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Ferrari 308 GTB Quattrovalvole & 328 GTB : La même, mais différente

Les best-sellers de Ferrari dans les années 80, ce sont les 308 Quattrovalvole et 328. Mais derrière des carrosseries et des mécaniques quasiment identiques, que représentent aujourd’hui leurs différences ?
SOMMAIRE

« C’est la Ferrari de Magnum ? » Cette question, tout propriétaire de 308 ou de 328 l’entend inévitablement à chaque fois qu’il en prend le volant et elle en dit long sur le rôle fondamental que joue la télévision dans la culture automobile générale. Aux yeux de tout un chacun, une Aston Martin « DB » sera éternellement la voiture de James Bond, une Ford Mustang verte celle du Lieutenant Bullitt, et une Ferrari 308 rouge la monture de prédilection de Thomas Sullivan Magnum IV.

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Mais tout comme il y a eu plus d’une 308, Magnum n’a pas conduit qu’une seule Ferrari. Il a d’ailleurs failli ne pas en prendre le volant du tout : la production de la série voulait voir son héros rouler dans la récente Porsche 928, mais le constructeur allemand ayant refusé de réaliser une voiture sur mesure équipée d’un toit ouvrant pour caser le mètre quatre-vingt-treize de l’acteur Tom Selleck, la société se tourna vers la Ferrari 308 GTS au toit targa amovible. Nous reviendrons plus tard sur ce « problème de taille » pas si anodin.

L’histoire de la Ferrari 308

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Le tournage de la série Magnum s’est déroulé de 1980 à 1987 et pas moins d’une quinzaine de 308 différentes, fournies par Ferrari North America, sont passées entre les mains de l’acteur. Elles étaient généralement repeintes et revendues à la fin de chaque saison, évoluant ainsi de concert avec le catalogue du constructeur. Ainsi, après avoir utilisé une 308 GTS « originale » dans la première saison, Magnum est passé à la 308 GTSi au début de la deuxième, avant d’hériter d’une 308 Quattrovalvole pour les deux dernières.

Le sujet étant évacué, abandonnons les rivages ensoleillés d’Hawaï pour la plaine du Pô, et ­revenons à Maranello. Avant que la « QV » n’apparaisse en 1982, sept ans après que la 308 avait fait ses débuts, la carrière de celle-ci suivait une curieuse courbe descendante voyant chaque nouvelle version apporter du moins bien par rapport à la précédente.

L’excellente 308 GTB d’origine a d’abord perdu, après 703 exemplaires produits, sa très légère coque en fibre de verre (vetroresina), remplacée par une carrosserie en acier et aluminium, 150 kg plus lourde. Puis, c’est le carter sec de son V8 qui a disparu, avant que les normes de pollution n’obligent les GTBi/GTSi apparues fin 1980 à troquer leurs quatre carburateurs ­Weber 40DNCF contre une injection indirecte Bosch K-Jetronic. Résultat ? Née avec une puissance de 255 ch pour 1 090 kg (annoncés), la 308 attaquait les années 80 avec 214 ch et 1 286 kg, le rapport poids/puissance passant ainsi de 4,27 à 6,00 kg/ch. Et outre-Atlantique, le pauvre détective Magnum devait se contenter de seulement 202 ch sur les GTBi/GTSi « fédéralisées ».

Avant l’apparition de la QV, la 308 suivait une curieuse courbe descendante négative 

En 1982, Ferrari décidait de prendre enfin le taureau par les cornes (ou plutôt l’étalon par la bride) pour renverser la tendance : avec les nouvelles 308 GTB/GTS Quattrovalvole apparaissait une culasse à 4 soupapes par cylindre faisant remonter la puissance développée par le V8 à 240 ch (233 ch sur les voitures américaines, catalysées). C’était la seule modification fondamentale apportée au modèle (avec l’abandon des fragiles soupapes au sodium), mais elle allait permettre à la lignée des berlinettes Ferrari à moteur V8 central d’aller enfin de l’avant, sans jamais plus reculer.

Au volant de la 308 QV

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Se retrouver face à la dernière évolution de la 308 procure les mêmes joies contemplatives que devant la première : car si sa mécanique n’a eu de cesse d’évoluer, en bien ou en mal, sa carrosserie, dont le coup de crayon frôle la perfection, est restée quasiment inchangée au cours des dix années de sa production. Seul son masque avant s’est (légèrement) affirmé, suivant l’exemple de sa turbulente grande sœur, la GTO, avec un spoiler aérodynamique et une paire de feux additionnels. Pour identifier la QV à coup sûr, c’est le capot avant qu’il faut observer : c’est l’unique version à recevoir un couvercle percé de persiennes horizontales, reliant celles des ailes et améliorant l’extraction d’air du radiateur.

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En tombant dans les petits sièges de la QV, c’est à un voyage dans le temps que la Ferrari nous invite : déjà daté lors de sa présentation en 1975, en pleine explosion de l’ère du tout plastique, quel regard pouvait-on porter sur cet habitacle en 1982 ? Partout où l’œil se pose, des petits détails chromés scintillent. L’espace est confiné, et malgré la position très basse et inclinée du siège, mes cheveux en bataille frôlent le ciel de toit. Je rends pourtant dix centimètres à Tom Selleck : déposer le toit n’était pas une option pour le grand acteur américain (du moins, grand par la taille).

L’occasion de voir que le tissu hachuré qui le ­tapisse est de très belle facture et que les pare-­soleil ainsi que le très « design » plafonnier central sont parfaitement assemblés. On aime gloser sur la qualité des habitacles des Ferrari anciennes, mais celui de la 308 tord le cou à cette mauvaise réputation : si tout n’est certes pas parfaitement aligné, la finition est excellente. Regardez donc les coutures qui surpiquent le cuir appliqué au tunnel central et les très beaux basculeurs et tirettes qui peuplent celui-ci, éclairés par une veilleuse cachée dans le manche chromé du levier de frein à main : ce sens du ­détail force l’admiration.

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La planche de bord, tout aussi tendue de cuir noir, se prolonge en deux longs accoudoirs descendant sur les portières. Ils vous embrassent dans une ­accolade bienvenue face à la totale absence de maintien des sièges aux dossiers symboliques. Mais l’atmosphère n’est en rien claustrophobe, comme peut l’être l’habitacle d’une Lotus Esprit : la vue dégagée sur la route n’est perturbée que par le curieux trapèze du bloc compteurs, haut et étroit, où ces derniers semblent avoir été placés à la va-comme-je-te-pousse : placées sur le dessus, les jauges d’essence et de température d’huile sont masquées par la jante du petit volant, alors que la vue sur la pression d’huile, au centre, est la seule qui est parfaite. Pour consulter la température d’huile et l’heure, il faudra chercher les instruments placés, allez savoir pourquoi, derrière le ­levier de la transmission.

C’est un classique, il faut des jambes courtes et les bras longs pour conduire une Italienne de cette époque, et ne pas s’offusquer d’avoir les pieds décalés vers la droite. J’ai vu pire dans le genre, même si trouver une position acceptable demande quelques tâtonnements. De toute façon, l’inclinaison du volant vers l’avant vous demandera quelques mouvements des bras pas très catholiques dans les intersections et autres courbes serrées abordées trop vivement.

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Au rayon des lieux communs, un autre est à évacuer : avec son vilebrequin plat, le V8 dispense les harmoniques de deux 4 cylindres en ligne. Ne vous attendez donc pas à avoir la chair de poule en tournant la clé de contact, ni à vous retrouver à la Scala de Milan dans les tours. La sonorité, claire, est plaisante mais se montre sans musicalité particulière, même si elle se durcit agréablement passé 5 000 tr/min.

La QV s’élance avec souplesse et facilité. Le ­petit volant à la jante en cuir est délicieux à manier, tout comme le long levier de la boîte aux verrouillages très mécaniques (du moins, une fois que l’huile de celle-ci est montée en température, vous connaissez la chanson…). La première est décalée en bas à gauche, une disposition très sportive qui peut surprendre : avec un couple abondant et un 3e rapport assez court, on se retrouve essentiellement à jongler entre celui-ci et le 4e. Au moins, on profite du plaisir d’entendre le levier claquer contre la grille ­métallique : à lui seul, le maniement de celui-ci fait de la conduite de la 308 un enchantement.

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Souplement suspendue, confortable, relativement peu bruyante, la QV se dévoile plus comme une GT que les supersportives que sont devenues ses lointaines descendantes. C’est une autre surprise, alors on profite des accélérations solides qu’elle dispense et de la précision de son châssis pour enrouler les grandes courbes en progressant à un rythme coulé. La bousculer paraît presque vain : elle s’y plierait sans doute, à condition de se cracher un peu dans les mains, mais les limites du maintien de ses sièges seront atteintes bien avant celles de son adhérence.

Au tour de la 328

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Elle n’a beau être « que » une évolution, les quelques modifications esthétiques apportées à la carrosserie de la 328 lui donnent une apparence bien plus moderne. Ses grands boucliers, avec une large calandre à l’avant, donnent l’impression qu’elle est plus longue et plus large. Quant au traitement différent des persiennes qui transpercent ses ailes, et son aileron peint en noir placé au sommet de la vitre arrière (il est optionnel sur les 308 QV), ils achèvent de donner à la 328 un look plus années 80.

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Et ce n’est rien comparé au lifting radical qu’a connu l’habitacle : c’est simple, il n’y a rien en commun avec sa devancière, si ce n’est le volant, la tige du levier de boîte et le ciel de toit. Adieu les délicieuses commandes chromées, tout l’intérieur adopte le design très technologique des années 80, à base de plastiques noirs et d’inscriptions orange vif. Il y a un côté Robocop dans le nouveau dessin des contre-portes et de la console centrale aux molettes de climatisation ornées de graphismes multicolores, alors que les tirettes de la ventilation ont été remplacées par des boutons à impulsion accompagnés de jauges de LEDs oranges. Si le bloc compteur a toujours la même forme, l’instrumentation a été placée de façon plus réfléchie : désormais au centre, la température d’eau est parfaitement lisible, alors que les compteurs jadis placés sur le tunnel (ainsi que la jauge d’essence) ont migré au centre de la planche de bord.

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Malgré le gabarit commun de l’habitacle, l’impression d’être dans une nouvelle voiture est accentuée par les nouveaux sièges : ils sont plus larges, (un peu) plus enveloppants, mais aussi plus hauts. La planche de bord descend cependant plus bas, au détriment de l’espace pour les genoux, ce qui m’empêche de me rapprocher du volant comme je le voudrais.

Ce désagrément est vite oublié, car en passant de 3,0 l à 3,2 l, le V8 qui propulse la 328 a gagné 30 ch et surtout 45 Nm de couple. L’alésage et la course de ses cylindres ne sont pas les seules nouvelles données : le moteur reçoit de nouveaux pistons, arbres à cames et bougies, alors qu’un allumage électronique Digiplex fait son apparition et que la boîte de vitesses gagne des radiateurs d’huile agrandis.

La 328 m’apparaît immédiatement plus vivante, plus volontaire et plus facile encore

Si les fiches de performances des deux modèles affichent des chiffres curieusement semblables, le tempérament mécanique de la voiture a sensiblement évolué. Dès les premiers tours de roues, la 328 m’apparaît comme plus vivante, plus volontaire et plus facile encore. Et ce n’est pas seulement lié à une commande d’embrayage moins ferme : là où la 308 QV demande un temps d’adaptation pour pousser le rythme, la 328 s’offre immédiatement et entièrement. Elle est prête à faire corps avec vous, quand une QV est un peu plus distante, le couple supplémentaire de la 328 arrivant à la rescousse de la moindre hésitation, au bénéfice d’une souplesse et d’une élasticité accrues.

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Sur notre exemplaire, la commande de boîte ­demande plus de poigne pour verrouiller les rapports dans un claquement magistral, mais la manœuvre apparaît curieusement plus facile. À lui seul, ce levier définit la magie de conduire les voitures viscéralement mécaniques que sont les Ferrari anciennes. Comme sur la 308, la transmission tire curieusement court (la 3e monte à 150 km/h, à comparer aux 165 km/h d’une 911 Carrera contemporaine de seulement 231 ch) et passé la délectation initiale de ses accélérations, on se surprend à calmer le jeu pour se contenter de naviguer sur le rapport supérieur. Si elle apparaissait à son époque comme une redoutable avaleuse de virolos, la 328 GTB sait aujourd’hui également s’apprécier de façon très coulée.

Laquelle est la meilleure ?

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Que la 328 améliore de nombreux points de la 308 Quatrovalvole n’est pas une surprise, même si les premières évolutions de cette ­famille de Ferrari ont été décevantes. Mais ­aujourd’hui la question de savoir laquelle est la meilleure n’a aucune pertinence. D’usage identique, elles offrent suffisamment de subtiles nuances pour orienter naturellement votre choix en fonction de vos préférences.

Avec une atmosphère à bord délicieusement ­surannée et une conduite demandant plus d’implication, la 308 QV séduira à la fois ceux qui recherchent une authentique « ancienne » et ceux qui sont tombés amoureux du dessin originel de sa carrosserie, tout en profitant de tarifs beaucoup plus abordables que les premières ­vetroresina, désormais réservées aux collectionneurs. De son côté, la 328 est une enfant des ­années 80 : c’est une youngtimer offrant une ­expérience de conduite bien plus tactile qu’aucune autre sportive de son époque. Et si vous affubler d’une chemise à fleurs ou laisser pousser une moustache abondante n’est pas votre truc, cette dernière vous permettra d’éluder la grande question : non, Magnum n’a jamais conduit de 328. Et il ne sait pas ce qu’il rate…

Fiches techniques

308 GTB Quattrovalvole

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MOTEUR V8, 2 927 cm3, 2 x 2 ACT, 32 soupapes, injection monopoint Bosch K-Jetronic
PUISSANCE 240 ch à 7 000 tr/min 
COUPLE 260 Nm à 5 000 tr/min
TRANSMISSION Manuelle à 5 rapports, propulsion, autobloquant 
SUSPENSION Av et Ar : triangles superposés combinés ressorts-amortisseurs, barre antiroulis
FREINS Disques ventilés Av : 274 mm, Ar : 279 mm
PNEUS Av : 205/55 R16,
Ar : 225/50 R16
POIDS 1 275 kg 
RAPPORT POIDS/PUISSANCE 5,31 kg/ch
0-100 km/h 6”1
VITESSE MAXI 255 km/h (annoncée)
PRIX NEUF 322 100 francs (env. 100 000 euros actuels) 
COTE ACTUELLE 85 000 euros

328 GTB

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MOTEUR V8, 3 186 cm3, 2 x 2 ACT, 32 soupapes, injection multipoint Bosch K-Jetronic 
PUISSANCE 270 ch à 7 000 tr/min 
COUPLE 304 Nm à 5 500 tr/min 
TRANSMISSION Manuelle à 5 rapports, propulsion, autobloquant 
SUSPENSION Av et Ar : triangles superposés combinés ressorts-amortisseurs, barre antiroulis
FREINS Disques ventilés Av : 274 mm, Ar : 279 mm
PNEUS Av : 205/55 R16, Ar : 225/50 R16
POIDS 1 263 kg 
RAPPORT POIDS/PUISSANCE 4,67 kg/ch
0-100 km/h 6”4 (annoncé) 
VITESSE MAXI 263 km/h (annoncée) 
PRIX NEUF 440 000 francs (env. 112 000 euros actuels)
COTE ACTUELLE 100 000 euros

 

Ce sujet est paru dans le Hors Série ENZO Années 80.

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Denis Meunier

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