Comparée à la génération E46 qu’elle remplace, la M3 E92 gagne deux cylindres, 77 ch, 12 cm en longueur, 4 cm en largeur, et pèse 85 kg de plus sur la balance. La rupture est franche mais pas unique dans l’histoire de cette légende vivante qui connue une évolution encore plus spectaculaire entre la première et la deuxième génération (E30 et E36). L’abandon du six cylindres en ligne ne manque pas d’inquiéter et déboussoler les puristes, quand bien même leur tant aimé bloc cède sa place à un moteur d’exception dans la plus pure tradition maison. Le V8 en question est atmosphérique, nom de code S65, tout droit dérivé du V10 des M5/M6 de l’époque, auquel il emprunte l’équipage mobile et des raffinements dignes de la course. Supercarrée (alésage nettement supérieur à la course), cette machine à prendre des tours coupe à 8400 tours, soit symboliquement 200 tours plus tard que l’ancien six en ligne et tout juste 100 de moins que le V8 de la Ferrari F430.
La partition jouée par la M3 a perdu les accents métalliques enchanteurs, mais les mélomanes y trouvent leur compte, d’autant qu’avec 420 ch et plus de 40 mkg de couple, la E92 enterre sa devancière au mille mètres départ arrêté et vient plus que jamais chasser sur les terres des GT. Une 911 Carrera S 997/2 doit se contenter de 385 ch mais garde l’avantage en performances pures grâce à un poids nettement inférieur et une motricité incomparable. Le V8 ne fait de ce point de vue qu’accentuer le tempérament de propulsion sauvage qui a forgé la réputation de la M3. Les seuls pneus arrière pourtant généreusement dimensionnés imposent un pied droit de velours pour ne pas s’enflammer.
Pour contre-braqueur !
Sous la pluie, toutes aides débranchées, nous avons sans doute affaire à l’une des sportives les plus joueuses de sa génération. Joueuse mais pas nécessairement piégeuse car l’équilibre demeure parfait et le châssis encore plus épatant. Les trains roulants ont été modifiés à hauteur de 80 % et les bras de suspension en aluminium ont notamment permis un gain de 2,5 kg sur l’essieu arrière. L’ensemble est plus rigoureux et précis, notamment au niveau du train avant, tout en offrant davantage de confort, surtout avec l’amortissement piloté inédit. Proposé en option, l’EDC offre le choix entre trois modes et vient compléter une panoplie électronique permettant une conduite à la carte. La boîte DKG à double embrayage, très perfectible, fait son apparition au catalogue en 2009. La polyvalence sur route progresse nettement.
Sur circuit, le punch du V8 fait la différence, toutefois même si le châssis se montre intrinsèquement meilleur que celui de la E46, l’augmentation du poids est assez sensible. Comme toutes les générations qui l’ont précédée, la M3 V8 est une auto dédiée aux amoureux du contre-braquage. Difficile en effet, même en adoptant un pilotage académique, de ne pas goûter aux joies de la glisse au volant de cette formidable acrobate. Les pistards obnubilés par le chronomètre seront déçus par les temps réalisés, bien en retrait de ceux d’une 911 Carrera S mais tout de même meilleurs que ceux de la concurrence directe. Celle-ci se compose de la Mercedes C 63 AMG, encore plus ébouriffantes mais moins aboutie, ou de la Lexus ISF, plus singulière mais incapable de suivre la cadence. Dommage que cette cadence de folie, la M3 E92 ne puisse la tenir plus longtemps sans faire grogner les freins qui restent encore un point noir sur cette génération. Dès 2010, BMW proposa un Pack Competition (aéro, retouches châssis) très recommandable, et pas uniquement pour les amateurs de circuit… Découvrez son tour chrono en vidéo sur notre chaîne Youtube.