient pu la faire passer à la postérité.