À contrario d’un championnat tel que le GT World Challenge, il n’est pas question ici de voitures développées par des constructeurs de prestige, dérivées de supercars à plusieurs centaines de milliers d’euros, avec des carrosseries entièrement en carbone. Adieu les grilles remplies de petits prodiges de 18 ans issus de la monoplace ou de pilotes officiels confirmés. Oubliez aussi les vérins pneumatiques ou les pistolets ultra-performants pour changer les roues en un temps record, ou encore les nombreux ingénieurs pour contrôler chaque paramètre de la voiture en piste.
La Lamera Cup fait partie de ces disciplines d’endurance orientées vers le pilote amateur, appelé gentleman driver dans le milieu, désireux de faire ses premières armes en compétition ou ayant envie de belles bagarres contre des pilotes de son niveau. Pour cela, tout le monde a le même outil : un châssis tubulaire animé par un 5 cylindres turbo de 330 ch d’origine Ford équipant jadis les Focus RS et installé transversalement en position centrale arrière. On trouve également un autobloquant et une boîte séquentielle à 6 rapports. Le gabarit réduit et la carrosserie en fibre de verre ramènent le poids à vide à 970 kg, soit un rapport poids/puissance de 2,9 kg/ch. Excusez du peu. La fibre de verre possède un double avantage : la légèreté, et le moindre coût en cas de contact par rapport au carbone. Dans une discipline monotype où tout le monde a la même voiture et joue des coudes, c’est bien pensé ! Retrouvez ici le chrono de Lamera Cup sur la piste Club de Magny-Cours réalisé par Motorsport.
Les 4 fantastiques
J’ai précédemment eu un avant-goût de la discipline lors d’une journée pluvieuse à Magny-Cours, où j’ai bouclé une dizaine de tours dans des conditions dantesques. Pas réellement de quoi observer le potentiel de cette bombinette. Heureusement, une autre opportunité s’offre moi, permettant cette fois-ci d’être intégré au championnat et à un week-end de course. Je participe à la finale de 8 heures qui se tient sur le circuit historique de Dijon-Prenois. La Lamera Cup a cette particularité de proposer des courses de différentes durées. En 2021, le championnat s’est déroulé en sept manches, allant de 8 à 30 heures de course. Oui, vous avez bien lu, une course de 30 heures s’est tenue à Portimão, ce qui en a fait la course la plus longue du monde.
En arrivant sur le circuit, je me dirige d’abord vers le motor-home installé par l’organisation et à disposition de tous les pilotes. En ce mois d’octobre, sec mais froid, je tombe à point nommé pour pouvoir enfiler ma combinaison au chaud. Je fais connaissance avec mes coéquipiers qui sont déjà en train d’enchaîner les tours de découverte. Pour ce one-shot, je fais équipe avec un couple d’amateurs éclairés, à savoir Emma Clair-Dumont et Stéphane Clair, directeur du circuit Paul Ricard. Bertrand Ballas, 65 ans, complète le team, avec un beau palmarès à son actif. Les près de 40 voitures évoluent dans trois catégories distinctes, réparties en fonction de la composition des équipages. Les plus rapides courent en Elite, ensuite on trouve le ProAm et la catégorie Gentlemen. Avec ce quatuor de choc, nous sommes engagés en ProAm, avec un réel potentiel de résultat. Bertrand fait office de chef de file avec sa grande expérience du championnat. Emma, touche-à-tout multisport, apporte son regard stratégique du sport de haut niveau, et Stéphane met à profit son expertise sportive. Pour ma part, je tente de cerner le plus rapidement possible cette Lamera pour faire partir l’équipe le plus haut possible en qualifications.
Si l’ambiance est amicale dans les paddocks, la compétition fait rage en piste et devant, ça va très vite et personne ne se fait de cadeaux
Tandis qu’Emma enchaîne les tours, Bertrand est passager d’une Lamera d’un box voisin pour coacher nos concurrents. Bon, stratégiquement, c’est pas l’idéal, mais cela montre bien l’état d’esprit amical du championnat… et de Bertrand. D’ailleurs, c’est l’une des particularités de la discipline : vous pouvez être à deux dans les voitures durant les séances d’essais, afin de coacher ou de se faire coacher. Ne vous méprenez pas pour autant. Si l’ambiance est amicale dans les paddocks, la compétition fait rage en piste et devant, ça va très vite et personne ne se fait de cadeaux. Les équipes et les pilotes spécialistes de la discipline connaissent toutes les astuces, optimisent la stratégie et la gestion de la voiture. Avec les différentes catégories mises en place, chacun peut trouver son compte.
Premiers pas
Je m’installe au volant en ouvrant les portes en élytre, qui font toujours leur effet. L’habitacle est du genre minimaliste. Comparativement, il y a beaucoup moins de boutons qu’à bord des GT4 et GT3 auxquelles je suis habitué. Ici il n’y a pas d’aides : contrôle de traction ou ABS. Les principales fonctions se retrouvent sur le volant, comme le pit-limit, la commande d’essuie-glace ou l’allumage des feux. La position de conduite est bonne, tout comme l’ergonomie générale… À l’exception des petits rétroviseurs latéraux, qui ne permettent pas de voir grand-chose. Il vaut mieux se fier à l’écran du tableau de bord, qui fait office de rétroviseur numérique pour voir ce qui se passe à l’arrière.
La pluie nous a épargné pour cette finale. De quoi redécouvrir la voiture par rapport à l’expérience pluvieuse de Magny-Cours. Le 5 cylindres turbo est coupleux et volontaire. Dans la grande ligne droite, on tutoie les 230 km/h avant le premier gros freinage. Même s’il n’y a pas d’ABS, la légèreté de la voiture permet de repousser le freinage au maximum. Attention cependant à ne pas bloquer les roues sous peine de faire un plat sur les classiques Continental Sport Contact 6 (Contact 7 depuis 2022). Le choix de ces pneus découle d’un compromis entre performance, longévité, et coûts. Avec de telles gommes routières, les limites du pneu sont atteintes avant celles de la voiture, ce qui génère un comportement amusant et rend le pilotage accessible. Il n’y a pas de coups de raquette, comme lorsqu’un slick décroche soudainement. Les réactions sont progressives et il est possible de goûter aux joies de la glisse… sauf pour aller chercher le chrono !
À l’assaut du chrono
Maintenant que l’on a fait connaissance avec la voiture et son comportement, il est temps de se préoccuper des qualifications. Grâce aux chronos de Bertrand et aux miens, l’équipe décroche son sésame parmi les 15 voitures les plus rapides qui auront le droit de participer à la superpole. Étant le plus rapide, je suis désigné pour l’exercice, composé d’un tour lancé. Oui, un seul ! Je dois redoubler d’attention pour respecter les limites de piste, pousser sans trop en faire pour éviter l’erreur. Le chrono tombe. L’équipe s’élancera 5e du général et décroche la pole position en ProAm.
Avant le départ, nous cogitons sur la stratégie, primordiale sur une course d’endurance, bien plus que la performance au tour. C’est moi qui prend le départ. Sur la grille, l’organisation vient à ma rencontre pour rappeler les enjeux entre les voitures qui m’entourent et qui se battent pour le titre. Le départ s’exécute de manière lancée. Je reste sage. Quelques tours d’observation plus tard, je lance une attaque et prend la 4e position, en observant les trois premiers qui bataillent fort.
À refaire !
Dans les grandes lignes de ces huit heures de course, nous avons rencontré un premier problème de pompe défectueuse lors d’un ravitaillement. Puis plusieurs accrochages et problèmes mécaniques nous ont empêché de décrocher un bon résultat. Qu’importe, j’ai fait la rencontre de trois super équipiers avec lesquels je me suis bien marré, au sein d’un championnat accueillant et amical. À refaire avec plaisir !