Même après seulement 30 secondes à son volant, vous savez que cette Rimac Nevera de 2 millions d’euros, 1914 ch et 412 km/h en pointe (mais bridée à 350 km/h) est une auto très spéciale. Vous êtes capable dès cet instant de dire qu’elle n’a absolument rien à voir avec toutes les autres hypercars, qu’elles soient thermiques, hybrides ou électriques.
Pour commencer, elle offre un comportement PARFAIT pour une auto de ce type. Il y a la façon qu’elle a de filtrer toutes les choses indésirables qui parviennent à vos mains et votre dos ou de créer un son plutôt qu’un bruit lorsqu’elle se déplace sereinement dans le paysage. La Nevera ressemble à l’engin abouti d’une firme qui peaufine ses produits depuis des décennies, et pas seulement depuis quelques années.
C’est pourtant d’une toute nouvelle hypercar d’un fabricant quasi inconnu dont nous parlons et pas d’une auto en provenance d’Allemagne, d’Angleterre ou d’Italie mais de Croatie. Et si les impressions qu’elle vous laisse après trente secondes suffisent à embraser votre cerveau, ce qui suit sera encore bien pire. Croyez-moi, lorsque vous lui réclamez tout ce qu’elle a, la Nevera fait des choses qu’aucune autre voiture sur cette Terre ne peut approcher. Et pas seulement en ligne droite, mais aussi dans les virages et au freinage.
Comment cette Nevera peut-elle être aussi excellente ?
Un nouveau monde technologique
Vous le savez sans doute, elle est 100% électrique et sa monocoque est en carbone. Ses batteries de 120 kWh logées dans les soubassements permettent une répartition des masses idéales 50/50 et même si elle pèse lourd (2150 kg), tout ce poids est bien équilibré.
On peut ne pas se sentir concerné par le format cylindrique des cellules de ses batteries 730 volts ou le fait qu’elle en contient 6960, qu’elles sont refroidies par eau et fabriquées à partir de lithium manganese nickel mais les caractéristiques et performances que tout cela produit seront nettement plus attractives.
Elle abrite 4 moteurs électriques et 4 boîtes de vitesses, chacune gérant une des 4 roues. À l’avant, ses moteurs produisent 300 ch et 280 Nm chacun soit 600 ch et 560 Nm au total. À l’arrière, c’est un peu plus : 653 ch et 900 Nm. Chacun ! Tout cela combiné donne donc 1306 ch et 1800 Nm seulement pour les roues arrière. Une fois tout réuni, la Nevera produit au total 1914 ch et 2360 Nm de couple. Totalement surréaliste.
La boîte à l’arrière est décrite comme une ‘double single-speed’ car dans son carter situé entre les deux moteurs électriques, se trouve deux transmissions à vitesse unique. Un montage troublant qui en fait se révèle particulièrement intelligent.
La Nevera ressemble à l’engin abouti d’une firme qui peaufine ses produits depuis des décennies, et pas seulement depuis quelques années.
C’est la même chose pour la suspension qui, au premier abord, parait conventionnelle puisqu’elle présente des doubles triangles (de longueur différentes) aux 4 coins et des amortisseurs pilotés électroniquement. Mais c’est en réalité plus que ça.
Comme on peut aisément l’imaginer, passer plus de 1900 ch sur le bitume sera toujours un problème et l’ESP ultra complexe de la Nevera a été étudié pour remédier à cela. Et cela marche ! Jusqu’à environ 160 km/h, la Nevera ne donne jamais tout son potentiel, pas même en mode Track, à moins que vous choisissiez de tout débrancher, ce qui n’est pas une chose à faire à la légère, croyez-moi. Ce contrôle de stabilité cherche en effet constamment la meilleure adhérence possible pour chaque roue en permettant seulement une petite quantité de patinage, qui peut toutefois varier selon le mode de conduite choisi entre Range, Cruise, Sport, Track et Drift. Chaque mode possède un réglage particulier des amortisseurs, de l’accélérateur, de l’ESP, de la direction ou de l’aéro.
À ce propos, ce pack aéro se révèle très astucieux lui aussi car il contient des éléments actifs à l’avant comme à l’arrière mais aussi sur les flancs. Plusieurs ailerons ainsi que des conduits à commande hydraulique se déploient automatiquement lors des accélérations, des freinages ou des phases de virage. Tout est contrôlé par le même cerveau ultra puissant gérant l’ESP, les amortisseurs, l’accélérateur, la direction, les freins … etc.
La Nevera abrite des disques carbone-céramique de 390 mm pincés par des étriers 6 pistons aux 4 coins. Ils sont eu aussi gérés par l’électronique (mais restent physiquement commandés en cas de problème) et permettent également de récupérer de l’énergie. Ce système a demandé « un temps foutrement long » aux équipes d’ingénieurs de Miroslav Zrncevic pour satisfaire aux exigences élevées qu’ils s’étaient fixées. Le résultat est à la hauteur et les sensations donnent l’impression d’avoir affaire à une auto purement analogique.
En tous les cas, peu importe le temps que cela a pris, cela en valait la peine car la Rimac Nevera tourne, freine, braque, accélère comme aucune autre voiture de route avant elle.
Un comportement unique
Lorsque vous accélérez la première fois, la sensation de poussée pourtant d’une clarté absolue trouble votre cerveau au point qu’il a du mal à réaliser ce qui vient de se produire. C’est comme si vous étiez sorti de votre état de conscience pendant un bref instant. C’est si rapide qu’une Bugatti Chiron SuperSport de 1600 ch vous semblera lente à côté. Et je ne dis pas cela gratuitement, nous avions réellement une Chiron SS avec nous (vous en saurez plus l’année prochaine).
J’ai gardé mon pied droit au plancher jusqu’à environ 290 km/h sur une portion de route que Rimac avait fait fermer pour notre essai. Et au moment où j’ai relevé le pied, ça poussait toujours aussi fort qu’à 80 km/h. J’ai eu la chance de piloter il y a quelques années une F1 moderne sur le circuit de Silverstone et c’était assez percutant en ligne droite. Mais je vous le dis très franchement : la Nevera est plus rapide jusqu’à 140/150 km/h puis aussi rapide ensuite. C’est d’ailleurs ce que suggèrent les chiffres annoncés : 1,97s de 0 à 100 km/h et à peine 4s pour passer de 0 à 160 km/h. Le 400m DA réclame tout juste 8s6 et pour atteindre les 300 km/h, il faudra « patienter » 10 secondes ! Pas mal pour une routière.
Les performances en ligne droite sont telles que je pense que personne ne s’y accoutumera vraiment mais, selon moi, le plus impressionnant est son comportement dynamique. Vous pouvez la caler en appui dans un virage rapide en sentant précisément à travers le siège et vos mains combien de couple est envoyé sur chaque roue. C’est juste époustouflant. Et lorsque vous sélectionnez les modes Track ou Drift, vous pouvez même sortir de courbe en léger contre-braquage ou, selon votre niveau d’audace et de courage, en dérive totale. Mais en exagérant sur l’accélérateur, jamais elle ne semble vouloir vous mordre. Les calculateurs travaillent pour offrir le maximum de puissance disponible mais sans jamais la rendre pointue ou nerveuse. Le résultat pour le moins surprenant est que vous avez la sensation d’être au volant d’une BMW M3 à la puissance près de 5 fois plus importante et, surtout, dotée d’une direction nettement meilleure.
Les performances en ligne droite sont telles que personne ne devrait pouvoir vraiment s’y habituer
Produire un engin aussi outrageusement rapide est une chose mais faire en sorte qu’elle offre en même temps un tel ressenti et une telle délicatesse de comportement est du pur génie. Découvrir par la suite qu’elle est capable de recharger de près de 0% à 100% en moins de 20 minutes (sous mes yeux) finit de vous scotcher. Certes, l’infrastructure de recharge adaptée n’existe pas encore dans notre pays mais savoir qu’elle peut récupérer 480 km en 18 minutes laisse penser que les évolutions dans le domaine des électriques n’en sont qu’à leur début.
Mais au final, ce ne sont pas ses performances d’accélération ou ses freinages irréels, ou sa capacité de recharge ultra-rapide que vous retenez le plus. Non, il s’agit vraiment de la sensation de plaisir et d’amusement qu’elle procure. Elle est la seule à réunir le meilleur des deux mondes : les perfs démoniaques des pures électriques et le comportement ainsi que les sensations des supercars old-school.