Où et quand ?
Fin février, Toyota a convié la presse européenne à tester les évolutions 2024 de sa bombinette restylée au cœur de la Finlande, sur un lac gelé situé à Höytiä, à une heure de route du siège de Toyota Gazoo Racing World Rally Team, fabriquant les reines du WRC Rally1 et la nouvelle Rally2 sous la direction de Jari-Matti Latvala qui nous a honoré de sa présence, comme Sébastien Ogier. Afin de mieux saisir les changements 2024, le constructeur a eu l’excellente idée de mettre à disposition l’ancienne génération (finition Track) aux côtés de l’actuelle, testée pour la première fois dans sa version de production (essai prototype par EVO ici). Toutes les montures sont équipées de pneus clous (3 mm) et évoluent sur trois tracés différents, variés et techniques, dans des conditions douces pour la saison (0°).
Le pitch
Contre toute attente, la GR Yaris qui devait servir initialement une homologation en FIA WRC (avant la bascule vers l’hybride mais surtout avant que la FIA ne fasse marche arrière sur le sujet) continue sa carrière, voire inaugure de belles évolutions en 2024 : puissance et couple moteur, boîte auto en option, châssis, suspension, gestion de la transmission intégrale, bouclier avant, agencement du poste de conduite, feux arrière. Toujours fabriquée au Japon, la GR Yaris commence par renforcer sa coque, en modifiant les points de soudure et le collage, ainsi que la suspension en multipliant les points d’ancrage avant. Les amortisseurs passifs, les ressorts (raidis davantage à l’avant qu’à l’arrière) et les barres antiroulis sont également revus dans le but de réduire les mouvements de caisse et d’accroître l’efficacité. Toujours dans ce but, la transmission intégrale revoie ses lois de transferts et est épaulée d’office par des autobloquants Torsen avant/arrière, proposés auparavant avec le pack Track comprenant des Michelin Pilot Sport 4S et des jantes forgées (désormais en option, configurateur par ici).
Premier regard
Pas facile d’identifier le cru 2024 ! Il continue d’avoir très peu de pièces communes avec la Yaris classique : optiques arrière, antenne et rétros. De face, il faut se concentrer sur la grille de calandre et la découpe du bouclier inférieur fabriqué en trois parties afin de faciliter le remplacement et de diminuer les coûts. Le profil, lui, est toujours marqué par les ailes bodybuildées et le toit fuyant (en plastique renforcé de fibres de carbone) rabaissé de cette carrosserie trois portes spécifiques. Le capot, les portes et le hayon continuent d’être en aluminium. Pour distinguer le nouveau cru, il faut plutôt se concentrer sur les feux arrière joints par un bandeau lumineux. Dans le cas où vous tomberez sur une GR Yaris gris platine, il ne peut s’agir que d’une phase 2 puisque cette couleur complète la palette composée de rouge, blanc, noir et blanc nacré.
À bord, le changement de millésime est plus flagrant. L’habitacle cache une nouvelle fois deux petites places arrière et un coffre minuscule abritant la batterie. La révolution vient de l’agencement de la planche de bord, plus massive (trop !), verticale et tournée vers le conducteur. Le compteur devient entièrement numérique et son graphisme évolue au gré des modes de conduite, regroupés sur la console centrale. L’écran tactile, lui, déçoit toujours par ses sous-menus et sa présentation basique. Ce qualificatif convient parfaitement à la qualité des plastiques utilisés, durs sur toute la partie basse et matifiés sur la partie haute pour éviter des reflets. Côté passager, la console devient creusée et dotée d’un port USB pour faciliter la vie du copilote : plus d’espace, installation d’un outil de télémétrie. L’abaissement du tableau de bord et des sièges modifient peu le champ de vision et le conducteur apprécie toujours autant les baquets de série : confort, maintien latéral.
Le râleur, il dit quoi ?
Le fan français peste d’une part contre le malus s’élevant au minimum au prix de l’auto ! Il aimerait d’autre part disposer de la version 304 ch japonaise, dénuée de filtre à particules.
Les chiffres (et quelques lettres)
L’évolution la plus inattendue concerne le trois cylindres turbo. Le 1,6 litre bi-injection possédait déjà un rendement record pour un petit trois pattes. Toyota enfonce le clou en retouchant le refroidissement (radiateur d’huile supplémentaire, projection d’eau sur l’échangeur), les pistons, les soupapes d’échappement, la pression d’injection, l’échappement et porte la pression maxi du turbo de 1,5 à 1,8 bar maxi. Le petit bloc grimpe ainsi de 360 à 390 Nm et de 261 à 280 ch, alors qu’il atteint 304 ch et 400 Nm au Japon sans filtre à particules. Dans ces conditions, en sautant de l’ancien au nouveau modèle, on apprécie la réactivité accrue à bas régimes, le caractère toujours marqué de la suralimentation et la rage dans les tours. Du coup, il faut être plus doux avec les gaz pour entretenir les glisses et ressortir délicatement des courbes. Mais un point chagrine. Après confirmation auprès d’un autre modèle, la sonorité devient plus filtrée à bord. La cause ? La modification de l’échappement selon un responsable du développement.
Gazoo Racing reste attaché au bon vieux levier, très agréable et rapide, mais propose désormais une boîte auto à 8 rapports (+ 20 kg) qui reprend le 1er et 6e rapports de la manuelle, raccourcit les 2d, 3e, 4e, 5e et 6e rapports, puis allonge les deux derniers. Signée Aisin, cette transmission appréciée des pilotes maison oublie toute notion de patinage et ajoute un radiateur. Capable de changer de rapport en 150 ms, elle séduit par sa réactivité – y compris au rétrogradage – et peut s’envisager en mode automatique. Elle a toutefois tendance à passer le rapport supérieur, pas nécessaire dans nos conditions d’essai, donc elle s’apprécie davantage en manuel, en agitant les palettes au volant ou le levier à l’endroit (+ vers le bas). La gestion évolue au gré des modes de conduite (Eco, Normal, Sport, Track et Custom) qui agissent aussi (et indépendamment en Custom) sur la réponse à l’accélérateur et l’assistance de direction (c’est nouveau !). La BVA8 cache évidemment un launch control, qui devrait améliorer les accélérations, non communiquées à l’heure actuelle comme la vitesse maxi. Rappelons que l’ancienne mouture se contentait de 5’’5 de 0 à 100 km/h et était bridée à 230 km/h. La rapidité de cette boîte permettrait de gagner 0’’2 par virage sur circuit asphalte et 0’’5 par kilomètre sur la glace par rapport à la manuelle.
Le truc en plus
La GR Yaris n’a pas de concurrence frontale ! Elle se positionne dans une catégorie à part, issue d’un croisement entre une GTi et une rallyeuse incarnant la digne descendance des Impreza et Lancer Evolution. Elle mélange avec brio la taille réduite de la première à la transmission intégrale sophistiquée de la seconde. Cette transmission se compose d’un embrayage multidisque piloté situé en amont de l’essieu arrière et d’un pont arrière plus long. Les lois de répartition avant/arrière de la GR-Four ont d’ailleurs été revues. En dehors du normal (60/40 %), le Sport (30/70 %) est remercié et l’inédit Gravel (53/47 %) s’approche de l’ancien Track (50/50 %). Quant au nouveau Track, il ne verrouille plus les transferts mais évolue entre 60/40 et 30/70. La GR Yaris de base disparaît du catalogue et Toyota ne propose plus que l’équivalent de l’ancienne finition Track, représentant l’écrasante majorité des ventes et incluant des autobloquants avant/arrière Torsen (les jantes forgées sont facturées 2500 €). La bonne nouvelle ? Étant donné la faible adhérence, nous allons pouvoir étudier minutieusement cette transmission intégrale.
Le bienheureux, il dit quoi ?
Il est ravi qu’une pépite aussi pétillante et efficace continue d’être produite et importée en Europe, malgré nos taxes absurdes.
Sur la route
Raté pour cette fois ! Notre essai se déroule exclusivement sur circuit glace. Mais contrairement aux premiers essais organisés en décembre en Espagne, nous avons affaire ici aux modèles de production et non à des prototypes. Il va falloir patienter jusqu’en juin pour malmener cette rallyeuse sur asphalte.
Sur circuit
Nous avons pu valser sur un lac gelé sans modération, au volant des phases 1 et 2. Il suffit de quelques enchaînements pour mesurer les évolutions 2024. Dès le placement, le cru 2024 nécessite moins d’angle au volant et réagit avec moins d’inertie. La direction à assistance électrique semble totalement repensée, alors que Gazoo Racing annonce seulement un recalibrage. Les remontées d’informations abondent et l’assistance faiblit désormais en Sport. Précisons que le volant multifonction recevra un repère au point milieu, non présent sur ce modèle d’essai. Bref, le conducteur tricote moins des avant-bras et profite d’un train avant plus réactif, de mouvements de caisse mieux canalisés. Dans ces conditions extrêmes, la puce jubile et épate par son efficacité, la progressivité de ses réactions et le grip généré par le duo infernal transmission intégrale high tech/pneus clous. Après avoir testé les différents modes, il s’avère que le nouveau Track perturbe sur faible adhérence par la variation des transferts et le manque de constance. Mieux vaut opter, comme le conseille les pilotes maison, pour le Gravel évoquant l’ancien Track et permettant de pivoter efficacement, de réaccélérer plus tôt. Alors que l’ancien Sport transforme la puce en – quasi – petite propulsion sur ce terrain de jeu, le Gravel (ou l’ancien Track) la hisse au rang de reine des neiges qui dérive le volant droit, en visant la sortie et en maintenant les gaz. Avec des clous aux pattes, le grip ébahit et la GR Yaris se transforme en outil addictif, en experte de la danse lapone. Dire que nous avons hâte de la retrouver sur asphalte et de brandir le chrono à Magny-Cours avec Motorsport est un euphémisme.
Les tarifs
En se basant sur l’ex-finition Track, le prix grimpe de 7 000 € et démarre à 46 300 € en boîte manuelle et 48 800 € en auto. Ce qui, au regard des prestations, demeure digeste… Avant la sanction hexagonale : le malus au moins équivalent au prix d’achat : 45 990 € pour la BVM et 60 000 € pour la BVA qui ne parvient pas à réduire les émissions. Merci le gouvernement français de priver nombre de passionnés de cette perle rare qui touche désormais une clientèle plus aisée, d’ordinaire adepte des GT. Quel gâchis. La GR Yaris aurait pu être aussi populaire qu’une Impreza GT et n’a pas de réelle concurrence. Les intégrales Audi RS3, BMW M135i xDrive, Mercedes-AMG A45S ou Volkswagen Golf R 20 ans ne jouent pas dans la même catégorie : efficacité, gabarit, vivacité, tarif…