Vous avez tout à fait le droit de penser que le Taycan Cross Turismo est le pire cauchemar d’evo. En plus d’être un véhicule électrique de 2,3 tonnes, il est aussi un crossover plutôt bizarre. Pour être franc, ce segment a engendré certains des véhicules les plus inutiles et les plus flasques qui aient jamais débarqué sur une ligne de production automobile. Comme l’Opel Adam Rocks ou le BMW X6. La galerie des horreurs.
Pas un Taycan SUV
Le Taycan Cross Turismo est toutefois une proposition bien différente. Vous avez peut-être vu en images des prototypes de présérie sur des chemins de terre projetant sauvagement des gerbes de cailloux dans chaque virage lors de tests d’endurance, mais bien qu’il en soit capable (sans doute au prix d’un soubassement complet à remplacer) ce n’est pas un Taycan surélevé avec de fausses prétentions tout-terrain. Il a beau recevoir de gros élargisseurs d’ailes en plastique et une suspension relevant la garde au sol de 20 mm par rapport à un Taycan classique (ou 30 mm avec le pack Off-Road), il peut également rouler très bas comme une berline. C’est bien noté ? OK.
Et lorsque vous vous retrouvez devant un Cross Turismo, il semble effectivement très bas, au moins autant que le Taycan classique. Le résultat est une auto qui en impose et qui fait tourner les têtes, plus encore que la sportive iconique du constructeur. C’est un vrai hyper-break.
C’est une auto qui en impose, un vrai hyper-break
Même si les ventes d’électriques de Porsche ont baissé en 2022 du fait des problèmes d’approvisionnement, le Taycan transforme radicalement le business model de Porsche. La majorité des ventes du constructeur en Europe se faisait en 2021 avec des modèles hybrides et électriques, et le Cross Turismo commençait à peser lourd dans la balance en comptant pour presque un tiers des ventes de Taycan. Cette version Turbo est affichée à plus de 169 000 euros, sans compter les nombreuses options nécessaires qui font ici monter le prix de plus de 30 000 euros. Certes, les coûts d’étude, de conception, de développement et d’industrialisation du Taycan ont dû être faramineux mais les comptables de la compagnie doivent sourire chaque fois qu’un bon de commande de Taycan tombe sur leur bureau, surtout avec ce type de configuration.
La gamme
Dans la gamme, le Turbo se positionne au-dessus des 4 et 4S et sous le Turbo S. Il offre la même puissance de base de 625 ch que ce dernier qui, par contre, propose jusqu’à 761 ch en mode launch control contre “seulement” 680 pour le Turbo. De plus, le couple maximal en mode launch control atteint 850 Nm sur le Turbo et 1 050 Nm sur le Turbo S. Mais les caractéristiques de cette version Turbo impressionnent malgré tout (tout comme son poids de 2 320 kg) avec notamment un 0 à 100 km/h effacé en 3’’3 et, encore plus impressionnant, moins de 2’’ pour passer de 80 à 120 km/h.
On pourrait écrire une thèse complète au sujet des technologies qu’il embarque mais ce n’est pas le lieu je vais donc me concentrer sur les impressions de conduite.
Au volant
À bord, on se sent à l’aise, l’habitacle se montre très confortable et un coup d’œil par-dessus l’épaule m’indique que je dispose de l’option de sièges 4+1. Oui, c’est une option à 480 euros. Bien qu’il s’agisse d’une imposante auto, les places arrière n’offriront un vrai confort qu’à deux personnes, la place du milieu restant du “dépannage”. Et si la silhouette de break vous laissait augurer d’un volume de chargement titanesque, sachez qu’il n’augmente que de 39 litres avec les sièges arrière en place. Reste qu’une fois les sièges rabattus, le volume grimpe malgré tout à 1 170 litres.
Conduire la Cross Turismo est une expérience étonnante et intéressante. Le confort de roulage est royal et la présence des jantes optionnelles de 21 pouces ne se remarque qu’à basse vitesse. L’isolation des vitrages (1 350 euros en option) vous maintient dans une ambiance feutrée et sereine, idéale pour les longs voyages. La performance disponible instantanément est juste immense, le trafic autour de vous est figé subitement à la moindre accélération. C’est si débordant que l’on se rend vite compte qu’il faut savoir garder une certaine mesure avec la pédale de droite. Ce n’est pas parce que toute cette puissance est disponible qu’il faut l’utiliser, d’autant qu’un peu de retenue améliore grandement l’autonomie du Cross Turismo annoncée entre 395 et 452 km (WLTP).
Car dès que vous tombez sous les 160 km d’autonomie, le stress monte en flèche.
Une conduite en retenue
Il faut aussi se restreindre lorsque vous cherchez à exploiter les qualités dynamiques de l‘engin. Comprenons-nous bien, il n’en manque pas. Étant donné sa taille et son poids, il se déplace avec une rage qui frise la démence, aidé par sa transmission intégrale inébranlable et une agilité effrayante renforcée ici par ses 4 roues directrices optionnelles. Ce n’est que lorsque vous l’engagez dans un classique virage à 90° d’une petite route de campagne que vous prenez conscience de la masse en mouvement sous vos fesses et les dégâts que pourrait causer un tel bestiau si les choses tournaient mal. Du fait de sa taille et de son poids mais aussi de sa conduite unidimensionnelle (deux pédales, pas de rapports à passer, pas de son moteur même si une bande-son artificielle est diffusée), le Cross Turismo a besoin de routes adaptées pour ressentir un quelconque frisson. Sur le tracé étroit de l’arrière-pays, vouloir pousser fort à son volant peut vite se révéler imprudent et au final pas très agréable.