Antécédences

UN ESSAI SIGNÉ EVO

Peugeot 106 Rallye phase 1

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Son 1300 cm3 produit à peine 100 ch et sa vitesse maxi ne dépasse pas 190 km/h mais la 106 Rallye de première génération a la compétition dans les gènes. Elle prouve que les sportives les plus mémorables ne sont pas forcément hors de prix.
SOMMAIRE

La vue à travers le petit pare-brise de la Peugeot déroule à perte de vue des champs vallonnés brûlés par le Soleil. L’air surchauffé entre dans l’habitacle par les vitres ouvertes et le petit toit ouvrant dont l’arrière est légèrement relevé grâce à une frêle poignée de plastique située derrière le rétroviseur central. Ça ne vaut pas une climatisation mais ça fait le job. Sauf à l’arrêt où les 40 degrés ambiants font que mes avant-bras se couvrent de sueur en quelques secondes.

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On pourrait croire que je suis dans le sud de la France sur une petite route de Provence au volant d’une Peugeot Sport mais non, je suis plus au nord et pour tout dire, près de Wantage dans l’Oxfordshire en train de rôtir sous des températures record. C’est au moins la troisième personne qui me dit « oh mais vous devez bouillir là-dedans sans climatisation ! » Vous savez quoi ? Je m’en moque totalement. La dernière fois que j’ai conduit une 106 Rallye Phase 1, c’était il y a 26 ans et il s’agissait de ma toute première sportive. J’ai l’impression de rajeunir et ce n’est pas une petite suée qui va gâcher ce moment.

Ma première fois en 106 Rallye

J’ai du mal à rester objectif avec cette 106. Il faisait à peu près aussi chaud la première fois que j’en ai aperçu une pour de vrai. J’attendais le ferry à Portoferraio sur l’île d’Elbe, nous étions en plein été 1995, des brumes de chaleur émanaient du bitume en fusion et l’odeur du goudron se confondait avec celle du poisson et du carburant lourd des navires à proximité. Il faisait trop chaud pour bouger, et même respirer devenait pénible. Puis, dans la longue file de Fiat et de Renault décrépies, j’ai vu une 106 Rallye toute neuve revêtue d’un éclatant noir brillant. Son jeune propriétaire était allongé dans le siège conducteur avec sa jolie compagne qui semblait s’ennuyer à ses côtés. Les stickers, les jantes tôle blanches et plus important pour le fan de rallye que j’étais, elle avait une plaque d’homologation FIA sous le capot qui signifiait son appartenance à une race rare : celle des voitures d’homologation. J’ai su ce jour-là que j’en aurai une et c’est ce qui s’est produit peu de temps après. Je savais qu’il s’agissait d’une auto très particulière car je dévorais la presse et tout ce qui concernait l’auto. Conçue pour être homologuée en Groupe N et A de rallye, la 106 Rallye Phase 1 écrivait la suite de l’histoire débutée par la 205 Rallye. Elle était équipée d’une version dégonflée du nouveau bloc TU de Peugeot afin de pouvoir être engagée dans la classe des 1300 cm3. Connu sous le code TU2, ce 4 cylindres supercarré à 8 soupapes était apparu pour la première fois dans la Citroën AX Sport mais grâce à ses deux carburateurs Weber DCO40, la 205 offrait 103 ch. Pour seulement 795 kg ! L’auto est devenue une légende et concevoir sa remplaçante basée sur la 106 était la suite logique.

Des caractéristiques spéciales

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La 106 est sortie en 1990 en duo avec sa grande sœur 306 pour remplacer la 205, ce qu’elles n’ont jamais vraiment réussi à faire même si prises indépendamment, elles étaient de très bonnes autos. La première 106 sportive a débarqué en 1991, il s’agissait de la XSi mue par un 4 cylindres TU 1,4 litre de 100 ch mais pour la version Rallye de 1993, Peugeot Sport récupéra le TU2, cette fois en version ‘J2’ avec une injection Magneti Marelli et un pot catalytique. Sa puissance était toujours de 100 ch à 7200 tr/mn tandis que son couple assez faible de 108 Nm intervenait au régime ridiculement élevé de 5400 tr/mn.

La nouvelle 106 Rallye de 825 kg était extrêmement dépouillée : pas de direction assistée, des garnitures de portes minimalistes, des vitres manuelles, un radiocassette bas de gamme, pas d’antibrouillards. À l’intérieur, on trouvait des tapis et des ceintures rouges, des sièges sport spécifiques noirs à motif tandis qu’à l’extérieur, les élargisseurs d’aile étaient couleur carrosserie contrairement à ceux de la 205 ou de la 106 XSi. Et bien sûr, des jantes tôle blanches de 14 pouces et sur le capot, les flancs et la malle, les bandes Peugeot Sport au dessin revu pour les années 90. Pour coller avec le bloc moteur avide de hauts régimes, on avait droit à une boîte courte 5 vitesses. Le châssis était à peu de chose près identique à celui de la XSi mais avec des barres antiroulis plus épaisses. Les freins à tambour étaient conservés à l’arrière, les disques n’arrivant que sur la Phase 2.

La Phase 1 blanche d’Andy brille fort sous le Soleil. L’auto était disponible en blanc, rouge ou noir, elle pouvait recevoir en option un toit ouvrant et pas grand-chose de plus mais l’auto coûtait alors moins de 80 000 francs, ce qui était très accessible.

Il s’agit de la seconde 106 Rallye d’Andy puisqu’il en a déjà possédé une il y a 20 ans. Malgré ses 225 000 km, elle est magnifique. Andy est un passionné absolu d’automobile et a même créé une base de données sur Instagram pour recenser tous les modèles survivants.

Ambiance à bord

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Même si leur assise est un peu haute, les sièges sport offrent un soutien décent.

J’ouvre la porte conducteur qui grince sur ses charnières comme apparemment toutes les vieilles Peugeot, elle révèle un habitacle d’une simplicité désarmante qui semble avoir été conçu sur une autre planète. Devant soi on trouve un assortiment de jauges et de cadrans Jaeger sans fioritures : températures d’eau et d’huile de chaque côté et au centre, un compteur de vitesse ainsi qu’un compte-tours plus imposants. Le cadran de température d’huile sert également de jauge d’huile électronique au démarrage. C’est dingue de se dire que les dernières autos modernes que j’ai conduites (BMW M240i et Audi RS3) ont toutes des combinés numériques qui sont très loin d’offrir une telle clarté et une telle immédiateté dans la lecture des informations vitales à la conduite. Incroyable.

On est assis relativement haut. Le pédalier est plutôt discret, les surfaces vitrées sont importantes, ce qui n’est pas sans rappeler que le côté lumineux des anciennes autos va de pair avec une rigidité toute relative dans les accidents.

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Le combiné d’instrumentation est un modèle de clarté (sa zone rouge débute vers 7250 tr/mn).

C’est le moment d’y aller. Tournez la clé et le petit TU démarre sans fanfare à travers l’échappement d’origine assez discret. Les débattements du pommeau de vitesse sont plus importants que dans mon souvenir mais les passages de rapports sont rapides et fluides. Rapports courts et poids léger signifient que la Rallye bondit et prend des tours très rapidement pour prendre très vite de la vitesse.

Sur la route

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Les premiers kilomètres me surprennent. Comme beaucoup d’anciennes sportives, la Rallye n’a rien de tranchant comme on l’imagine pourtant souvent. La direction non assistée est plutôt lourde à basse vitesse (mais ce n’est rien comparé à une 205 GTi 1,9l) et très démultipliée. La lourdeur disparait en prenant de la vitesse mais cela ne change pas grand-chose en termes de réponse. L’amortissement se montre plutôt lâche, on ressent pas mal de roulis, ce qui ne fait plus partie des caractéristiques des voitures modernes. Tout cela contribue à rendre la Rallye assez décontractée malgré sa réputation. C’est une auto tranquille pour balader, elle offre une belle visibilité, son petit gabarit vous met à l’aise sur tous types de routes et elle est facile à mener.

Elle parait donc assez timide. Quiconque a déjà conduit une vieille Peugeot reconnaitra le cliquètement caractéristique du moteur PSA mais son manque de muscle à bas régime fait qu’une fois passée la vivacité du premier rapport, vous ne faites que suivre le trafic, au mieux. Les fortes montées peuvent représenter un plus gros challenge car la Rallye n’a pas le coffre suffisant pour maintenir sa vitesse si vous n’êtes pas sur le bon rapport.

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Le remède est évidemment de monter dans les tours. Très haut. À partir de 4000 tr/mn, la 106 commence à émettre une sonorité plus agréable et passés les 5000 tr/mn, on entre dans le vif du sujet jusqu’à la zone rouge fixée à 7200 tr/mn … qui est aussi le pic de puissance. La sonorité devient alors fabuleuse et la présence moteur très énergique. Ce pic d’intensité doit alors être maintenu en manoeuvrant le levier de vitesse aussi vite que possible. C’est le genre d’auto où danser sur les pédales est aussi agréable qu’indispensable.
Le ballet s’amorce dans les enchainements de virages, on freine, on descend les rapports pour les virages serrés, on garde le régime le plus haut possible jusqu’en sortie pour pouvoir attaquer la ligne droite qui suit avec assez de vivacité. Je suis totalement absorbé par cette conduite dont je me délecte de chaque instant. Puis, un coup d’œil au compteur de vitesse m’indique que je roule à 100 km/h. Ce qui me fait exploser de rire. C’est absurde. Tout ce plaisir, ces sensations de vitesse et ce sentiment d’être sur le fil alors que dans la réalité, on ne dépasse quasiment pas les limites légales de vitesse. N’est-ce pas merveilleux ? C’est en fait une auto parfaite pour notre époque, non ?

La Peugeot 106 Rallye fait beaucoup avec très peu

Les qualités du châssis de la Rallye ne tardent pas à refaire surface. Dès qu’on dépasse le point milieu transparent de la direction très démultipliée, tout se tend comme les câbles d’acier d’un filet à requins qui vient d’attraper sa proie. Avec 10° de braquage, la direction devient d’un coup très réactive et vous remonte quantité d’informations d’une façon tellement naturelle que l’on rêve tous à evo d’avoir le même ressenti sur les autos modernes. De petits gestes ont alors un gros effet et l’on a alors la sensation d’être dans une auto en alerte prête à être remuée. Le crissement doux des pneus indique que le niveau d’adhérence n’est pas particulièrement élevé mais la Rallye fait beaucoup avec très peu. En fait, tout tourne autour de l’essieu arrière.

Classiquement chez Peugeot Sport, c’est la suspension arrière à barre de torsion et sa façon de réagir sous la contrainte qui contribue grandement au comportement de l’auto. En tant que pilote, vous vous sentez rassuré en entrée de courbe par la direction mais on doit aussi composer avec un survirage mesuré qui semble vous accompagner dans le virage pour ensuite accélérer le retour en ligne droite. L’auto opère un mouvement de rotation automatique qui la positionne parfaitement pour la sortie de courbe et la reprise des gaz. Ce n’est pas un gros survirage comme avec la 205 GTi mais on parle de la même magie. Jetez un œil à la photo où l’on voit la 106 de dos en plein virage. C’est une courbe rapide en quatrième où l’on peut voir ce léger survirage (nettement plus perceptible de derrière le volant, je vous garantis) qui vous place très tôt en ligne afin de réaccélérer pour la portion droite qui suit.

Pourquoi la 106 Rallye est géniale

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Comme beaucoup de petites sportives françaises de l’époque, ma Rallye a terminé sa carrière dans un arbre. Elle a toutefois été réparée mais j’ai raté l’opportunité de la racheter il y a une dizaine d’années. J’y pense maintenant avec nostalgie et regrette un peu d’avoir laissé passer ma chance.

Une 106 Rallye Phase 2 est apparue en 1998 mais équipée du plus conventionnel TU5 1,6 litre qui, s’il n’offrait que quelques chevaux de plus, avait nettement plus de couple. L’auto était équipée de jantes plus larges et pesait plus de 865 kg. Elle était plus rapide mais moins singulière, moins spéciale. Puis, la version 16 soupapes de ce moteur TU5 fut montée dans la 106 pour créer la GTi de 120 ch et 145 Nm de couple qui servira ensuite de base pour la compétition.

Plus personne ne fabrique d’autos telles que la 106 Rallye Phase 1. C’est impossible pour de multiples raisons sans compter que cela n’intéresse même plus les constructeurs. La plus proche actuellement est sans doute la Toyota GR Yaris mais elle ressemble quand même plus à une Lancia Delta des temps modernes.

Toutes ces sensations alors que dans la réalité, on ne dépasse quasiment pas les limites légales de vitesse, c’est presque absurde.

Mais le plus fou dans tout ça, c’est qu’il s’agit d’une auto sans aucune prétention. Pas de vitres teintées, d’éléments aérodynamiques agressifs ou de jantes diamantées. Elle doit abattre le 0 à 100 km/h en un peu moins de 10 secondes, elle n’est là pour impressionner personne mais elle arbore quand même fièrement les bandes de la division compétition de la marque. Elle permet à ceux qui n’ont pas un budget pharaonique de posséder une vraie voiture d’homologation, une auto entièrement dédiée au plaisir de piloter et à la passion de la course, rien d’autre. En ce sens, c’est une vraie icône. Et puis, comme elle fut assez bonne pour jouer un rôle clé dans la carrière naissante d’une certain Sébastien Loeb, je pense que tout est dit … 

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LE VERDICT
Les sensations sans prétention
Voiture d'homologation
Cela va devenir une icône
Moteur énergique
Spartiate
Pas très rapide
NOTRE AVIS
5/5
SPORTIVES
D’OCCASION
 FICHE
TECHNIQUE
Moteur
4 en ligne
Cylindrée (cm3)
1294
Disposition
avant
transversale
Suralimentation
Sans (Atmosphérique)

CO2 (g/km)

Non communiqué
Puissance (ch à tr/mn)
100 à 7200
Couple (Nm à tr/mn)
108 à 5400
Type de transmission
Traction
0-100 km/h annoncé
9''3
Vitesse maximum
190 km/h
Poids
825 kg
Prix
77 000 francs en 1994 (soit 18 000 euros de 2022) Cote 2022 : env. 12 000 euros
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