L’engouement autour du fameux logo rouge Honda et la force de la communauté Type R surprennent à chaque nouveau modèle. L’Integra apparue en 1995 a laissé des traces intergénérationnelles, comme la saga Civic lancée en 1997 au Japon (EK9). Mais c’est la NSX-R qui a étrenné ce blason sportif à partir de 1992 (moins de 500 exemplaires). Dès la sortie de la concession de Lyon, l’une des premières FL5 sur le marché français aimante les regards, fait ralentir les GTistes et s’affoler les membres de la famille Civic. Une FN2 croisée, rondouillarde, paraît minuscule à ses côtés : 2007, 201 ch, 4,27 m. Dire qu’à l’époque, elle était traitée de petit monospace et accusée de forcir de 140 kg par rapport à l’EP3, la première Civic Type R importée en Europe : 2001, 200 ch, 4,13 m. L’originelle de 1997 (185 ch) avait à peu près le même gabarit, mais a démarré à 1 050 kg. Ça fait rêver. Toutes ont en commun des plaisirs simples, des régimes de rotation délirants liés au déphasage VTEC, un rendement supérieur à 100 ch/l et un joystick en guise de boîte manuelle. La bascule vers la carrosserie tricorps s’est opérée en 2015 en Europe, avec l’arrivée de l’éphémère FK2 succombant au dopage et cachant un train avant à pivot découplé : 2 ans de production, 310 ch. Dès 2007, Honda a préparé le terrain avec la berline FD2 (225 ch), vendue exclusivement au Japon. La sportive a grimpé de 4,39 à 4,56 m dès 2017 avec la spectaculaire FK8, qui repart d’une feuille blanche en termes de châssis, étrenne un amortissement piloté et fait évoluer le 2 litres turbo à 320 ch. Nous lui avons d’ailleurs présenté sa remplaçante et la rencontre s’est avérée fort instructive.

Gros gabarit
Dévoilée l’été 2022, la FL5 fait évoluer en profondeur les dessous de son aînée. Le maître-mot est rigidification : structure et trains roulants. L’objectif ? L’efficacité, les performances en piste. Le gabarit continue d’exploser pour asseoir son empreinte au sol. L’empattement est étiré sur 35 mm. Les voies s’élargissent de 26 mm à l’avant et 30 mm à l’arrière. Le centre de gravité s’abaisse, comme la hauteur totale (- 19 mm). Les traits s’adoucissent, sans aucun mal étant donné les antécédents manga de la FK8 et sa montagne d’appendices. L’aileron magistral est conservé, comme l’écope sur le capot ou la triple sorties d’échappement. La carrure naturellement imposante évoque la grande époque des Impreza STi et Lancer Evolution. Derrière ce coup de crayon plus consensuel se cache un important travail aéro. Ne rigolez pas, la FK8 a ouvert la voie en éradiquant la portance et en générant un peu d’appui (30 kg à 200 km/h). Un exploit pour une grosse GTi ! La petite nouvelle triple ce chiffre, en misant avant tout sur l’aileron (59 kg à lui tout seul) et le pare-chocs avant (21 kg). Avec 92 kg à 200 km/h, elle établit un nouveau record dans la catégorie… Mais appartient-elle encore à l’espèce en voie de disparition GTi ? Son gabarit l’élève au rang de familiale (4,59 m). Et son tarif ? Il fait tomber à la renverse. En ajoutant le malus (12 552 €) et les options, l’addition atteint les 70 000 €, comme la Mégane R.S. Trophy. Les Golf GTi Clubsport, Focus ST et Leon VZ s’en sortent mieux. Honda France importe du coup cette 7e génération (5e pour l’Europe) au compte-gouttes. Il établit un quota après avoir contacté tous les prospects. Celui de 2023 est atteint avec moins d’une centaine de modèles et les intéressés doivent désormais patienter jusqu’en 2024. Ce n’est rien comparé au marché japonais, saturé pour les trois années à venir ! « La plupart des acheteurs sont des clients fidèles, mais nous touchons également pas mal de porschistes, qui aiment la piste » précise Steve Amsellem, responsable des ventes chez Honda France, qui a eu la gentillesse (et le plaisir) de convoyer notre modèle d’essai jusqu’à Lyon en étant pisté sur les réseaux sociaux. Face au sabre hypertrophié, le coq paraît tout menu et timide. La préretraitée Mégane qui achève sa brillante carrière – et celle de Renault Sport par la même occasion concernant les véhicules de série – par l’édition Ultime cache bien son jeu : roues arrière directrices, 300 ch, autobloquant sur la Trophy, pneus semi-slicks optionnels, boîte à double embrayage EDC imposée. Elle élargit ses ailes et arbore fièrement le jaune historique (optionnel), qui lui va comme un gant. Elle part confiante et n’a pas peur d’en découdre.

Sur la route : victoire Renault
Le conducteur trouve vite ses repères à bord de ces sportives, parfaitement calé dans leurs baquets. Les beaux Recaro optionnels de la Mégane tapent dans l’œil, mais pas autant que ceux de la Civic parés de rouge et offrant un moelleux inattendu. À l’image de la moquette et des tapis assortis, ils saluent la mémoire du mentor Integra. Les places arrière sont préservées, sauf la centrale dans le clan nippon. Les commandes tombent sous la main. Les matériaux sont de bonne facture sur le haut des planches de bord et basiques partout ailleurs. Les yeux convergent irrémédiablement vers les écrans centraux. Celui de la Mégane impressionne par sa taille et oblige à farfouiller pour déconnecter l’ESP ou sélectionner le mode de conduite : Save, Sport, Race ou My Sense permettant d’ajuster indépendamment la gestion moteur, la réponse à l’accélérateur, la sonorité, les aides, les roues arrière directrices, l’échappement, la climatisation ou le compteur.

L’amortissement n’est pas concerné, puisqu’il demeure passif (à butée hydraulique) et raffermi par rapport au modèle standard : + 25 % amortisseurs, + 30 % ressorts et + 10 % barres antiroulis. Cela se ressent à basse vitesse, sans excès et la qualité du filtrage séduit par rapport au système piloté de la Civic. La Française permet aussi de visualiser de nombreux paramètres liés au fonctionnement de l’auto ou aux performances via le R.S. Monitor, qui figure en option. La Type R va plus loin en la matière avec d’innombrables données – comme la température d’admission ! – visualisables sous plusieurs formes dont une constellation de cadrans rappelant la Nissan GT-R. Les pistards seront ravis de dégoter un outil de télémétrie, capable d’analyser la conduite selon cinq critères utilisés par les testeurs maison, de prodiguer des conseils, d’attribuer des points par secteur et d’établir un classement. Tout un programme, qui oublie une donnée essentielle : la pression des pneus, voire leur température. Comme la Française, la Japonaise propose d’incontournables modes de conduite, commutables depuis le tunnel : Comfort, Sport, +Race et Individuel paramétrable. Les réglages concernent cette fois la réactivité de l’accélérateur, la direction, l’amortissement, la sonorité, le régime maxi, le talon pointe auto et le graphisme du compteur. Le +R joue à fond la carte de la radicalité, en surexcitant l’accélérateur et en verrouillant la suspension. Ce n’est pas une image, mais un constat parfois douloureux tant il oublie toute notion de filtrage.
Honda est reparti de l’architecture de la FK8 (McPherson avant /multibras arrière) en rigidifiant l’ensemble, en revoyant la géométrie (déport, carrossage positif + 16 %) et la gestion des amortisseurs actifs en vue de mieux contrôler le roulis. C’est réussi en +R, à réserver à du billard. Sur petites départementales croustillantes dont les GTi raffolent, il faut donc jongler entre les paramètres et assouplir d’office la suspension. Or même en Comfort, le compromis déçoit par manque de débattement. La Mégane en profite pour briller sur ce terrain de jeu, malgré l’absence de pilotage. Et sur longs trajets alors ? Les deux conservent un esprit GTi, entre les bruits ambiants et le confort ferme, dans une moindre mesure. Sur autoroute, la Honda tire plutôt court et évolue à plus de 3 000 tr/mn en 6e, comme la Renault dont la boîte EDC se contente de six rapports. Bref, la Golf GTi Clubsport garde une longueur d’avance en termes de polyvalence et la Civic régresse par rapport à son aînée, en raison de la suspension.

Moteur/boîte : victoire Honda
Pour cette génération, Honda fait de nouveau évoluer le 2 litres, en douceur. La puissance est portée de 320 à 329 ch et le couple de 400 à 420 Nm en réduisant l’inertie du turbo (pales et carter revus), les contre-pressions à l’échappement et en améliorant le refroidissement ainsi que l’allumage. Le but étant de relever l’efficacité à hauts régimes, tout en réduisant la consommation à bas régime. À ce propos, il est difficile de descendre sous les 10 l/100 km et de dépasser les 350 km d’autonomie, en raison du petit réservoir de 47 l. On retrouve le caractère du précédent quatre cylindres et la différence de puissance se ressent peu dans les tours. En revanche, le couple maxi a plus de mal à passer au sol et génère de violentes remontées dans le volant sur le second rapport. Si vous prêtez votre jouet, mieux vaut prévenir ! Les montées en régime, elles, sont toujours marquées par un effet turbo à 3 000 tr/mn et une faculté à grimper à 7 000 tr/mn avec rage. Sous cette plage d’utilisation, il faut patienter en épingle ou passer un coup de première. Honda s’est d’ailleurs penché sur cette manipulation et la facilite. Face au 2 litres, le 1,8 litre turbo Renault Sport en configuration 300 ch décroche de peu la palme du rendement de folie (167 contre 165 ch/l) et s’éclate dès 2 500 tr/mn. Mais il se révèle moins à l’aise dans les tours. Dans les deux cas, ces quatre cylindres ont tendance à lisser les sensations et à être peu expansifs. Lâchez-vous ! Ils assurent le minimum syndical en amplifiant les bruits d’admission dans les modes sportifs, mais leur échappement ne remonte pas aux oreilles alors qu’il grogne généreusement de l’extérieur. L’aînée FK8 et l’édition limitée inabordable Trophy-R ne lésinaient pas sur le souffle à l’échappement et les bruits de suralimentation, ce qui les rendait attachantes. En termes de sensations mécaniques, les ennemies du jour tendent vers l’univers des GT et non des GTi. Le 2 litres doit sa victoire à ses envolées et à son caractère un brin plus marqué.

Il la confirme en formant un couple idéal avec une boîte à rythme endiablée, commandée par un minuscule joystick. Les 6 rapports passent du bout du doigt : guidage ultra-précis, faible débattement, hauteur parfaite du tunnel. L’embrayage se manie en douceur. Le rêve. Cette transmission composant avec un volant moteur allégé et de nouveaux synchros crée une telle symbiose que l’on ne s’en soucie jamais, même en attaquant. Vous aimez réaliser le talon pointe ? Pas de problème, mais le système Rev Match (plus rapide de 10 %) est si bien ficelé qu’il vous rendra feignant du pied droit. Il en résulte l’une des meilleures boîtes manuelles au monde. L’EDC Renault ne peut que s’incliner devant cette connexion orgasmique. Cette double embrayage s’affirme juste en rapidité, mais elle n’a pas la niaque d’une PDK Porsche au rétrogradage ni une gestion exempte de défaut (à la montée). La Française fait donc profil bas, mais recèle un gros avantage pour le chapitre suivant : un launch control !

Performances : victoire Honda
Comment la Civic peut-elle l’emporter alors que la Mégane termine devant en accélérations ? Nous ne sommes pas encore séniles. Observez bien le tableau, les deux ennemies se talonnent jusqu’à la borne kilométrique et l’écart s’élève à seulement 0’’1, en faveur il est vrai de la Française. Vous conviendrez qu’un dixième relève de l’infinitésimal et que la Type R a plus de mérite puisqu’elle se passe de boîte robotisée, de procédure électronique de départ et de semi-slicks ! Elle doit démarrer façon « taxi » comme dirait Nicolas, avec un faible régime pour éviter de trop patiner. La démultiplication courte plaide en sa faveur, comme un élément inespéré : le rapport poids/puissance de 4,3 contre 4,9 kg/ch pour la R.S. Malgré la différence de gabarit (23 cm en longueur !), la balance de notre partenaire W-Autosport indique 63 kg d’écart en faveur de la Nippone. La FL5 forcit par rapport à la FK8, mais Honda contient le surpoids en allégeant les points d’assemblage de la structure, le capot (alu) et le hayon (résine). Résultat, la masse mesurée s’en tient à 1 422 kg alors que la Mégane tend vers la 1,5 tonne. Concernant les reprises, difficile de les comparer en raison des différents types de boîte et l’emploi du kick-down pour la Mégane (Drive). Pour les départager, il ne reste que la vitesse maxi et le débat tourne court puisque la Type R prend le large de 20 km/h ! Logique, étant donné sa puissance et sa bonne aéro. Elle toise ainsi ses pires adversaires avec 275 km/h, côtoie des GT et peut se targuer d’une stabilité digne de ces dernières. Entre son assise et son appui aéro, elle devrait exceller sur les circuits rapides, comme Magny-Cours GP, Spa ou la Nordschleife.

Sur la piste : victoire Honda
Nous avons pu la mesurer sur notre tracé école – technique et très instructif – en plein mois de janvier. Un miracle, qui s’accompagne d’une température correcte, donc la Mégane et ses semi-slicks ne partent pas désavantagés. Au contraire, les Bridgestone ont tendance à surchauffer et obligent à baisser les pressions. Nous retrouvons le déhanché espiègle de la Française, agile et survireur grâce aux roues arrière directrices. Trop parfois ! En la plaçant aux freins, la poupe pivote généreusement, ce qui provoque un large sourire. Mais il est difficile de reproduire la manœuvre et l’autobloquant épaule insuffisamment à la réaccélération. Notre modèle d’essai semble plus survireur qu’à l’accoutumée. « Je n’aime pas le côté artificiel des roues arrière directrices ! » s’insurge Nicolas, avant d’analyser : « elle rentre fort, elle pivote, on se croit bien puis on perd l’avant à la remise de gaz. Le déhanché est facile, agréable, mais c’est aléatoire. On corrige à un moment où il ne faut pas » Il ne parvient pas à réitérer l’excellent chrono réalisé avec une Trophy EDC en 2019, mais il améliore celui de 2021 (1’25’’60) en raison de pneus en meilleur état : 1’25’’02.
Un excellent chrono dans l’absolu, mais la Civic parvient à la devancer, alors qu’elle chausse seulement des Michelin PS4S. Ses armes ? La stabilité, la rigidité, la rigueur et un mode +R verrouillant la suspension… Au point qu’il crée du piochage dans les longues courbes comme le double droit ou le rayon constant. Nicolas en rigole encore : « J’ai perdu mes plombages ! C’est dingue. C’est hyper rigide, comme une voiture de course. » Le chrono, lui, ne plaisante pas : 1’24’’30, soit une seconde de mieux que l’aînée FK8. La Type R table sur des réactions neutres et un avant si costaud qu’il pousse à freiner très tard et à garder un maximum de vitesse en entrée. Pas de souci, le dispositif Brembo mordant et endurant (refroidissement revu) encaisse le choc, contrairement aux freins de la Mégane, ici fatigués. La direction (rigidifiée), elle, renvoie plus de signaux par rapport à celle de la Française. Une révélation cette FL5 ! Alors qu’elle souffre sur route bosselée et swingue moins que la Mégane, elle dévoile son potentiel sur circuit et devrait régaler les pistards par sa hargne et sa facilité à exploiter les 329 ch. Elle met en confiance, se contente de pivoter efficacement sur le sec (elle survire sur le mouillé !) et pousse à se battre contre le chrono. Les réglages deviennent si radicaux en +R qu’ils semblent taillés pour des semi-slicks… Pourvu que cette monte devienne disponible en accessoires ! En conservant un tarif plus sensé autour de 40 000 €, cette génération aurait envahi les circuits. Mais l’inflation et les surtaxes la cantonneront au rôle d’oiseau rare et exotique. Nous lui donnons rendez-vous avec plaisir en fin d’année pour notre élection 2023, espérons-le chaussée en Cup 2.
