La première partie des années 2000 était une époque faste pour Ferrari. La Scuderia avait fait de la Formule 1 son fi ef avec pas moins de cinq titres pilote et six titres constructeur consécutifs, alors que l’usine assemblait des voitures de route exceptionnelles telles que la 360 Challenge Stradale, la 575M GTC ou l’Enzo. Et puis, à l’automne 2004 fut lancée la F430 qui était alors l’apogée de la lignée des « petites » berlinettes à moteur V8 central.
La petite Enzo
Certains l’ont appelée « la petite Enzo ». La nouvelle venue affichait une modernité frappante, une puissance brutale et un savoir-faire technique et aérodynamique hérité des combats menés en Formule 1. Et il y avait une filiation esthétique évidente avec l’hypercar Ferrari sortie en 2002, avec ses feux arrière proéminents, ses phares bi-xénon effilés et ses prises d’air plus acérées, un changement radical par rapport aux formes toutes en courbes fluides de la 360 Modena qu’elle remplaçait. Il ne s’agit pas pourtant d’un modèle 100 % nouveau, mais d’une évolution très profonde de cette dernière. La F430 reprend en effet le châssis en aluminium de la 360, qui avait été un jalon important dans l’histoire de Ferrari, ainsi que les portières, le vitrage et le pavillon de la voiture qu’elle remplace. Pininfarina en signe le dessin en collaboration avec Frank Stephenson, alors responsable du design Ferrari-Maserati, à qui l’on doit également la Maserati MC12.
Un nouveau V8
La révolution apportée par la F430 se trouve sous le capot, avec l’apparition d’un tout nouveau V8, le F136, qui remplace le V8 « Dino » utilisé depuis les 308 GT4 et GTB. Enfin tout nouveau sous le capot d’une Ferrari : partagé avec Maserati, il équipe depuis 2001 les 4200 GT et est déjà monté sur les Quattoporte et GranSport. Sur la F430, la cylindrée du V8 à 90° est de 4 308 cm3 (4 244 cm3 sur les Maserati, avant de passer ensuite à 4 691 cm3) et il se distingue chez Ferrari par l’utilisation d’un vilebrequin plat (croisé sur les Maserati) et du système très sophistiqué de distribution variable hydraulique hérité de l’Enzo. La distribution se fait par chaîne et la lubrification par un carter sec. Par rapport à la 360 Modena, le gain de puissance est de 23 % (490 ch à 8 500 tr/min) et le gain de couple de 25 % (465 Nm à 5 250 tr/min, dont 80 % disponibles à 3 500 tr/min).
Pour le reste, on trouve du traditionnel avec une suspension à triangles superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs adaptatifs et barre antiroulis à l’avant comme à l’arrière.
Les débuts de l’électronique intelligente
La puissance est transmise aux roues arrière par l’intermédiaire d’une boîte de vitesses manuelle à six rapports ou d’une boîte robotisée à palettes type « F1 » (il s’agit de la même unité, seules les commandes changent) et, nouveauté sur la F430, d’un différentiel à glissement limité à commande électronique, ou E-Diff . En communiquant avec les autres systèmes électroniques de la voiture et en utilisant les données des capteurs mesurant l’angle de braquage, l’accélération en lacet et la vitesse de chaque roue, ils promettent des réponses plus rapides et un contrôle plus fin qu’un différentiel classique. La liste des technologies embarquées inclut les systèmes de contrôle de la stabilité et de la traction CST et l’amortissement adaptatif Skyhook. Pour la première fois, le conducteur peut contrôler leur intervention via un Manettino placé sur le volant. Si vous vous sentez en confiance, vous pouvez même désactiver le CST, vous laissant seul avec les 490 ch et les quatre pneus.
Les dérivés de la F430
Quelques mois plus tard, Ferrari dévoilait la version Spider à capote électrique de la F430 au salon de Genève 2005, mais l’évolution la plus importante est apparue en 2007, présentée par Michael Schumacher : la 430 Scuderia, allégée d’une centaine de kilos et au châssis et au moteur optimisés pour atteindre 510 ch. Ce modèle était uniquement disponible avec la boîte F1, dans une version aux temps de passages de rapports plus rapides, appelée Superfast2 et représentait alors l’arme absolue de Ferrari.
Enfin, fin 2008, Ferrari a célébré son 16e titre constructeur en Formule 1 avec la Scuderia Spider 16M qui est, comme son nom l’indique, une version Spider de la Scuderia, première évolution découvrable d’une berlinette V8 « spéciale », avec une production limitée à 499 exemplaires. Ferrari ayant arrêté de communiquer les chiffres de production de ses modèles à cette époque, c’est le seul dont on peut être certain. La F430 a laissé la place à la 458 Italia en 2009 et on estime qu’environ 14 000 exemplaires en ont été produits, toutes versions confondues, avec un peu plus de spiders que de coupés, et environ 2 000 Scuderia.
Entretien, fiabilité, coûts
Les exemplaires de F430 les plus récents ont seulement 13 ans et globalement c’est une voiture qui ne représente pas beaucoup de risques à l’achat, comme le confirme Simon Chevallier, du garage Dino Sport, spécialisé dans les Ferrari : « C’est une très bonne voiture, très fiable… D’ailleurs c’était la plus fiable dans les courses du Ferrari Challenge. Et c’est une voiture dont l’entretien est très raisonnable : il faut compter 4 à 5 h de main-d’oeuvre pour la révision annuelle qui comprend la vidange, le changement des filtres, le niveau de la boîte, le passage au banc diagnostic, la mesure des disques céramique et de l’embrayage, le contrôle des organes de sécurité, le jeu aux moyeux et un essai routier. Ce qui représente entre 800 et 1 000 euros TTC par an. Il faut garder en tête que sur une Ferrari, la révision annuelle ne se résume pas seulement aux consommables, mais à une inspection complète de tous les organes pour s’assurer que la voiture reste fiable et éviter des pannes très coûteuses. »
Avec sa chaîne de distribution, la F430 vous évitera les dispendieux changements de courroies qui font la mauvaise réputation d’autres modèles de la marque (à vérifier tout de même vers 70 000 km), mais certains spécialistes alertent sur la fragilité des collecteurs d’échappement. « Oui, cela arrive qu’ils lâchent, indique Simon, mais c’est moins récurrent que sur d’autres voitures. Personnellement, je n’ai jamais dû en changer, et je vois beaucoup de F430 passer ! Gardez en tête que c’est une voiture assez récente et que ce genre de problèmes est donc rare. » Au cas où, sachez que l’opération coûte entre 6 000 et 7 000 euros.
La boîte de vitesses en elle-même est robuste et sans problème. Les voitures à boîte F1 peuvent consommer un embrayage (comme la boîte, c’est le même sur les deux types de transmissions) en seulement 20 000 km : le système sollicite beaucoup l’embrayage en première vitesse, il est donc préférable de passer en seconde dès que possible dans le trafic, et de passer la boîte en neutre lorsqu’on s’arrête au feu. Prévoyez dans les 9 000 euros pour le changer, mais le problème est tout de même nettement moins marqué que sur les précédentes voitures équipées de la transmission F1. Si l’embrayage est usé, une voiture à boîte F1 sera lente à démarrer et une boîte manuelle aura une pédale lourde avec un point d’accroche élevé. S’il est laissé trop longtemps, le volant d’inertie peut être endommagé : il doit généralement être remplacé tous les deux changements d’embrayage. Côté suspensions, les rotules et les bagues des triangles qui sont soumises à d’importantes contraintes ont une durée de vie courte et vous le sentirez à travers la direction ou l’entendrez sur route bosselée : normalement la F430 est très douce dans cet exercice. En théorie, changer les bagues signifie remplacer tous les triangles, mais certains spécialistes peuvent vous reconditionner ces triangles pour un résultat présenté comme équivalent. À vous de voir.
Beaucoup de voitures sont équipées de l’option freins carbone- céramique (de série, ce sont des disques acier ventilés avant de 360 mm et arrière de 350 mm), et leur remplacement est très coûteux. « Renseignez-vous avant d’acheter, conseille Simon Chevallier. L’algorithme de l’appareil de diagnostic vous permet de connaître le pourcentage d’usure de ces disques. Un spécialiste pourra vous l’indiquer et il est inscrit sur les factures d’entretien de la voiture. » En réalité, seules les voitures qui ont beaucoup été utilisées sur circuit devraient poser problème, et les disques standard en acier sont largement suffisants pour un usage routier. La F430 étant une voiture récente, elle ne souffre normalement pas de la corrosion qui peut toucher certaines 360 Modena, mais la peinture noire satinée sur le dessous du capot à tendance à s’écailler, révélant la couleur qu’elle masque. Les feux arrière peuvent se détacher et commencer à cliqueter si l’une des languettes qui les maintiennent en place se casse. Les pièces de rechange coûtent une somme à quatre chiffres, alors vérifiez les soigneusement en exerçant une légère pression du doigt. Vérifiez également que les phares ne sont pas opacifiés.
Simon Chevallier nous conseille également d’être prudent avec la capote des versions Spider :
« Elle n’est pas à mettre entre n’importe quelles mains, et le remplacement de la capote et de l’hydraulique coûte dans les 24 000 euros dans le réseau. » Enfin, comme toutes les Ferrari des années 90 et 2000, la surface des commandes dans l’habitacle peut devenir collante. La bonne nouvelle, c’est que désormais cela se corrige sans avoir à tout changer.
Pour quel prix (en 2022) ?
Reste la question du prix. Gonzague Ruchaud, le cofondateur d’Eleven Cars nous prévient d’emblée de jeu que la cote a explosé sur les versions à boîte mécanique (environ 10 % de la production) : « J’ai vendu en 2021 un coupé de 24 000 km à 155 000 euros, un an plus tard elle valait plutôt 200 000 euros. En fonction de kilométrage, une voiture à boîte F1 vaut entre 80 000 et 110 000 euros. Les modèles les plus intéressants sont bien sûr les Scuderia et les 16M, avec un budget de l’ordre de 160 000 – 180 000 euros pour les Scuderia, et je pense que c’est le bon moment pour acheter cette dernière : c’est une superbe voiture, qui coûte toujours moins cher qu’une 458 Stradale. Pour une 16M il faut compter plutôt entre 300 000 et 350 000 euros. Paradoxalement, comme sur les 360 Modena, les voitures les plus compliquées à trouver et les plus chères sont les exemplaires peints en rouge. Je cherchais pour un client un Spider rouge : en gris et en bleu, ils sont faciles à trouver à moins de 100 000 euros, en rouge il faut compter entre 105 000 et 110 000 euros. Par contre, sur les Scuderia ce n’est pas forcément vrai. »
Un dernier conseil, ne pensez pas que le grand nombre d’exemplaires produits vous autorise forcément à faire la fine bouche sur les spécifications : « le marché est très dynamique sur toutes ces voitures des années 1990 et 2000 : les modèles en vente partent très vite ! »
Ce que la presse en disait à l’époque
« En dépit de ses performances stratosphériques, la F430 se révèle douce comme un chaton en utilisation normale. Avec le Manettino sur Sport, la conduite est encore souple, les bruits de chocs normalement associés à des pneus larges et à une suspension ferme sont complètement étouffés. Le nouveau V8 fait sentir sa présence dès le début : beaucoup de muscle, une réponse rapide et une note plus profonde et moins frénétique galvanisent la sensation de méga-Modena de la F430. Sauvage n’est pas le mot juste pour décrire la transformation d’une civilité souple et malléable en une hostilité dévastatrice, car il implique une sorte d’agression primitive et frénétique qui est en totale contradiction avec la vitesse pure de la F430. Précise et prévisible, et pourtant incroyablement rapide, elle fait face aux changements de surface, aux bosses, aux crêtes, aux creux et aux nids-de-poule avec un dédain total, et fonctionne à un niveau totalement différent de la voiture qu’elle remplace. Peut-être pour la première fois, Ferrari a réussi à combiner avec succès la passion ancestrale et les émotions fortes avec une ingénierie et une électronique de pointe ». evo, février 2007