En attendant d’y voir plus clair et de sauver la planète, le segment des petites GTI est clairsemé. On compte parmi elles les indéboulonnables Abarth et Mini ou un modèle pseudo-hybride (réseau 48V) chez Suzuki. Depuis l’an dernier, le maxi Toy’ sème la terreur, mais boxe dans une catégorie à part : intégrale, puissance et tarif élevés… Volkswagen ne lâche pas l’affaire et va même lancer une Polo GTI. Quant aux étalons de la catégorie, vous les avez sous les yeux. La Fiesta ST trône au sommet depuis 2018 et illustre à merveille la philosophie GTI : simplicité, jovialité, efficacité. Il se trouve qu’une Coréenne vient jouer les trouble-fête : l’i20, issue de la branche sportive N apparue en 2015. Il s’agit du troisième modèle à porter le logo en forme de chicane “N” (après les i30 et Veloster), faisant référence aux lieux de conception (Namyang en Corée du Sud) et de mise au point (Nürburgring). Le constructeur revendique d’ailleurs un cahier des charges incluant au minimum 480 tours sur la boucle Nord. Ce n’est pas pour autant qu’il communique des chronos ! Nos confrères allemands de Sport Auto ont relevé tout de même 8’33’’60, contre 8’14’’90 pour la GR Yaris (Fiesta non mesurée). Hyundai continue de développer le département N (future Kona) et la compétition clients, avec les Elantra et i30 dédiées à la piste (TCR), ainsi que l’i20 R5 en rallye, remplacée cette année par la Rally2, basée sur le châssis de l’i20 N. Hyundai et Ford (via M Sport) partagent cet amour des spéciales et alignent de monstrueuses intégrales en WRC, qui n’ont plus rien à voir avec nos GTI.
Une fois côte à côte, le contraste est frappant entre ces citadines. Quand l’une se fond dans la masse, surtout en 5 portes (la 3 portes existe encore) et en tenue de camouflage grise, l’autre en met plein les mirettes. Ce parti pris, très manga, mise sur un coup de crayon agressif, des éléments bicolores et des appendices aéro imposants. L’aileron n’a rien de gratuit et permettrait d’obtenir 20 kg d’appui à 200 km/h. Ne rigolez pas, même le roi des protubérances, alias Honda pour la Civic Type R, n’a jamais voulu communiquer de valeurs et avoue s’atteler à diminuer la portance. Au regard des caractéristiques techniques (dimensions, masse, puissance), des performances ou du tarif, l’i20 N veut clairement la peau de la Fiesta. Mais est-ce que l’élève est en mesure de dépasser le maître ?
Sur la route : Victoire Hyundai
Dans tous les cas, n’imaginez pas voyager paisiblement avec ces petites teignes. Elles se révèlent bruyantes sur autoroute et peu confortables. Les baquets Recaro de la Fiesta prennent l’ascendant en confort et en maintien latéral. À l’arrière, la place est comptée et vos amis feront moins les malins s’ils mesurent 1,80 m et s’ils n’aiment pas être secoués. Cela dit, rien d’anormal à bord de GTI qui ont le mérite de garder les roues au sol et de filtrer efficacement. La Fiesta profite d’un débattement accru mais est plus sensible au roulis. Toutes les deux font appel à la même architecture de suspension et à des amortisseurs passifs. Tiens donc… Hyundai N souligne qu’il a tout revu par rapport aux i20 standard, après avoir renforcé le châssis sur douze points, dont le soubassement et le berceau moteur. Chez Ford, les amortisseurs Tenneco se dotent de valves permettant de dissocier les basses et les hautes fréquences. Leur mission ? Améliorer le filtrage et diminuer les mouvements parasites.
On ne peut pas dire qu’elle soit accomplie. À l’arrière, les ressorts à “force vectorielle” ont pour objectif de stabiliser le popotin à l’inscription, en générant de la pince sur la roue extérieure. Cette fois, comme nous le verrons plus tard, ils fonctionnent peut-être trop bien et pourraient être plus relax. Pas de quoi bouder notre plaisir avec cette Fiesta qui porte bien son nom et communique à souhait. Les remontées d’informations affluent davantage qu’à bord de l’i20, au point de la rendre très vivante. Mieux vaut bien tenir le cerceau. C’est tout le charme d’une authentique GTI ! La puissance est bien canalisée dans les deux cas, avec davantage de facilité dans le clan coréen, où l’effet de blocage du différentiel est plus percutant. L’autobloquant est livré de série, alors qu’il fait partie du pack Performance facturé 950 € chez Ford, incluant le launch control. Du coup, à équipement égal, les tarifs des deux ennemies s’équivalent, mais l’i20 écope de 1 276 € de malus. En clair, les prestations sont proches sur routes ouvertes. La Hyundai se montre un brin plus efficace, plus facile à malmener. Elle propose qui plus est une atmosphère plus valorisante, une interface bien ficelée et plus d’espace à bord. Elle remporte donc cette première manche, serrée.
Moteur/boîte : Victoire Ford
Encore une fois, la victoire se joue dans un mouchoir de poche. Les boîtes manuelles étant aussi précises et géniales à manier, tout repose sur leurs petits cœurs dopés. Hyundai parie sur un petit 4 cylindres à injection directe et distribution variable. Il possède un overboost en mode N et calcule précisément la vitesse de rotation de la turbine pour accroître sa fiabilité. Le 1,6 litre marque par son punch et son échappement actif, bourdonnant à mi-régimes. Il est à peine plus puissant que son adversaire (+ 4 ch) et délivre un poil plus de couple via l’overboost (+ 1,4 mkg). La plage d’utilisation se calque sur celle de la Fiesta, avec une percée à 2 500 tr/mn suivie d’une ascension progressive qui s’arrête aux alentours de 6 500 tr/mn. Un peu court… Cette profonde évolution de l’ancien 1,6 litre a toutefois moins de répondant et de caractère que le 3 pattes. Ford s’adonne aux joies du downsizing, en optant pour un 1,5 litre turbo de 200 ch, affublé de la bi-injection et capable d’évoluer en bicylindre à faible charge. Carrément. Il a ainsi la particularité d’avoir un timbre éraillé et atypique. Bref, les deux blocs ont suffisamment de tempérament.
L’entrée de gamme ST remporte cette manche pour la vigueur et la singularité de ce 3 cylindres… Et non grâce à sa boîte de vitesses, puisqu’elle régale autant que celle de son ennemie jurée. Pas de palettes. Pas de chichi. Un levier sinon rien ! La recette du bonheur made in GTI. Dans les deux cas, l’étagement de ces boîtes 6 est bien nivelé. Les changements sont rapides et précis. On prend un malin plaisir à triturer les petits leviers, en profitant du talon-pointe automatique chez Hyundai, parfaitement exécuté. Il s’active depuis la touche REV rouge du volant ou en mode N. Dans le camp adverse, l’agencement du pédalier ne facilite pas la tâche, mais avec un peu d’entraînement… Ford a inauguré un launch control, en option via le pack Performance. Avec une boîte manuelle ? Eh oui, on n’arrête pas le progrès. Comme par hasard, l’i20 propose aussi ce système de série. Voyons s’il s’agit d’un gadget à Lurcy-Lévis.
Performances : Victoire Ford
Le “contrôle de lancement” apparaît dès que l’on s’arrête sur la Fiesta, sur l’onglet Ford Performance au centre du compteur et en optant pour le mode Sport ou Circuit (qui repousse l’intervention de l’ESP). Vous suivez toujours ? Le régime se cale à 3 000 tr/mn et l’électronique optimise le décollage en ajustant la gestion moteur et l’antipatinage. Celui de la i20 réclame le mode N (palettes bleutées au volant), puis s’enclenche via l’interface de l’écran central et oscille entre 3 000 et 5 000 tr/mn. Ces gadgets sont efficaces, mais avec la pratique, on arrive à décoller aussi bien sans aide. À ce jeu, c’est l’i20 qui démarre le plus fort et colle une demi-seconde à la Fiesta de 0 à 100 km/h : 6’’7 contre 7’’2. Précisons avant d’aller plus loin que ces citadines font le même poids, au kilo près… Tiens donc. La Fiesta pointe à 1 234 kg sur la balance de W-Autosport, contre 1 235 kg pour l’i20.
Au final, les ennemies se talonnent en accélérations, en ménageant un suspense haletant. À 120 km/h, elles affichent le même chrono : 9’’3. À 140 km/h, la Coréenne reprend l’avantage (-0’’4). À 160 km/h, les rôles s’inversent : -0’’1 pour l’Américano-allemande. À 180 km/h, cet écart revient en faveur de l’i20. Incroyable, la bataille est ultra-serrée. L’exercice du 1 000 m, se terminant à plus de 190 km/h, ne peut les séparer : 27’’1 pour tout le monde ! Ce n’est donc pas grâce à cet exercice que Ford remporte cette manche. Il faut se tourner vers les reprises de 80 à 150 km/h pour les dissocier : -2’’0 en 5e et -1’’5 en 6e en faveur de la vigoureuse Fiesta, dotée d’un pont plus court. Elle pointerait également juste devant en vitesse maxi, à 2 km/h près : 232 contre 230 km/h ! Inutile de fanfaronner, car la Fiesta doit se méfier de l’efficacité et de l’endurance de ses freins. De mauvais augure pour nos tours de manège sur le Club.
Sur la piste : Victoire Hyundai
En effet, la Fiesta baisse rapidement les bras en raison de son freinage, alors que l’i20 joue les dures et rassure. Les placements se compliquent vite avec la Ford, dont le train avant n’a pas autant de hargne et sature plus facilement. Son ennemie épate par ses freinages tardifs, sa vivacité au placement et sa manière de croquer du vibreur sans être perturbée. L’exemple le plus frappant se produit à la vicieuse chicane suivant la ligne droite, où elle freine au panneau “trop tard” et plonge dans le pif sans temps mort puis ressort dans le paf sereine. La Fiesta réclame plus de bataille au volant et plus de patience en entrée, surtout dans le rayon constant et l’épingle. Dans le double droit, il ne faut pas hésiter à la jeter et à passer en force. Elle est pourtant bien chaussée (Michelin PS4) et possède un autobloquant Quaife optionnel, mais la motricité reste inférieure à celle de l’i20. Hyundai sort l’artillerie, entre les réglages châssis, les P Zero sur mesure ( !) et l’autobloquant. Dans les deux cas, l’arrière se contente d’accompagner sur le sec. À moins de tirer le câble (oui, il existe encore !), les figures artistiques ne sont pas au programme.
Un peu de concentration, il est temps de déclencher le chrono. Nicolas ne parvient pas à rééditer le temps de la ST 3 portes testée en 2018 : 1’29’’07. Cette 5 portes alourdie de 21 kg sauve l’honneur familial en restant sous les 1’30’’ . « Je n’ai plus eu de freins après deux tours et demi ! Elle se cale tout de suite, elle ne glisse pas. L’i20 est au-dessus en châssis. La Fiesta mérite de gros freins et une dose d’antiroulis » précise Nicolas. Sébastien Ullmann, membre de la famille Motorsport et possesseur d’une superbe 205 GTi 1,9 litre trouve la Fiesta plus pêchue, mais constate que le circuit n’est pas son terrain de jeu. Ford pourrait en effet ajouter au pack Performance des freins costauds et des réglages de suspension radicaux. Il serait ainsi en mesure de combattre cette diablesse d’i20, qui épate la galerie par son efficacité, son grip, qui la hissent au sommet de la catégorie. Nicolas n’en revient pas : « Fabuleuse, exceptionnelle ! Elle n’est pas joueuse, mais elle engage bien. Très agréable, hyper saine, elle a un bon feeling.
Le travail sur le chrono est facile, seule l’aide au freinage d’urgence gène ». Ce travail se solde par un tour bouclé en 1’27’’91, malgré une vitesse maxi de seulement 166 km/h. Seule la fabuleuse et regrettée 208 GTi 30th la surclasse dans la catégorie : 1’27’’30 ! Cette i20 est donc capable de briller autant en spéciales que sur circuit, ce qui tient du miracle sur ce segment. Sébastien reste également bouche bée : « Elle a un châssis de dingue. On a envie de lui rentrer dedans. L’esprit GTI est là ». Avec autant de louanges et un tel enthousiasme, le trublion i20 N mérite sa place en finale de notre élection de la Sportive 2021, programmée fin octobre.