La BMW M5 “E39” présentée en mars 1998 au Salon de Genève n’entrera en production qu’à partir du mois d’octobre suivant. Contrairement à ses devancières, elle ne sera plus assemblée dans les locaux de BMW M GmbH à Garching mais sur les lignes de production de ses soeurs moins sportives dans l’usine de Dingolfing. Son V8 S62 entièrement en aluminium confirme cette proximité familiale puisque ce bloc, revu et bien corrigé par les motoristes maison, est pioché dans les entrailles d’une 540i (M62). Titillés par les Jaguar XJR (354 ch) et autres Mercedes E55 (370 ch) de l’époque, les ingénieurs vont répliquer avec ce V8 expulsant 400 ch à 6 600 tr/mn et 51 mkg de couple à 3 800 tr/mn. Le 4,4 litres tout aluminium d’origine est réalésé pour cuber 4 941 cm3, le refroidissement et la lubrification sont adaptés aux nouvelles contraintes, le taux de compression passe de 10 : 1 à 11 : 1, chaque piston est refroidi par huile, le Double-Vanos (calage variable en continu des arbres à cames), l’échappement 4 sorties et la gestion électronique des papillons d’admission font de ce V8 un des plus expressifs du moment, capable de reprises extraordinaires et de montées en régime vigoureuses jusqu’à 7 000 tr/mn.
Cette M5 E39 est aussi une des premières M “électroniques” avec la toute première apparition du contrôle de stabilité DSC, heureusement déconnectable. Grâce à un mode “Sport” modifiant notamment la réponse de l’accélérateur, le père de famille peut muer en bête sauvage une fois les enfants déposés à l’école.
Un coeur gros comme çà
Finalement, ce V8 à visages multiples répond parfaitement aux préceptes de la familiale à gros coeur transmis par ses devancières, et ce d’autant plus que le poids de 1 720 kg reste acceptable. Le rapport poids-puissance de 4,3 kg/ch promet aux propriétaires (trop) enthousiastes un budget “consommables” en rapport avec leur état d’esprit. Les gommes en 245/40 ZR18 à l’avant et 275/35 ZR18 à l’arrière, la consommation d’huile et d’essence seront des postes de dépense éreintants. A l’usage, si cette berline familiale déploie toutes les qualités spécifiques à son segment (espace, confort, luxe, discrétion), elle sait aussi mordre lorsqu’on lui écrase les pédales.
Les performances sont étonnantes, à l’image du 1 000 m départ arrêté abattu en 24”2, un temps inférieur à celui d’une 911 Carrera 996, et le caractère n’est pas en reste grâce à un châssis retravaillé et à des trains avant et arrière abaissés de 15 et 10 mm. Le basculement en mode Sport se traduit souvent par de longues parallèles de gomme tracées sur le bitume et par un panache de fumée explicite. Seul bémol, si la BMW M5 peut mordre, cela ne concerne pas le système de freinage qui s’évapore très vite en utilisation intensive. Pour le reste, bien que l’auto affiche une tendance sous-vireuse assez marquée, il est assez simple d’inverser la tendance grâce au pont autobloquant taré à 25 %, à une direction plus directe, et à un équilibre général typiquement BMW. Une sportive pure race, en somme, capable de vous gratifier des plus belles acrobaties dans une ambiance luxueuse très germanique.