Descendant d’Italiens partis chercher fortune en Argentine, Horacio Pagani est retourné sur la terre de ses ancêtres pour y réaliser son rêve, construire des autos. Designer et mécanicien à la fois, quelque peu autodidacte, il a forcé la porte de Lamborghini et joué les hommes à tout faire à l’atelier de R&D de Sant’Agata, dans les années 80. En tant que designer, il a travaillé sur la Countach 25e anniversaire et la Diablo 30e anniversaire, tout en explorant les composites. C’est ainsi qu’il a trouvé sa voie et fondé Modena Design en 1991. Après avoir réalisé chez Lamborghini une coque carbone expérimentale, il est devenu sous-traitant, producteur de petites séries de pièces en carbone et composites de pointe pour la course (Aprilia, Dallara, Ferrari…) et la recherche (Renault). Ainsi, plus solidement établi, il a repris en 1993 le projet de supercar qu’il nourrissait déjà chez Lamborghini. Méthodiquement, patiemment, non sans acharnement, il a conçu dans le secret celle que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Zonda. La C12 n’est pas la plus jolie ni la plus techniquement avancée de son époque. Elle est la plus exclusive et la plus émouvante, de par son histoire et son mode de fabrication, lequel tient autant de l’artisanat d’art que de l’aérospatiale. Faute de temps et de moyens, le modèle présenté à Genève en 1999 se contentait d’un moteur de puissance relativement modeste et ne disposait d’aucune aide à la conduite, à commencer par un antipatinage, bien utile pour maîtriser un couple généreux à bas régime.
C’est grâce à Juan Manuel Fangio que Pagani a eu ses entrées chez Mercedes et décroché un contrat de fourniture moteur, peu avant qu’AMG soit absorbé. En variante 6 litres atmo, le 12 cylindres allemand ne fait que 400 ch mais la Pagani ne pèse que 1 250 kg à sec quand la Maranello et la Diablo atteignent 1 600 kg. Dès le départ, une version S est prévue. Grâce à l’éphémère 7 litres AMG, la puissance passe à 500 ch et le couple grimpe de 58 à 73,4 mkg. En 2002, un nouveau pas en avant est accompli avec le 7,3 litres. La C12S 7.3 affiche dès lors 1280 kg pour 555 ch et 76,5 mkg. Pour ce qui est de la transmission, le constructeur de San Cesario a d’abord utilisé une RBT, une 6 rapports américaine dérivée d’une ancienne ZF, avant de faire appel à l’Italien Cima. Le châssis Pagani est composé d’une cellule centrale en carbone façon baignoire, sur laquelle se greffent une cage de renfort de l’habitacle ainsi que des extensions avant et arrière. Ces structures sont confectionnées en tubes d’acier haute résistance.
Inspirée de la compétition
L’ensemble est habillé d’une carrosserie entièrement en carbone que certains clients ont voulue à fibre apparente, sous vernis. Les trains roulants de la C12 sont inspirés de la compétition. Formés de triangles en alu, ils font appel à des combinés Bilstein actionnés via des basculeurs. Michelin a participé à la mise au point en fournissant la monte pneumatique.
C’est un ancien de Lamborghini et de Bugatti Campogalliano, Loris Biccochi, qui a signé le comportement dynamique. Excellent metteur au point, Loris n’est pas étranger à la qualité de l’amortissement et du train avant. Aux commandes de la C12, on peut se croire à bord d’un avion de chasse. C’est la forme du pare-brise et du toit vitré qui crée l’illusion. En revanche, le design intérieur, la finition cuir, la fabrication de l’instrumentation et des commandes, évoquent plus le luxe des Américaines d’avant-guerre que le monde des supercars. À l’image de ces chaussures sur mesure, assorties à la sellerie, qui font partie des options. Le V12 AMG, très costaud, docile et brutal comme un taureau reproducteur, a lui aussi de quoi surprendre. Il arrache à la manière d’un V8 américain et tend plus vers la Bugatti Veyron que la Ferrari F50. Et sur le plan vocal, il décoiffe. La commande de boîte est douce et précise, le freinage mordant. Mais peut-être que les bonnes manières du châssis seraient mieux mises en valeur par un moteur plus racé. Peut-être aussi que sans lui la Zonda ne serait pas ce qu’elle est. Sachant aussi que son développement a été continu pendant plus de dix ans.