Nous sommes en 2002. Voilà quatre ans que BMW règne en maître sur le segment des familiales musclées avec la fantastique M5 E39 et son V8 atmosphérique de 400 ch. Quatre très longues années durant lesquelles Audi, l’ennemi de toujours, a affûté ses armes en donnant de nouvelles prérogatives à Quattro Gmbh. Cette petite filiale, créée en 1983 et spécialisée dans le sur-mesure, s’est vu confier la réalisation des modèles extrêmes de la marque aux anneaux. En 2000, le nouveau département “sport” présente la RS4. Deux ans plus tard, il lâche sur la route la RS6, un véritable monstre taillé pour dévorer la M5. Esthétiquement, même si les ailes copieusement enflées, les jantes de 18 pouces ou encore les deux énormes sorties d’échappement ovales laissent présager une certaine bestialité, la discrétion reste de mise. Même constat dans l’habitacle, où les sièges Recaro sont bien la seule touche réellement sportive dans un univers de luxe absolu. Ce raffinement tranche avec le pedigree de la mécanique.
Dérivé du bloc équipant la S6 ou encore l’A8, le V8 4,2 litres a été ensorcelé par Cosworth, à l’instar du V6 de la RS4. La recette tient essentiellement dans la greffe de deux turbos. Cette transformation a naturellement été accompagnée du remplacement de tout l’équipage mobile. Le moteur conserve par ailleurs ses originales culasses à cinq soupapes par cylindre, comme la Ferrari 360 Modena. La puissance atteint 450 ch, contre 400 pour la M5, pour un couple ahurissant de 57 mkg ! La cavalerie est transmise aux quatre roues via une boîte automatique, seule transmission disponible chez Audi capable d’encaisser un tel couple.
Agilité étonnante
La sportivité limitée de cette boîte n’empêche toutefois pas de savourer la poussée aussi violente qu’orchestrale du V8. La motricité inébranlable permet de passer toute la puissance au sol et de catapulter ce beau bébé frôlant les deux tonnes en seulement 5”2 de 0 à 100 km/h. Avec 24”2 sur le mille mètres départ arrêté, la RS6 tutoie la M5 en accélération, sans la surclasser car son bonus de 50 ch est annihilé par un embonpoint de 150 kg. Au volant, l’impression de stabilité est surprenante. Par rapport à la S6, le châssis a été abaissé de 10 mm et raffermi d’environ 30 %. Mais surtout, la RS inaugure un nouveau système baptisé Dynamic Ride Control. Chaque amortisseur est relié à son homologue placé en diagonale par un conduit hydraulique, ce qui permet de limiter considérablement les mouvements de caisse.
La RS6 démontre ainsi une agilité étonnante, compte tenu de son poids et de son gabarit. Cela dit, elle ne distille pas, loin s’en faut, le plaisir de pilotage de la M5. Le différentiel autobloquant central Torsen assure une tenue de route exceptionnelle et une motricité optimale en toutes circonstances, mais empêche toute fantaisie de la poupe. En outre, les kilos en trop finissent par générer un important sousvirage à la limite. En revanche, les freins, eux, ne s’émeuvent pas de la masse de l’engin. Audi a vu large de ce côté-là, avec des disques de 365 mm de diamètre à l’avant pincés par des étriers à huit pistons !