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UN ESSAI SIGNÉ MOTORSPORT

Match : Ford Focus RS mk2 VS Subaru Impreza WRX STI

Yannick Parot
le
La Ford Focus 2 RS est incontestablement l'une des voitures de sport les plus marquantes de sa génération. Lors de sa présentation en 2009 sur les spéciales de rallye de l'arrière pays niçois, nous lui avions opposé la Subaru Impreza STI. Retour sur ce choc mémorable.
SOMMAIRE

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Sospel, Alpes Maritimes, fin février. Quelques-unes des plus belles pages du rallye Monte-Carlo se sont écrites non loin d’ici, sur les routes qui encerclent ce petit village de l’arrière-pays niçois. Lucéram, Turini, col de Braus : ces lieux chargés d’histoires vont peut-être nous permettre d’en écrire une nouvelle avec la Focus RS.

Passer le couple d’une Audi R8 sur le train avant en restant sous la barre des 34 000 euros, le challenge a dû en faire glousser plus d’un, même chez Ford…

Cette compacte des familles cache l’un des défis les plus passionnants de la dernière décennie en matière d’automobile sportive. Elle s’aventure là où personne n’est jamais allé. Elle franchit un cap, que dis-je, une péninsule ! Rendez-vous compte : 305 ch et près de 45 mkg sur les seules roues avant. Sa première dauphine, la Mazda3 MPS, revendique “seulement” 260 ch pour 39 mkg. Un tel écart chez les intégrales ou les propulsions n’aurait rien d’exceptionnel, mais chez les tractions, c’est un gouffre.

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L’évolution des voitures de sport est permanente, souvent bluffante, mais rarement aussi spectaculaire. Et ne me parlez pas de la Bugatti Veyron. Son prix ôte une grande part de mérite à sa réalisation. Trente-six fois moins chère, la Focus répond à un cahier des charges autrement plus complexe. Si complexe que l’on est en droit de douter du résultat. Passer le couple d’une Audi R8 sur le train avant en restant sous la barre des 34 000 euros, le challenge a dû en faire glousser plus d’un, même chez Ford…
Jost Capito, lui, ne rigole pas. Il sourit, sûr de lui et impatient que l’on goûte au fruit du travail de sa petite équipe de passionnés. Dans les pages précédentes, il nous confie que la RS n’a nullement besoin de la transmission intégrale, qu’elle est plus efficace que la Subaru STi, même sur le mouillé.
Nous l’avons pris au mot en opposant la Focus à ladite Impreza, le maître étalon rêvé sur ces routes aux mille lacets. Ce match est aussi un clin d’œil au championnat du monde des rallyes, malheureusement abandonné en 2009 par le constructeur nippon, crise oblige. Seule la Focus peut donc encore prétendre à l’appellation “WRC de route”. Reste à savoir si elle en est digne…

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Presque ordinaire

La RS nous reçoit dans de beaux baquets Recaro au maintien excellent. C’est bien là le seul véritable signe de sportivité dans l’habitacle. On peut s’indigner de la banalité du volant, du pommeau et de la planche de bord, et pester en cherchant en vain une position de conduite idéale. Mais soyons indulgents, jamais le prix n’aurait pu être aussi compétitif sans cette standardisation.
La mise à feu s’opère à l’aide d’un bouton situé à la base du levier de vitesse. Une petite pression ne suffit pas. Comme sur l’ancienne RS, il faut garder le doigt appuyé jusqu’au réveil de la mécanique. Celle-ci s’ébroue discrètement. Avec deux sorties d’échappement de 10 cm de diamètre, on s’attendait à plus de verve. Au ralenti, il faut tendre l’oreille pour déceler une voix un tantinet plus rauque que celle de la ST.
La voiture s’élance calmement, sur un filet de gaz. Pas d’à-coup de transmission ni de brusque montée en pression du turbo, la mécanique est docile . La RS n’a ainsi rien d’une bête de course dévouée exclusivement aux plaisirs égoïstes de son pilote. Elle n’est même pas trop inconfortable. Abaissée de 20 mm et raffermie de 40 % à l’arrière par rapport à la ST, la suspension informe de la plus petite imperfection de la chaussée, mais avec un certain tact. Nous prenons la direction du col de Braus. Sospel disparaît dans le rétroviseur. C’est l’heure de vérité.

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Pied au plancher. Le turbo sonne la charge sans le moindre temps de réponse. Instinctivement, les avant-bras se crispent. C’est inutile. Le volant ne devient pas hystérique et la voiture ne cherche pas sa route. Elle est juste projetée là où le regard se porte. Mieux vaut alors ne pas admirer le paysage. Celui-ci défile à une vitesse inhabituelle à travers les vitres d’une GTI. La poussée est plus proche de celle d’une GT tout court. La première épingle se dessine. Le freinage est la hauteur du punch de la mécanique. La voiture s’inscrit sans sourciller et repart sur le deuxième rapport aussi vite qu’elle est arrivée. La motricité est totale ou presque.

La poussée est plus proche de celle d’une GT tout court

Faire d’une traction de plus de 300 ch une sportive homogène et efficace n’est donc pas une utopie. La bande-son va de pair avec le scénario haletant. Au-dessus de 3 000 tours, une voix gutturale tintée de rage envahit l’habitacle. Toute la difficulté pour les ingénieurs a été de trouver le bon dosage entre une sonorité typée à l’échappement, le sifflement du turbo, les expirations de la wastegate et les inspirations caractéristiques du cinq cylindres en ligne. Le résultat est envoûtant. Pendant que nos tympans se régalent, la RS enfile les épingles comme des perles. En quittant chacune d’elles, je repense aux Alfa 147 GTA, Astra OPC et autres Seat Leon Cupra, beaucoup moins puissantes et tellement plus brouillonnes. Quel est donc le secret de Ford ?

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Recette magique

Pour commencer, à l’instar de la Mazda3 MPS ou de la Mégane RS F1 Team, la Focus dispose d’un différentiel à glissement limité. Celui-ci, fourni par Quaife, limite considérablement les pertes de motricité en transférant le couple d’une roue à l’autre en fonction des conditions d’adhérence. Même si ce type d’autobloquant (semblable au Torsen) brille par sa progressivité, les effets sur la direction restent importants. Ceux qui ont conduit l’ancienne Focus RS savent de quoi je parle… Avec 40 % de couple en plus et des roues de 19 pouces, la nouvelle aurait tout simplement été inconduisible sans la botte secrète des ingénieurs, j’ai nommé le RevoKnuckle. A vos souhaits !
Derrière ce nom de meuble Ikéa que l’on pourrait traduire par “articulation révolutionnaire”, se cache un train avant à pivot indépendant. Contrairement à une McPherson triangulée, le guidage des roues et l’amortissement sont ici découplés. Cela a pour effet de limiter les variations de géométrie (notamment le carrossage) et garder ainsi une empreinte au sol optimale tout en réduisant les effets de couple dans le volant. Le principe n’est pas nouveau. Il fut notamment utilisé par Peugeot en Supertourisme et plus tard sur la 407. Renault y a aussi eu recours pour la Mégane RS, avec le brio que l’on sait. Le système développé par Ford n’en reste pas moins unique en son genre et breveté. Les bienfaits de cette technologie sautent aux yeux, toutefois, une question subsiste : que vaut l’association RevoKnuckle/autobloquant face à une transmission intégrale digne de ce nom ?

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La claque

Pour le savoir, changeons de baquet. Bienvenue dans celui de l’Impreza. L’assise est plus basse et la position de conduite plus adéquate que dans la Focus. Le quatre cylindres à plat nous gratifie de sa musique de machine à coudre, de son tempérament explosif et de sa rage dans les tours. Mais curieusement, le paysage défile moins vite et, à la première épingle, c’est le choc ! J’ai l’impression d’avoir perdu un truc entre le volant et les roues. La Sub’ s’inscrit avec une nonchalance presque caricaturale, puis le turbo se fait désirer avant de souffler dans les bronches du 2,5 litres.

A chaque épingle, la Japonaise concède une vingtaine de mètres à sa rivale

Pendant ce temps, je regarde impuissant la Focus s’échapper, inexorablement. J’ai beau me débattre au volant, rentrer la première, accélérer plus tôt, rien n’y fait. A chaque épingle, la Japonaise concède une vingtaine de mètres à sa rivale. Les deux autos affichent une cylindrée et une puissance équivalentes, mais la RS se démarque par un couple maxi de 44,8 mkg disponible à 2 300 tours, contre 41,5 mkg à 4 000 tours pour la Subaru. Imaginez l’Impreza, cette voiture de course immatriculée très justement adulée de par le monde, recevoir une telle leçon sur son terrain de prédilection… Sidérant !

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Appellation d’origine contrôlée

Il me tarde de parler aux hommes à l’origine d’un tel exploit. Le soir, à table, mon voisin n’est autre que John Wheeler, l’ingénieur en chef du programme RS. Cet Anglais né en 1948 a pas mal bourlingué. Il parle avec l’enthousiasme d’un éternel gamin de ses aventures chez Porsche, dans les années 70, chez Aston Martin où il contribua à la DB7 Volante, et bien sûr chez Ford à qui il a déjà donné plus de vingt années de sa vie. Il a travaillé sur toutes les RS depuis la 200 Groupe B.
Il s’attarde sur l’une de ses chouchoutes, la Sierra Cosworth… deux roues motrices bien sûr. Puis la discussion dérive sur les pilotes, notamment un certain François Delecour, « le type le plus doué que j’aie rencontré » me confie-t-il. Désolé si je m’éloigne un peu du sujet, mais cette dimension humaine est indissociable de la Focus RS. Ses géniteurs sont tous d’authentiques passionnés, obstinés, rêveurs et généreux, peu soucieux au fond de l’aspect consumériste, mais assez malins pour faire les concessions nécessaires à l’aboutissement d’un projet aussi dingue. Capito et ses hommes auraient sans doute préféré des roues arrière motrices, une caisse ultralégère en carbone, 30 ch supplémentaires… Mais savourons déjà le cocktail explosif qu’ils nous ont préparé avec les ingrédients mis à leur disposition.

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Carton plein

Le lendemain matin, nous quittons les alentours de Sospel pour nous rendre au col de Vence, plus à l’ouest. La première partie, faite d’enchaînements très rapides déserts à cette heure matinale, permet d’exploiter pleinement le panache du cinq en ligne. Ce moteur d’origine Volvo est dérivé de celui de la ST. Joint de culasse, pistons, arbres à cames, collecteur d’échappement, admission, tout a été mis à l’échelle de la puissance accrue de 80 ch. La cylindrée étant inchangée, ce gain réside essentiellement dans la greffe d’un gros turbo Borg Warner K16. La pression de suralimentation culmine à 1,4 bar, contre 0,7 pour la ST. Avec 121 ch/litre, le rendement est remarquable mais pas exceptionnel. Et lorsque l’on demande à Capito si le moteur a été bridé pour ménager le train avant, il affirme que « seuls les impératifs de fiabilité ont limité la puissance… ». Sacré Jost. La Focus bondit de virage en virage, laissant une fois de plus l’Impreza à la traîne. La différence ne se fait pas seulement en performances pures, mais aussi et surtout en comportement.

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En passant d’une voiture à l’autre sur la même portion de route, je prends précisément la mesure des qualités dynamiques hors du commun de la Ford. Cette dernière passe plus fort partout, avec une précision et un panache incomparables. La direction, rendue plus directe, est irréprochable. Dans le rapide, la poupe se révèle juste assez mobile pour offrir l’agilité nécessaire sans effrayer le quidam. Notez à ce sujet que l’ESP, spécialement calibré, se fait d’une extrême discrétion. Un atout qui permet d’oublier que la béquille électronique n’est pas totalement déconnectable et peut se réactiver au freinage. Personne n’est parfait…
La Focus n’a rien d’une Lotus Elise mais semble malgré tout beaucoup plus petite et légère que la STi. En réalité, ce n’est qu’une vue de l’esprit puisque les deux autos affichent quasiment le même gabarit et la RS ne pèse que 40 kg de moins. En dépit de l’absence d’étriers fixes pour des questions de coûts, les freins largement dimensionnés n’ont aucun mal à stopper fort et longtemps ce beau bébé frisant 1,5 tonne. Et dieu sait que nous ne les avons pourtant pas épargnés…

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Traction à réaction

Au fil des kilomètres, on apprend à utiliser au mieux le différentiel à glissement limité dans les tourniquets. Ce dernier impose un style de pilotage un peu particulier. Il ne faut pas rentrer fort sur les freins pour inscrire l’auto. Cette méthode académique aura tendance dans le cas présent à avoir l’effet inverse et à générer du sous-virage. Il est préférable, au contraire, de bien freiner avant le virage et de réaccélérer très tôt. Sous l’effet de l’autobloquant, la proue vient alors mordre la corde. On ressort ainsi des épingles les plus raides avec le turbo à pleine charge et le couple maximal disponible. Notez que ce dernier est limité à 36,7 mkg sur le premier rapport et environ 43 sur le second. La motricité n’en reste pas moins incroyable. On peut ouvrir les gaz en grand en montée, roues braquées, sans rien perdre du pouvoir directionnel. Le volant est alors juste animé des remontées suffisantes pour sentir le grip.

On peut ouvrir les gaz en grand en montée, roues braquées, sans rien perdre du pouvoir directionnel.

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Rallyeuses

Paradoxalement, la direction de l’Impreza se montre beaucoup plus virile dans les mêmes conditions. Il est préférable de tenir le volant à deux mains lorsque la cavalerie déboule, et ne pas manquer d’autorité pour garder la maîtrise de cette sportive revêche.
Ce tempérament volcanique fait tout le charme de la Sub’ à la limite. Une fois le mode d’emploi en tête, c’est un vrai régal d’utiliser la transmission intégrale pour dessiner de petites virgules en sortie de virage. La Focus, elle, ne peut pas faire ça. Non mais ! En revanche, elle a encore un autre talent qui finit d’assommer son adversaire. Il s’agit de l’amortissement.

C’est un fait, il y aura l’avant et l’après Focus RS deuxième du nom

La RS digère tout : ondulations, bosses, trous, compressions, délestage… Le phénomène semble même s’accentuer avec la vitesse. Pourtant une référence en la matière, l’Impreza ne peut soutenir la comparaison. D’ailleurs, quelle voiture de série, toutes catégories confondues, pourrait soutenir la comparaison ? Chez les GTI, la Mégane R26.R reste la mieux armée pour se mesurer à la Focus. En descente et sur une chaussée lisse, elle est même certainement plus rapide dans les parties très sinueuses, mais les slicks et le dépouillement de l’habitacle faussent la comparaison. Non, en réalité, la Ford n’a pas encore de concurrente directe. Elle a une longueur d’avance dans tous les domaines, y compris celui du tarif, aussi fou que le défi relevé de main de maître par ses concepteurs. C’est un fait, il y aura l’avant et l’après Focus RS deuxième du nom.

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En conclusion

La Focus RS franchit allégrement des limites jusqu’ici insondables dans la catégorie. L’Impreza pourtant si fantastique dans l’absolu, en fait la triste expérience. Il s'agit ni plus ni moins de l'une des voitures, toutes catégories confondues, les plus efficaces sur route, avec en prime l'agrément d'un cinq cylindres musical et surpuissant, et des sensations de conduite au diapason.

Cet essai est paru dans Motorsport Magazine n° 27, un magazine que vous pouvez vous procurer sur ngpresse.fr.

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