QUAND LA 550 MARANELLO a été dévoilée à la presse au Nürburgring, en juillet 1996, il n’était pas très difficile de voir où Ferrari était allé chercher l’inspiration. Un long capot et un arrière court, 4 feux ronds à l’arrière, juste 2 sièges dans un habitacle somptueux et un gros V12 atmosphérique à l’avant. Dans l’esprit et dans les faits, la Maranello était la réincarnation de la Daytona.
Origines
C’est le président Luca di Montezemolo qui a pris la décision de passer au moteur avant pour le nouveau porte-étendard de Ferrari, mettant un terme à une lignée vieille de 23 ans de supercars à moteur flat-12 central arrière, initiée par la Berlinetta Boxer et poursuivie de la Testarossa à la F512M en passant par la TR. Son raisonnement était qu’une super-GT à moteur avant serait plus pratique et plus facile à conduire qu’un bolide à moteur central et il avait entièrement raison.
Son nom combine une référence à la cylindrée de 5,5 l de son moteur V12 et, bien sûr, la ville d’origine de Ferrari. Le dessin a été signé par Lorenzo Ramaciotti chez Pininfarina et, en plus d’emprunter des éléments de style à la Daytona, elle incluait des références à la devancière de celle-ci, la 275 GTB, sous la forme de prises d’air dans les ailes avant. Ferrari évoquait sans complexe l’esprit des légendaires berlinettes des années 60.
Moteur, boîte
Son V12 (nom de code F133A) à 48 soupapes, 4 arbres et carter sec, est une version retravaillée et profondément optimisée du moteur F116 qui a fait ses débuts dans les 456 GT de 1992. Les principaux changements sont une culasse redessinée et ce que Ferrari appelait un circuit d’admission à effet de résonance, avec 12 papillons de gaz et des conduits d’admission de longueur variable pour améliorer aussi bien le couple à bas régime que la voracité dans les tours. C’est un moteur remarquable, débordant de puissance – avec un pic à 485 ch à 7 000 tr/min – avec tout le raffinement d’une GT. Ferrari annonçait un 0 à 100 km/h en 4”4 et une vitesse de pointe de 320 km/h.
Même si la transmission à palettes F1 avait déjà fait son apparition sur la F355, la 550 n’a été proposée qu’avec une boîte manuelle conventionnelle à 6 rapports, combinée à un différentiel à glissement limité. Cette boîte manuelle avec sa grille visible était la clé de l’attractivité de la voiture.
Châssis
La structure en acier, sur laquelle la carrosserie en aluminium est attachée, dérive aussi de celle de la 456, même si l’empattement de 2 500 mm de la 550 est plus court de 100 mm. Les suspensions sont à double triangulation aux 4 roues, avec amortisseurs réglables électroniquement et un mode Sport plus rigide. Des jantes en magnésium et des étriers en aluminium aident à réduire les masses non suspendues, alors que le pack optionnel Fiorano rends le comportement plus tendu, au prix d’un confort légèrement dégradé. La direction a une assistance variable en fonction de la vitesse, les freins utilisent de gros disques ventilés en acier avec antiblocage et le contrôle de stabilité ASR peut être réglé pour être moins intrusif, ou éteint.
Même s’il s’agissait d’une Ferrari moderne, c’était aussi une GT à moteur avant très classique. La 550 avait même un pedigree en course, même si elle n’a pas été dessinée avec la compétition en tête. De nombreuses équipes privées en ont développé des versions de circuit avec un certain succès. Prodrive a remporté la classe GTS au Mans en 2003 et l’équipe a également fini seconde en American Le Mans Series cette même année, alors que l’équipe BMS Scuderia Italia a remporté avec elle le championnat FIA GT.
Une excellente routière
Mais c’est en version de route que la 550 a connu le plus de réussite. Son moteur V12 était, et est toujours, merveilleux, délivrant un torrent de puissance et de couple, mais c’est le comportement de la voiture qui a emballé le plus les essayeurs de la presse. Voici une supercar Ferrari qui pouvait être conduite avec le même brio que les voitures de sport les plus complètes et les plus légères. Les conducteurs les plus expérimentés pouvaient même la faire danser au survirage de la façon la plus naturelle qui soit.
Les essayeurs étaient emballés par son comportement
Harry Metcalfe, le fondateur d’Evo, aimait tellement la 550 qu’il s’en est acheté une en 2004 et qu’il a parcouru 50 000 km avec durant les 18 mois qui ont suivi. Pour lui, les sièges standard offraient un superbe mélange de confort et de maintien. « Une autre surprise provenait de l’autonomie offerte par le réservoir de plus de 100 l. Combiné à une consommation entre 13 et 15 l/100 km, plus de 500 km avec un plein était la norme et j’ai même dépassé les 580 km en quelques occasions. Cela fait une grande différence quand on utilise une voiture régulièrement sur de grandes distances. »
Moins remarquable, l’appétit de la 550 pour les pneus. « Je n’ai jamais possédé de voiture qui rendait le marchand de pneus aussi heureux. 10 000 km était la limite pour un jeu de Pirelli P Zero Rosso. » Finalement, il a changé pour des Michelin Pilot Sport. « Si l’adhérence était significativement moins bonne, ils duraient deux fois plus longtemps que les Pirelli. Un autre avantage, c’est que le caractère joueur de la 550 pouvait être expérimenté à des vitesses bien plus basses » ajoute-t-il. « Le plus souvent, je faisais des détours quand je rentrais chez moi avec la Maranello. Sa capacité à faire corps avec vous ne la rendait jamais intimidante sur route secondaire. Cela explique peut-être pourquoi les pneus ne duraient jamais longtemps… »
Entretien, conseils d’achat
L’entretien n’était pas donné : même la révision de base coûtait dans les 2 000 euros, mais c’était quand la 550 était encore en vente. Aujourd’hui les agents officiels Ferrari affichent un taux horaire plus bas pour des classiques modernes comme la Maranello. La voiture de Metcalfe n’a connu qu’une panne en 50 000 km, causée par un défaut de solénoïde de coupure de carburant à 30 euros, même si la facture de main d’œuvre est montée à plus de 700 euros.
« J’ai eu la tentation de continuer à l’utiliser avec la même frénésie 50 000 km de plus, mais c’était une Ferrari et je ne pouvais pas m’y résoudre, se souvient Metcalfe. La 550 était une voiture si spéciale, elle ne méritait vraiment pas d’être utilisé au quotidien de la sorte. Quand je l’ai vendue, elle marchait superbement bien. »
Alors, si vous vous intéressez à la 550, que devez-vous savoir ? Notre guide est Dean Pallett, directeur adjoint de l’entretien chez Graypaul Ferrari Nottingham et grand fan du modèle. « C’est une voiture solide et fiable, explique-t-il, et pour un V12 Ferrari, les coûts d’usage sont en fait assez raisonnables. »
Toutes les 550 Maranello n’ont pas été entretenues selon les préconisations de l’usine
La première chose à vérifier est l’historique d’entretien. Toutes les 550 Maranello n’ont pas été entretenues selon les préconisations de l’usine, spécialement quand leur valeur sur le marché a chuté il y a quelques années. L’intervalle d’entretien stipulé est de 20 000 km, mais comme la plupart des 550 ne parcourent que de faibles kilométrages, mieux vaut vérifier que l’entretien a été fait tous les ans, que ce soit dans le réseau officiel ou chez des spécialistes. Graypaul facture environ 850 euros pour l’entretien de base et 1 100 euros pour ce qu’ils appellent le « second entretien annuel », qui inclut l’huile de boîte, les filtres à air et d’autres pièces additionnelles. Tous les 3 ans, les courroies doivent être renouvelées, ce qui fait passer la facture à 2 200 euros. « Nous recommandons aussi de changer les bougies tous les 4 à 5 ans » explique Dean.
L’entretien n’est donc pas donné, mais ça, vous vous en doutiez. Au moins, le moteur de la 550 se passait des poussoirs hydrauliques de la 456, cela fait toujours un réglage en moins.
Correctement entretenu, le moteur pose peu de problèmes. Les fuites d’huiles depuis les joints d’arbres à cames sont assez communes, mais ne constituent pas un problème majeur et une solution économe est de régler ce défaut au moment de remplacer les courroies. Les surchauffes sont un autre problème potentiel, vérifiez donc que les ventilateurs se déclenchent bien quand il le faut et que la température reste stable.
Mécaniquement, la priorité est de vérifier les changements de rapports. Toutes les vitesses doivent être sélectionnées en douceur, sans craquement, même à froid. « Refabriquer une boîte est très coûteux, prévient Dean, et certaines pièces ne sont plus disponibles. » L’embrayage tient longtemps, mais attention, si la pédale est lourde ou au moindre signe de glissement de l’embrayage, son remplacement coûte environ 3 500 euros.
Des amortisseurs qui fuient sont monnaie courante et une pièce neuve coûte 1 700 euros. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de les faire reconditionner par Bilstein pour environ 450 euros pièce. La carrosserie de la plupart des 550 vieillit bien, mais surveillez qu’il n’y ait pas de cloques de corrosion sur les bords des pièces en aluminium, ni à l’intérieur du capot et sur son bord avant. Rien de cela n’est structurel, mais toute réparation sera assurément coûteuse.
À l’intérieur de l’habitacle, le cuir qui recouvre le dessus de la planche de bord peut rétrécir ou peler, surtout s’il a été exposé à un ensoleillement intense. Apparemment, certaines voitures y sont plus enclines que d’autres, Ferrari ayant changé de fournisseur de colle à un moment ! Faire recouvrir la planche de bord coûte plus de 2 000 euros, alors mieux vaut vérifier – tout comme le bon fonctionnement de tous les interrupteurs.
Si tout cela vous paraît intimidant, rappelez-vous que les agents officiels et les spécialistes pourront vérifier tout cela pour quelques centaines d’euros qui seront bien dépensées.
Production, l’état du marché
En 5 ans, quelques 3 083 coupé et 448 Barchetta ont été assemblés avant que la 550 ne soit remplacée par la 575M. Ces chiffres relativement élevés signifient que la cote a peu de chance de suivre celle de la Daytona dans la stratosphère, les prix se sont d’ailleurs récemment stabilisés après une poussée il y a quelques années, lorsque les gens se sont rendu compte qu’elle était devenue une affaire. Au point le plus bas, les premières 550 se trouvaient aux environs de 70 000 euros. Les meilleures voitures sont ensuite montées à plus de 170 000 euros, mais aujourd’hui on trouve de nombreux exemplaires faiblement kilométrés dans les 130 000 à 150 000 euros, alors que les plus kilométrés peuvent se trouver en dehors du réseau aux alentours de 115 000 euros. Ceux-ci n’ont pas forcement de problèmes, mais mieux vaut les examiner attentivement. Comme nous l’indique le patron de Graypaul, Mario Vignali, les 550 sont bien plus résilientes que bien des supersportives et supportent les forts kilométrages, mais seulement si elles sont correctement entretenues.
Les 550 supportent les forts kilométrages, mais seulement si elles sont correctement entretenues
La voiture que vous voyez ici, avec 50 900 km et un attirant Blu Tour de France a été proposée et vendue à 153 000 euros en 2018. De nombreux exemplaires similaires sont sur le marché. La finition intérieure carbone, les écussons Scuderia et – pour ceux qui sont tentés d’emmener une 550 sur circuit – le pack Fiorano sont autant d’options attractives. Si vous trouvez une voiture qui est passée entre les mains de Classiche, c’est encore mieux. En haut du panier, les voitures au kilométrage le plus faible se vendent environ 170 000 euros alors que les Barchetta démarrent à 400 000 euros.
Ce n’est donc plus la bonne affaire qu’elle a été, mais elle est encore abordable et reste une bonne voiture pour placer votre argent. C’est aussi une chouette auto à conduire et une super-GT très facile d’usage. Comme le dit Mario : « C’est l’une des toutes meilleures Ferrari, une de ces voitures parfaites dès leur lancement. »
Ce que les essayeurs en disaient à l’époque
« Le 12 cylindres de la 550 est l’un des plus beaux et plus puissants que Ferrari ait jamais produit pour une voiture de route. Michael Schumacher a aidé à développer ce moteur. Il a dit à l’époque : “Il n’est pas seulement agréable à hauts régimes, il se déchaîne dès le démarrage ».
Il a raison. À 3 000 tr/min, il développe déjà 200 ch. Entre 3 000 et 7 000 tr/min, la puissance est délivrée d’une traite. Mais c’est une poussée raffinée. Trop raffinée si vous aimez les Ferrari à la sonorité brutale…
La réputation de la 550 d’être relativement facile à conduire est avérée : la visibilité, les passages de rapports, la position de conduite et le pédalier se plient à votre service, sans entrave. Mais ne pensez pas que cela tempère l’excitation. Au contraire, ne pas avoir à trop se concentrer sur les bases de la conduite de la Ferrari intensifie les sensations d’accélération et les réponses extraordinairement fluides de son châssis. Faire glisser la Maranello est presque aussi facile que pour une MX-5. Il suffit d’éteindre le contrôle de trajectoire, de choisir votre virage et de gérer nonchalamment le survirage à l’accélérateur. La direction est parfaitement équilibrée et calibrée pour cet exercice.
De plus, les changements de rapports sont superbement coopératifs, la position de conduite est confortable et pas du tout italienne et l’ergonomie est soignée. Au quotidien, la seule vraie rivale de cette sportive est la Porsche 911.
Le président de Ferrari, Montezemolo, la décrit le mieux : « Il nous semble que le concept de voitures à moteur central a fait son temps. Leur conduite est plus critique aux limites de stabilité, elles n’ont pas d’espace pour le coffre et guère plus dans l’habitacle, elles sont bruyantes et chaudes… Les gens veulent être capables de conduire leur Ferrari, que ce soit pour aller au travail, sur circuit ou en vacances. Alors, nous avons voulu construire une voiture qui combine des performances de conduite remarquables avec le plus haut niveau de confort et juste une touche de luxe ».
Je suis d’accord. La 550 est un chef d’œuvre de Maranello, la meilleure GT au monde. » – EVO, février 1999