Nous avons déjà évoqué la première tentative de Jaguar concernant la F-Type . Ford tua le projet lors du rachat de la firme mais c’est sous leur direction qu’une deuxième tentative eut lieu. Et tout débuta avec le Concept XK180 de 1998 (ci-dessous) qui évolua deux ans plus tard vers un autre concept que les gens de Jaguar baptisèrent F-Type (photo d’ouverture et en fin d’article).
Avec son pare-brise ultra-court et son capot plongeant, ce show car n’avait aucune chance d’arriver tel quel en production mais en coulisses, le travail avançait sur une version réaliste de cette sportive deux places à moteur avant. Pour positionner ce projet face à des rivales existantes, les ingénieurs Jaguar acquirent une Honda S2000… qu’ils détruisirent totalement dans un accident. Ils achetèrent alors une autre S2000 qu’ils fracassèrent presque aussi rapidement. Alors que les ingénieurs tentaient de garder leur troisième S2000 loin des barrières et des trottoirs, les designers désormais sous la direction de Ian Callum s’efforçaient de faire du concept F-Type un véhicule homologué pour la route.
Le résultat était mignon mais loin d’avoir la flamboyance et l’audace du concept. C’est là que les responsables de Jaguar décidèrent subitement qu’un rival de la Porsche Boxster se devait d’avoir un moteur central, ce qui obligea les designers à revoir totalement leur copie. Ce projet de sportive à moteur central redémarra de zéro sous le code X600. L’équipe de Ian Callum accoucha d’une mini XJ13 au look assez proche du Boxster (à gauche) que la documentation interne décrivait comme un « roadster Jaguar sexy et révolutionnaire ». Les ingénieurs conçurent également une suspension sophistiquée pour répondre au cahier des charges qui exigeait une « performance sans compromis et une tenue de route époustouflante ».
Les tests des éléments du châssis débutèrent avec des Honda NSX équipées de la suspension Jaguar. Mais une autre logique s’imposa alors, celle de l’entreprise. Car dans le studio de design de Ford, également propriétaire d’Aston Martin, qui se situait alors dans un coin d’entrepôt de stockage à côté du bureau de style Jaguar, une petite équipe sous la supervision de Ian Callum travaillait sur une GT à moteur V12 qui allait devenir la DB9, mais également sur une sportive compacte à moteur V8 qui, comme sur la X600, serait fixé en position centrale. Et évidemment, se posa la question des économies d’échelle réalisables avec la Jaguar. Malheureusement, cette dernière abritait un V6 en position transversale tandis que l’Aston disposait d’un V8 longitudinal et, avant même que l’on étudie le sujet, le patron d’Aston Martin Ulrich Bez décida qu’il serait plus approprié pour ses deux nouvelles V12 et V8 d’avoir leur moteur à l’avant. La refonte du projet aboutira ainsi à la V8 Vantage de 2005. Jaguar désormais seul était alors contraint de revoir son calendrier car tous les efforts d’ingénierie étaient désormais dirigés vers un projet dispendieux qui avait pris beaucoup de retard, celui de la nouvelle XJ. Le scénario funeste de la première F-Type des années 80 se reproduisait.
Jaguar décida qu’un rival crédible du Boxster devait avoir un moteur central
Pire encore, Ford réalisa que Jaguar ne possédait pas de moteurs Diesel concurrentiels en cette période propice à ce genre de motorisation, et l’essentiel du budget de R&D fut alors consacré à cela. Un roadster deux places à carrosserie aluminium reposant sur un châssis spécifique équipé de son propre V6 à compresseur dont on ne pouvait espérer de gros volumes de vente n’avait guère de chances de devenir réalité dans ces conditions. En 2002, les pontes américains de Jaguar rayèrent donc la ligne X600 du planning Produits. Ce n’est qu’à la troisième tentative, soit dix ans plus tard et bien après que Ford eut revendu Jaguar à Tata Motors, que la firme parvint à sortir enfin une F-Type.
